C’est un nouveau rebondissement dans l’affaire qui a secoué l’industrie agroalimentaire française l’an dernier. Nestlé, le leader mondial de l’alimentation, vient d’être mis en examen dans le cadre de l’enquête sur les pizzas Buitoni contaminées à la bactérie E.coli. Un drame sanitaire qui avait provoqué la mort de deux enfants et rendu des dizaines d’autres gravement malades en 2022.
Pizzas contaminées : Nestlé face à ses responsabilités
Les familles des victimes attendaient ce moment crucial. Les 2 et 4 juillet derniers, Nestlé France et sa filiale exploitant l’usine de Caudry d’où provenaient les pizzas incriminées ont été mises en examen. Les chefs d’accusation sont lourds : homicide involontaire, blessures involontaires et tromperie.
Pour les avocats des parties civiles, cette mise en examen est une étape décisive pour comprendre l’origine de ce drame et dégager les responsabilités du géant de l’agroalimentaire. Maître Pierre Debuisson, qui représente une soixantaine de victimes, espère que cela incitera les grands groupes à renforcer drastiquement leurs contrôles internes.
“Il s’agit d’une étape cruciale dans la compréhension de l’origine de ce drame. Les nombreuses familles que je représente attendaient cela avec impatience”
Pierre Debuisson, avocat des victimes
Le scandale sanitaire qui a ébranlé Nestlé
Tout commence en février 2022 quand les autorités sanitaires détectent une recrudescence de cas graves d’insuffisance rénale chez des enfants, liés à une contamination à la bactérie E. coli. Le lien est rapidement fait avec la consommation des pizzas surgelées Fraîch’Up de Buitoni.
Nestlé procède alors au rappel de ses produits et ferme les lignes de production de son usine de Caudry, dans le Nord. Mais le mal est fait. Deux enfants décèderont des suites de leurs complications. Des dizaines d’autres développeront un syndrome hémolytique et urémique, potentiellement lourd de séquelles.
De lourdes négligences en cause
Les inspections menées à l’usine de Caudry révèlent de graves manquements aux règles d’hygiène les plus élémentaires. Présence de rongeurs, défaut de nettoyage des zones de fabrication… Nestlé avance une contamination de la farine comme “cause la plus probable”, mais sa responsabilité apparaît engagée.
Rattrapé par ce scandale, le numéro un mondial de l’agroalimentaire voit son image durablement écornée. Les ventes de pizzas surgelées s’effondrent. Un an après le drame, Nestlé annonce la fermeture définitive de son usine de Caudry, revendue depuis à un groupe italien.
Indemnisation des victimes : des discussions en cours
Parallèlement à la procédure judiciaire, Nestlé a entamé des discussions avec les familles des victimes en vue d’une indemnisation à l’amiable. Un accord a déjà été trouvé avec une soixantaine d’entre elles. Une démarche qui vise, selon le groupe, à apporter un “soutien immédiat” aux personnes affectées par ce drame.
Mais pour les associations de défense des consommateurs comme Foodwatch, la mise en examen de Nestlé doit surtout servir de leçon à toute l’industrie agroalimentaire. Selon Ingrid Kragl, directrice de l’information de Foodwatch France, cela montre que “les géants de l’alimentaire ne sont pas au-dessus des lois” et que la sécurité sanitaire des produits doit être une priorité absolue.
“Au-delà de l’indemnisation des victimes, ce qui importe est de tirer les leçons de ce scandale pour que cela ne se reproduise plus.”
Ingrid Kragl, Foodwatch France
Quelles suites judiciaires ?
La mise en examen de Nestlé ouvre la voie à la tenue probable d’un procès pénal dans cette affaire. Si les juges d’instruction réunissent suffisamment d’éléments à charge, le leader mondial de l’agroalimentaire pourrait avoir à répondre devant un tribunal des graves manquements constatés.
Au-delà des sanctions pénales, ce scandale sanitaire aura en tout cas servi de piqûre de rappel pour toute l’industrie agroalimentaire. Comme le résume François Lafforgue, autre avocat de victimes, cette affaire rappelle que la sécurité alimentaire n’est pas négociable :
“La mise en examen de Nestlé doit sonner comme un avertissement pour tous les géants de l’agroalimentaire : aucun profit ne justifie de mettre en danger la vie des consommateurs.”
François Lafforgue, avocat de victimes
L’affaire des pizzas Buitoni restera comme l’un des plus graves scandales sanitaires de ces dernières années en France. Elle aura douloureusement rappelé que même les plus grands groupes alimentaires ne sont pas à l’abri de défaillances lourdes de conséquences. Et prouvé la nécessité de contrôles internes et externes stricts et continus pour s’assurer de l’innocuité des produits mis sur le marché.
Les familles des victimes espèrent désormais que la justice passera, et que ce drame servira au moins à renforcer la sécurité alimentaire pour éviter qu’un tel scandale ne se reproduise. L’issue judiciaire de cette affaire sera donc suivie avec la plus grande attention.