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Cuba Ouvre ses Portes aux Investisseurs Étrangers

Face à une crise sans précédent, Cuba annonce des mesures radicales pour attirer les investisseurs étrangers : comptes à l’étranger, import carburant libre, embauches directes… Ces réformes vont-elles enfin relancer l’île ? La réponse risque de surprendre...

Imaginez un pays où l’essence manque certains jours, où les rayons des magasins sont parfois vides, et où pourtant, en ce mois de novembre 2025, le gouvernement décide soudain d’ouvrir grand les portes aux capitaux étrangers. C’est exactement ce qui se passe à Cuba en ce moment.

Un virage inattendu dans la pire crise depuis trente ans

Le ministre du Commerce extérieur et de l’Investissement étranger a pris tout le monde de court lors de la 41e Foire internationale de La Havane. Au milieu des stands encore marqués par les restrictions des années passées, il a dévoilé une série de mesures destinées à « dynamiser » l’arrivée de capitaux étrangers. Derrière les mots techniques, c’est une petite révolution qui se dessine.

Le contexte est lourd : pénuries chroniques de carburant, coupures d’électricité quotidiennes, files d’attente interminables pour les produits de première nécessité. L’île traverse ce que beaucoup considèrent comme sa pire crise économique depuis les années 1990. Et pourtant, c’est précisément maintenant que les autorités choisissent d’assouplir les règles.

Des comptes bancaires à l’étranger pour les entreprises implantées

La mesure la plus spectaculaire concerne la gestion des devises. Désormais, toute entreprise ayant des activités à Cuba – qu’elle y soit déjà installée ou qu’elle envisage de s’y implanter – pourra ouvrir des comptes bancaires à l’étranger. Les recettes d’exportation pourront y être déposées directement.

Concrètement, cela signifie que les sociétés ne seront plus obligées de tout rapatrier à Cuba pour ensuite attendre des semaines, voire des mois, que l’État leur reverse des devises. Elles gardent la maîtrise de leur trésorerie à l’international. Un changement majeur dans un pays où le contrôle des changes a toujours été absolu.

« Elles pourront opérer de manière flexible en pesos cubains ou en dollars, selon leurs besoins »

Oscar Pérez-Oliva, ministre du Commerce extérieur

Importation libre de carburant : la fin d’un cauchemar logistique

Dans un pays où les stations-service affichent souvent « no hay » (il n’y en a pas), autoriser les entreprises étrangères à importer directement leur carburant change la donne. Fini les arrêts de production parce que le camion n’a plus de diesel. Fini les négociations interminables avec les autorités pour obtenir quelques litres.

Cette mesure répond à une réalité brutale : malgré les livraisons du Venezuela et d’autres alliés, Cuba manque cruellement de carburant depuis plusieurs années. Les entreprises pourront désormais s’approvisionner quand elles le jugent nécessaire, sans passer par les circuits étatiques.

Vente en gros à tous les acteurs, publics comme privés

Jusqu’à présent, commercialiser sa production sur le marché intérieur relevait du parcours du combattant. Les nouvelles règles autorisent les entreprises à vendre en gros à n’importe quel acteur économique cubain, qu’il soit étatique ou privé.

Cela ouvre des perspectives énormes. Une usine de pièces détachées pourra désormais écouler sa production auprès des nouveaux entrepreneurs privés qui se multiplient depuis les réformes de 2021. Un producteur alimentaire pourra approvisionner directement les restaurants privés qui fleurissent à La Havane ou Varadero.

Embauche directe et salaires boostés en devises

L’un des freins historiques à l’investissement à Cuba était l’obligation de passer par une agence d’État pour recruter le personnel. Cette époque semble révolue. Les entreprises pourront désormais embaucher directement leurs employés.

Mieux encore : elles auront le droit de verser des gratifications en devises étrangères. Dans un pays où le salaire moyen dans le secteur public tourne autour de 4 000 pesos (environ 12 euros au marché parallèle), la possibilité de toucher des primes en dollars change complètement la donne pour les travailleurs qualifiés.

Bureaucratie allégée : de quinze à sept jours pour étudier un projet

Cuba traîne une réputation peu flatteuse en matière de lenteur administrative. Quinze jours minimum pour étudier une proposition d’investissement ? C’était hier. Les nouvelles normes ramènent ce délai à sept jours seulement.

Sept jours. Dans le monde des affaires, c’est presque instantané. Cela place soudain Cuba dans une position compétitive face à d’autres destinations des Caraïbes où les démarches peuvent parfois traîner des mois.

Le secteur banque-finance s’ouvre enfin aux capitaux étrangers

Peut-être la mesure la plus symbolique : le secteur bancaire et financier cubain, jusqu’ici chasse gardée de l’État, va connaître une « plus grande participation du capital étranger ».

Dans un pays où il n’existe pratiquement pas de banques privées et où les cartes de crédit étrangères fonctionnent encore très mal, cette ouverture pourrait tout changer. On imagine déjà l’arrivée de filiales de banques espagnoles, canadiennes ou même asiatiques.

Socialisme irrévocable… mais pragmatique

Le ministre a tenu à le préciser : toutes ces mesures sont parfaitement compatibles avec la Constitution de 2019, qui consacre le « caractère irrévocable du socialisme ». On assiste donc à un pragmatisme assumé.

Ce n’est pas la première fois que Cuba ajuste son modèle. On se souvient des réformes de Raúl Castro dans les années 2010, ou plus récemment de l’ouverture massive au secteur privé en 2021. Mais l’ampleur des annonces actuelles semble d’un autre calibre.

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes

Indicateur Situation actuelle Besoin estimé
Entreprises à capital étranger 376 (provenant de 40 pays)
Investissement annuel nécessaire inférieur aux besoins 5 milliards de dollars

Le gouvernement lui-même reconnaît que les montants obtenus ces dernières années sont très en deçà des 5 milliards de dollars annuels jugés nécessaires par les experts locaux. Ces nouvelles mesures visent clairement à combler cet écart.

Quelles conséquences concrètes pour l’économie cubaine ?

À court terme, on peut s’attendre à une accélération des projets en attente. Beaucoup d’entreprises hésitaient à cause des contraintes bancaires ou logistiques. Ces freins venant de sauter, certains dossiers pourraient se débloquer rapidement.

À moyen terme, l’arrivée de capitaux frais pourrait relancer certains secteurs stratégiques : tourisme (avec la construction de nouveaux hôtels), agriculture, industrie pharmaceutique, énergies renouvelables. Des domaines où Cuba possède des atouts réels mais manque cruellement d’investissements.

Enfin, à long terme, ces réformes pourraient modifier profondément la structure même de l’économie cubaine. En autorisant une plus grande présence étrangère dans le secteur financier et en libéralisant les échanges intérieurs, le pays s’engage sur une voie qui rappelle les modèles vietnamien ou chinois : un parti unique qui conserve le pouvoir politique tout en ouvrant largement l’économie.

La grande question reste de savoir si ces mesures seront suffisantes pour inverser la tendance. L’embargo américain, même s’il a été assoupli sous Obama, reste en place et continue de compliquer la vie des entreprises qui veulent investir à Cuba. Et la confiance, une fois érodée, met du temps à revenir.

Mais une chose est sûre : en ce mois de novembre 2025, Cuba vient d’envoyer un signal fort au monde des affaires. Un signal qui dit : malgré les difficultés, malgré l’histoire, malgré tout, l’île reste ouverte aux opportunités. Et cette fois, elle semble prête à jouer selon certaines règles du capitalisme mondial tout en préservant son système politique.

Le pari est audacieux. Les prochains mois nous diront s’il était gagnant.

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