Le rap français est sous le choc. Mohamed Bellahmed, plus connu sous le nom de Moha La Squale, vient d’être condamné à 3 ans de prison ferme pour violences conjugales, séquestration et menaces de mort sur plusieurs de ses ex-compagnes. Un jugement lourd qui ébranle l’industrie musicale hexagonale et soulève des questions sur la responsabilité des artistes.
L’ascension fulgurante d’une étoile du rap
Issu des quartiers populaires parisiens, Moha La Squale s’était fait remarquer en 2018 avec son premier album Bendero, encensé par la critique. Sa plume acérée et son flow unique lui avaient valu une notoriété grandissante. Nommé aux Victoires de la Musique, le rappeur de 29 ans était devenu en quelques mois l’un des visages les plus prometteurs de sa génération.
Mais derrière le succès se cachait une réalité bien plus sombre. Dès septembre 2020, plusieurs de ses anciennes compagnes prennent la parole pour dénoncer les violences physiques et psychologiques qu’elles auraient subies. Coups, séquestrations, menaces avec arme… Les témoignages glaçants se multiplient, jetant une lumière crue sur le comportement du rappeur.
Un procès retentissant
Mis en examen en juin 2021, Moha La Squale a tenté de fuir ses responsabilités. Malgré une assignation à résidence et un bracelet électronique, il prend la fuite en Allemagne en décembre dernier avant d’être interpellé. De retour en France, il comparaît enfin devant ses juges en juillet 2024.
Au terme d’un procès ultra-médiatisé, le verdict tombe : 4 ans de prison dont 3 fermes pour violences conjugales sur 6 ex-compagnes. Des faits qu’il a toujours contestés, criant au complot. Mais pour la justice, les preuves sont accablantes. Photos de blessures, captures d’écran de menaces, enregistrements audio… Un dossier solide qui ne laisse guère de place au doute.
Ma cliente est détruite par ces faits et attend du procès qu’enfin Moha La Squale puisse s’expliquer sur ce dont elle l’accuse, afin de pouvoir se reconstruire.
– Me Alix Dominicé, avocate d’une des parties civiles
Un milieu musical en question
Au-delà du cas individuel, l’affaire Moha La Squale met en lumière les dérives d’un certain rap français. Textes crus, clips suggestifs, culture de l’hypermasculinité… Nombreux sont les artistes qui exploitent ces codes. Si la plupart s’en tiennent au domaine de la fiction, d’autres semblent confondre persona artistique et comportements réels.
Le mouvement #MusicToo, déclinaison de #MeToo, avait déjà permis de libérer la parole sur le sexisme du milieu musical. Cette condamnation marque un nouveau tournant. Elle contraint le rap français à faire son examen de conscience et à s’interroger sur les messages qu’il véhicule auprès de la jeunesse.
C’est un signal fort envoyé par la justice. Violence et misogynie ne peuvent plus se cacher derrière une esthétique ou un statut d’artiste. Le rap doit assumer ses responsabilités.
– Sophia Aram, chroniqueuse
Un électrochoc salvateur ?
Pour beaucoup d’observateurs, cette condamnation historique pourrait agir comme un électrochoc salvateur pour le rap francophone. A l’image du hip-hop américain après l’affaire R. Kelly, le genre musical est appelé à opérer sa mue, en promouvant des modèles plus vertueux.
Certains artistes ont déjà amorcé cette révolution des mentalités, en mettant leur notoriété au service de causes progressistes. Mise en avant des rappeuses, dénonciation des stéréotypes, valorisation de la diversité… Des initiatives encore minoritaires, mais qui pourraient faire des émules après ce séisme.
L’avenir nous dira si la chute de Moha La Squale marquera un véritable tournant. Une chose est sûre : l’heure du bilan a sonné pour un certain rap français et ses dérives. Dans cette introspection douloureuse mais nécessaire, le genre musical n’a pas d’autre choix que de se réinventer. Pour ne plus jamais laisser la violence prendre le pas sur le talent.