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Doumbouya Candidat : La Junte Veut S’éterniser

Le général Doumbouya, arrivé en blindé à la Cour suprême, dépose sa candidature sous les vivats. Mais l’opposition crie à la trahison et promet la mobilisation. La Guinée glisse-t-elle vers un nouveau régime autoritaire ?

Et si le sauveur d’hier devenait le bourreau de demain ? En Guinée, le général Mamadi Doumbouya vient de franchir un pas décisif en déposant officiellement sa candidature à la présidentielle du 28 décembre. Ce geste, attendu mais redouté, marque la fin apparente d’une promesse solennelle : rendre le pouvoir aux civils après le coup d’État de 2021.

Un dépôt de candidature sous haute protection

Le scénario était millimétré. Lundi après-midi, un convoi blindé s’arrête devant la Cour suprême à Conakry. Le général Doumbouya, quarante ans, vêtu d’un boubou blanc immaculé, en descend entouré de forces spéciales. Pas un mot à la presse. Juste un dossier remis en silence. L’image est forte : l’homme fort du pays s’engage dans l’arène électorale sous protection maximale.

Dehors, des milliers de partisans affluent depuis des heures. Des bus entiers convergent des communes de la capitale. Les slogans fusent : Mamadi déjà élu, Mamadi président, Mamadi champion. Une mise en scène populaire qui contraste avec la réalité d’un pays sous tension.

Quatre ans après le putsch

Septembre 2021. Les militaires renversent Alpha Condé, président depuis plus de dix ans. Doumbouya promet alors une transition rapide. Objectif : organiser des élections libres et rendre le pouvoir aux civils avant fin 2024. Quatre ans plus tard, la promesse s’évapore. La junte reste. Et son chef brigue désormais la magistrature suprême.

Ce revirement n’est pas isolé. En Afrique de l’Ouest, plusieurs chefs militaires issus de coups d’État ont transformé leur interim en règne durable. Élections truquées, opposants écartés, constitutions taillées sur mesure : le schéma se répète. La Guinée semble suivre la même voie.

Une nouvelle Constitution sur mesure

Fin septembre, un référendum valide une nouvelle Constitution. L’opposition boycotte, dénonce une mascarade. Résultat : la Charte de la transition, qui interdisait aux membres de la junte de se présenter, disparaît. La voie est libre pour Doumbouya. Un tour de passe-passe juridique qui lève l’ultime obstacle.

« Cette candidature marque un tournant funeste : l’homme qui s’était présenté comme le restaurateur de la démocratie choisit d’en devenir le fossoyeur. »

Les Forces vives de Guinée

Le collectif regroupant partis d’opposition et société civile ne mâche pas ses mots. Il accuse le général de fouler aux pieds ses engagements devant le peuple et la communauté internationale. Violations des droits humains, justice instrumentalisée, corruption : la liste est longue.

Une chape de plomb sur le pays

Depuis 2021, la Guinée vit sous un régime de fer. Manifestations interdites depuis 2022. Partis politiques suspendus. Médias muselés. Dirigeants arrêtés, condamnés ou exilés. Les disparitions forcées se multiplient. Internet coupé lors des contestations. La liberté d’expression recule chaque jour.

Dans ce contexte, la présidentielle du 28 décembre apparaît comme un exercice contraint. Quelques candidats déposent leur dossier le même jour : Faya Millimono du Bloc Libéral, seule formation encore critique, et Makalé Camara du Front pour l’Alliance Nationale. Mais l’ombre de Doumbouya plane sur le scrutin.

Chronologie d’une transition déraillée

  • 5 septembre 2021 : Coup d’État contre Alpha Condé.
  • 2021-2022 : Engagement à rendre le pouvoir avant fin 2024.
  • 2022 : Interdiction des manifestations.
  • Septembre 2025 : Référendum constitutionnel boycotté.
  • Octobre 2025 : Doumbouya dépose sa candidature.
  • 28 décembre 2025 : Élection présidentielle.

Un scrutin sous surveillance internationale

La communauté internationale observe, inquiète. Initialement salué pour avoir écarté un président autoritaire, Doumbouya perd crédibilité. Les sanctions ciblées pleuvent. Les partenaires exigent un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Mais la junte contrôle les institutions, l’armée, les médias. Le rapport de force est déséquilibré.

Pourtant, des voix s’élèvent. Les Forces vives appellent à la mobilisation. Elles refusent de voir les acquis démocratiques, arrachés au prix du sang, balayés par un homme en uniforme. Meetings clandestins, réseaux sociaux, diaspora : la résistance s’organise dans l’ombre.

Entre soutien populaire et contestation sourde

La foule devant la Cour suprême n’est pas feinte. Une partie de la population soutient Doumbouya. Stabilité, lutte contre la corruption passée, infrastructures : des résultats sont mis en avant. Dans un pays marqué par la pauvreté et les violences politiques, l’ordre militaire rassure certains.

Mais d’autres étouffent. Les jeunes, les intellectuels, les militants payent le prix fort. Arrestations arbitraires, exil, peur. La Guinée, riche en bauxite mais parmi les plus pauvres du monde, mérite-elle un nouveau cycle autoritaire ? La question hante les consciences.

Vers une élection à sens unique ?

Le 28 décembre approche. Le scrutin doit théoriquement clore la transition. Mais avec un candidat sortant maître du jeu, l’issue semble écrite. Contrôle des commissions électorales, censure, intimidation : tous les leviers sont actionnés. L’opposition, fragmentée et affaiblie, peine à fédérer.

Pourtant, l’histoire africaine montre que rien n’est jamais acquis. Des soulèvements populaires ont renversé des régimes solides. La Guinée a connu cinq coups d’État depuis l’indépendance. Le sixième pourrait-il venir du peuple ?

« Nous appelons à une mobilisation massive pour contrecarrer la volonté de détruire nos acquis démocratiques obtenus de haute lutte. »

Forces vives de Guinée

Cet appel résonne comme un ultimatum. Entre soumission et révolte, le peuple guinéen se trouve à la croisée des chemins. Le dépôt de candidature de Doumbouya n’est pas qu’une formalité administrative. C’est un défi lancé à une nation fatiguée mais attachée à sa liberté.

Les enjeux d’un vote décisif

Au-delà du sort de Doumbouya, c’est l’avenir institutionnel du pays qui se joue. Une victoire écrasante légitimerait la junte. Une contestation massive pourrait embraser Conakry. Les observateurs internationaux seront scrutés. Leur rapport pèsera lourd sur la reconnaissance du prochain président.

Dans les quartiers populaires, on parle déjà de boycott. Dans les salons huppés, on négocie des postes. Dans les casernes, on affine la sécurité. La Guinée retient son souffle. Le 28 décembre ne sera pas une simple élection. Ce sera un référendum sur la nature du pouvoir.

Acteurs Position Actions
Mamadi Doumbouya Candidat officiel Dépôt dossier, soutien populaire organisé
Forces vives Opposition radicale Boycott, mobilisation, dénonciation
Communauté internationale Pressions modérées Sanctions, observateurs, déclarations

Un continent sous observation

La Guinée n’est pas seule. Mali, Burkina Faso, Niger : la vague putschiste déferle sur le Sahel. Partout, les militaires promettent sécurité et souveraineté. Partout, ils s’accrochent au pouvoir. Les élections deviennent des couronnements. Les oppositions, des cibles.

Ce précédent guinéen sera étudié. Une victoire de Doumbouya confortera les juntes voisines. Une crise majeure pourrait au contraire relancer la pression démocratique régionale. L’Union africaine, la Cédéao, les Nations unies : tous ont les yeux rivés sur Conakry.

Et maintenant ?

Les semaines à venir seront décisives. Campagne électorale sous contrôle. Rumeurs d’alliances. Pressions sur les candidats. La Guinée entre dans une zone de turbulences. Le général en boubou blanc a ouvert la boîte de Pandore. Reste à savoir si le peuple la refermera.

Une chose est sûre : le 28 décembre ne marquera pas la fin de la transition. Il en sera le révélateur. Démocratie restaurée ou autoritarisme institutionnalisé ? La réponse dépendra moins des urnes que de la rue. Et de la capacité d’un peuple à dire non.

En attendant, la Cour suprême a reçu le dossier. Les bus repartent. Les forces spéciales veillent. Conakry dort d’un œil. Demain, la lutte continue.

La Guinée se trouve à un carrefour historique. Entre la tentation du homme providentiel et le refus de la dictature, son choix façonnera l’avenir de toute une génération.

Le dépôt de candidature de Mamadi Doumbouya n’est qu’un épisode. Le vrai combat, lui, se joue dans les consciences. Et dans les rues de Conakry, où l’espoir, malgré tout, refuse de mourir.

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