Imaginez votre enfant qui rentre de l’école et réclame son milk-shake préféré. Dans quelques années, ce petit plaisir quotidien pourrait coûir bien plus cher aux parents britanniques. Le gouvernement de Keir Starmer vient de frapper fort : la taxe sur les boissons sucrées, déjà en place depuis 2018, va s’étendre à toute une nouvelle catégorie de produits très appréciés des plus jeunes.
Une taxe qui change de dimension
Ce n’est pas une simple augmentation. C’est une véritable révolution dans la lutte contre le sucre caché. Le seuil qui déclenche la taxe va descendre de 5 g à seulement 4,5 g de sucre pour 100 ml. Et surtout, les milk-shakes, les laits aromatisés, les yaourts à boire et même certains cafés prêts à consommer entrent dans le viseur.
Ces boissons, souvent perçues comme plus « saines » parce qu’elles contiennent du lait, cachent en réalité des quantités parfois équivalentes à un soda classique. Le message est clair : il n’y aura plus d’échappatoire pour les industriels.
Pourquoi maintenant ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Un enfant sur dix est déjà obèse dès son entrée à l’école primaire en Angleterre. À 11 ans, c’est presque un sur quatre. Et les caries dentaires restent la première cause d’hospitalisation chez les 5-9 ans. Le système de santé public, le célèbre NHS, débourse chaque année plus de 11,4 milliards de livres rien que pour traiter les conséquences de l’obésité.
Le ministre de la Santé, Wes Streeting, n’y est pas allé par quatre chemins devant les députés : « L’obésité prive les enfants du meilleur départ possible dans la vie. Elle frappe plus durement les familles modestes et les expose à des problèmes de santé graves tout au long de leur existence. »
« Bon nombre de ces produits peuvent contenir autant de sucre ajouté que les boissons gazeuses classiques. »
Ministère de la Santé britannique
Un délai de grâce jusqu’en 2028
Les industriels ne seront pas pris au dépourvu. Ils disposent d’un délai généreux jusqu’au 1er janvier 2028 pour reformuler leurs recettes et descendre sous la barre fatidique des 4,5 g de sucre pour 100 ml. Passé ce délai, la taxe s’appliquera automatiquement : 19,4 pence par litre, soit environ 22 centimes d’euro.
Cette stratégie du « bâton et de la carotte » a déjà fait ses preuves. Depuis l’introduction de la taxe en 2018, la teneur moyenne en sucre des boissons concernées a chuté de près de 50 %. Les grandes marques ont reformulé massivement plutôt que de répercuter la taxe sur le consommateur.
Les produits qui vont passer à la caisse
Concrètement, quels sont les produits qui risquent de voir leur prix grimper ?
- Les milk-shakes en bouteille vendus en supermarché
- Les laits aromatisés (chocolat, fraise, vanille…)
- Les yaourts à boire sucrés
- Certaines boissons lactées prêtes à consommer
- Les cafés froids sucrés en bouteille
Tous ces produits, souvent présentés dans le rayon frais ou près des caisses, étaient jusqu’ici épargnés. C’est terminé.
L’obésité, un fléau à coût exorbitant
Le Royaume-Uni affiche le troisième taux d’obésité adulte le plus élevé d’Europe. Et le phénomène commence très tôt. Les conséquences à long terme sont dramatiques : diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, certains cancers… Autant de pathologies qui pèsent lourdement sur le système de santé.
Le coût annuel de 11,4 milliards de livres représente une charge colossale pour le NHS. À titre de comparaison, c’est presque le budget entier de certains ministères. Et ce chiffre ne prend même pas en compte la perte de productivité ou les années de vie en bonne santé perdues.
Chiffres clés de l’obésité infantile en Angleterre :
• 10 % des enfants obèses à 4-5 ans
• 22 % des enfants obèses à 10-11 ans
• Caries dentaires : 1ʳᵉ cause d’hospitalisation 5-9 ans
• Coût pour le NHS : 11,4 milliards £ / an
Une mesure saluée… mais jugée insuffisante
Kawther Hashem, de l’association Action on Sugar, qui milite depuis des années pour des seuils encore plus bas, accueille la nouvelle avec un enthousiasme mesuré. Pour elle, abaisser le seuil à 4,5 g est « une étape positive », mais le gouvernement aurait pu aller plus loin.
D’autres voix estiment que taxer les produits ne suffira pas sans une éducation alimentaire massive dès le plus jeune âge et une régulation plus stricte de la publicité ciblant les enfants.
D’autres mesures déjà en route
Cette extension de la taxe ne sort pas de nulle part. Elle s’inscrit dans une stratégie plus large du gouvernement travailliste :
- Restriction drastique de la publicité pour la malbouffe, notamment avant 21 h
- Interdiction de vente des boissons énergisantes (type Red Bull) aux moins de 16 ans en Angleterre
- Campagnes de sensibilisation renforcées dans les écoles
Toutes ces mesures visent le même objectif : inverser la courbe de l’obésité infantile d’ici la fin de la décennie.
Et chez nous, qu’attend-on ?
En France, nous avons notre propre taxe sur les boissons sucrées depuis 2012, mais elle reste bien moins ambitieuse. Le seuil est fixé à 1 g/100 ml avec une taxation progressive, mais les produits laitiers sucrés échappent encore largement au dispositif.
Le modèle britannique, avec son impact démontré sur la reformulation, fait réfléchir. Va-t-on voir un jour nos bouteilles de lait fraise ou nos yaourts à boire augmenter brutalement ? Rien n’est moins sûr, mais le précédent est posé.
Une chose est certaine : la guerre contre le sucre caché ne fait que commencer. Et nos enfants en sont les premiers bénéficiaires… ou les premières victimes collatérales, selon le point de vue.
Restera à voir, en 2028, si les rayons des supermarchés britanniques affichent des produits réellement moins sucrés… ou simplement plus chers.









