Imaginez-vous bloqué dans une file interminable, sous un soleil écrasant, attendant un bien aussi vital que l’air : du carburant. À Bamako, cette scène n’est plus une exception mais le quotidien de milliers d’habitants. Depuis plusieurs semaines, un blocus imposé par des groupes armés transforme la capitale malienne en un vaste parking à ciel ouvert.
Une Capitale Étouffée par les Pénuries
Dans le quartier des affaires, un boulevard habituellement animé par le vrombissement des moteurs est désormais silencieux, ponctué seulement par les klaxons sporadiques et les soupirs d’impatience. Des centaines de voitures et de motos s’alignent, immobiles, jour et nuit. Les conducteurs campent sur place, transformant leurs véhicules en abris de fortune.
Karim Coulibaly, un chauffeur de bus d’une trentaine d’années, incarne cette détresse. Il occupe la même place depuis trois jours, ayant passé deux nuits à la belle étoile. Sans essence, il se retrouve au chômage forcé, incapable de transporter ses passagers habituels.
En l’espace de ces trois jours, un unique camion-citerne a daigné approvisionner les stations. Le précieux liquide s’est évaporé en une heure à peine, sous l’œil vigilant des forces de l’ordre. Ce pays, sous direction d’une junte depuis les coups d’État de 2020 et 2021, rationne désormais le ravitaillement à environ 13 litres par véhicule.
Le Marché Noir, Seul Recours Coûteux
À la pompe, le litre coûte officiellement un peu plus d’un euro. Mais sur le trottoir, loin des regards officiels, il atteint trois euros. Les habitants, acculés, n’ont d’autre choix que de céder à cette flambée des prix.
Un consommateur anonyme confie sa résignation : il faut accepter ou renoncer à tout déplacement. Cette situation illustre parfaitement comment une mesure sécuritaire se retourne contre la population civile.
On n’a pas le choix. C’est à prendre ou à laisser.
Depuis septembre, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, lié à une organisation internationale notoire, cible systématiquement les convois de carburant. Provenant principalement du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, ces camions représentent l’artère vitale d’un pays sans accès à la mer.
La motivation déclarée ? Une riposte à l’interdiction de vendre du carburant en bidons dans les zones rurales. Cette politique visait à priver les combattants de ressources, mais elle a provoqué un effet boomerang dévastateur sur l’ensemble du territoire.
Des Attaques qui Paralysent les Routes
Malgré les escortes militaires, les assauts se multiplient. Des véhicules incendiés jonchent les routes, des chauffeurs et soldats disparaissent ou perdent la vie dans des guets-apens. Chaque convoi devient une cible potentielle, dissuadant les transporteurs.
Cette insécurité grandissante a poussé plusieurs ambassades à sonner l’alarme. Les États-Unis ont recommandé à leurs citoyens de quitter le pays sans délai, citant l’imprévisibilité de la situation même dans la capitale. L’Italie et l’Allemagne ont suivi avec des avis similaires.
Après deux semaines de blocus effectif, les répercussions économiques se font cruellement sentir. Le Mali, nation sahélienne enclavée, voit son activité tourner au ralenti, comme un moteur privé de son combustible essentiel.
Un Quotidien Rythmé par l’Attente
Oumar Diallo, fonctionnaire, n’a pas mis les pieds à son bureau depuis sept jours. Sa place dans une queue d’un kilomètre résume son nouveau rythme de vie. Ce n’est plus le travail qui structure ses journées, mais l’espoir d’un ravitaillement aléatoire.
Cette pénurie s’ajoute à un problème chronique : les délestages électriques. Depuis cinq ans, l’approvisionnement en énergie vacille, dépendant majoritairement de centrales thermiques gourmandes en carburant.
La compagnie nationale d’électricité a réduit la fourniture de 19 à seulement six heures par jour. Cette mesure drastique plombe davantage une économie déjà fragile.
Quand le Courant Disparaît
Mamadou Coulibaly, électricien de 23 ans, illustre les conséquences en cascade. Injoignable depuis une semaine, son téléphone et ses batteries sont à plat. Chez un client, il a patienté des heures pour un courant qui n’est jamais revenu.
Pour regagner son domicile, il a poussé sa moto sur vingt kilomètres. Aujourd’hui, il se retrouve sans revenu, sans mobilité, sans perspective immédiate.
Depuis, je suis là, sans argent, sans travail, sans moyen de déplacement…
Face à cette urgence, les autorités ont suspendu les cours dans les établissements scolaires et universitaires pour quinze jours. Une décision qui protège les élèves mais souligne l’ampleur de la crise.
L’Agriculture en Péril au Cœur des Récoltes
En pleine saison des moissons, les machines agricoles restent inertes dans de nombreuses régions. Les tracteurs et batteuses, privés de diesel, menacent la sécurité alimentaire du pays.
Ousmane Dao, vendeur de céréales âgé de 32 ans, observe les prix au marché. Habituellement, riz et mil voient leurs cours baisser avec l’abondance des récoltes. Cette année, la tendance s’inverse malgré la période propice.
Les épiceries locales ressentent aussi le choc. Des produits fabriqués sur place, comme les pâtes ou les yaourts, commencent à manquer. Les usines, paralysées par les blackouts, ne peuvent maintenir leur production.
Impact sur les denrées alimentaires :
- Spaghettis et macaronis : stocks en baisse
- Yaourts locaux : production stoppée
- Céréales : prix stables ou en hausse
Silence des Autorités et Ingéniosité Populaire
Jusqu’à présent, la junte reste muette sur des solutions concrètes. Cette absence de communication laisse les citoyens livrés à eux-mêmes, forcés d’innover pour survivre.
Les plus aisés se tournent vers l’énergie solaire, investissant dans des panneaux pour contourner les délestages. Cette option, coûteuse, reste hors de portée pour la majorité.
Parmi les jeunes, la débrouillardise prend des formes risquées. Chaka Doumbia, mécanicien de 22 ans, expérimente des mélanges maison pour alimenter les moteurs. Solvant et alcool se substituent à l’essence, au péril de l’explosion si les proportions sont mal maîtrisées.
Cette créativité de survie révèle à la fois l’ingéniosité et la précarité extrême. Chaque jour apporte son lot d’incertitudes, transformant des gestes banals en défis majeurs.
Des Conséquences en Chaîne sur la Société
Au-delà des files d’attente, c’est tout le tissu social qui se distend. Les familles peinent à se déplacer pour les courses essentielles ou les visites médicales. Les commerçants voient leur chiffre d’affaires chuter dramatiquement.
Les transports publics, déjà limités, deviennent inexistants dans certains quartiers. Les taxi-motos, pilier de la mobilité urbaine, restent cloués au sol, privant leurs conducteurs de revenus quotidiens.
Dans les hôpitaux, les générateurs de secours tournent à plein régime, consommant les réserves de carburant médical. Chaque intervention chirurgicale devient une course contre le temps et les stocks.
Un Contexte Sécuritaire Explosif
Le blocus s’inscrit dans une stratégie plus large de pression sur les autorités. En ciblant les approvisionnements, les groupes armés visent à démontrer leur capacité à paralyser le pays entier depuis les périphéries.
Les routes d’accès à Bamako, autrefois vitales, se transforment en zones à haut risque. Les transporteurs exigent des primes de danger, quand ils acceptent encore les missions.
Cette vulnérabilité met en lumière les défis d’un État enclavé, dépendant de voisins pour ses importations essentielles. Le carburant n’est que la pointe visible d’un iceberg logistique fragile.
| Aspect | Conséquence Immédiate | Impact à Long Terme |
|---|---|---|
| Carburant | Files d’attente, marché noir | Inflation, chômage |
| Électricité | 6h/jour seulement | Arrêt production |
| Agriculture | Machines inertes | Pénurie alimentaire |
Perspectives Incertaines pour Bamako
Combien de temps cette situation peut-elle durer ? Les habitants oscillent entre résignation et espoir d’une résolution rapide. Chaque nouveau convoi escorté est accueilli comme une bouffée d’oxygène temporaire.
Les solutions alternatives, comme les mélanges artisanaux ou les panneaux solaires, ne peuvent compenser un déficit structurel. Elles soulignent surtout l’urgence d’une stratégie globale pour sécuriser les axes d’approvisionnement.
Dans les rues de Bamako, la solidarité émerge aussi. Des voisins partagent les rares litres obtenus, organisent des covoiturages à pied ou à vélo. Cette entraide devient un rempart contre l’isolement imposé par la crise.
Mais pour combien de temps ? La question hante chaque famille, chaque commerçant, chaque étudiant privé d’école. Le blocus jihadiste ne se contente pas de priver de carburant ; il érode le moral d’une nation entière.
Au fil des jours, la capitale malienne apprend à fonctionner en mode survie. Les habitudes se réinventent, les priorités se recentrent sur l’essentiel. Pourtant, derrière cette résilience, plane l’ombre d’une escalade si aucune issue n’est trouvée.
Les témoignages recueillis dessinent un portrait poignant d’une ville à l’agonie, mais pas encore vaincue. Karim, Oumar, Mamadou, Ousmane, Chaka : leurs noms pourraient être ceux de n’importe quel Bamakois aujourd’hui. Leur combat quotidien mérite d’être entendu au-delà des frontières du Mali.
Car au-delà des statistiques et des rationnements, c’est une humanité entière qui se bat pour préserver un semblant de normalité. Dans l’attente d’un camion-citerne salvateur, Bamako retient son souffle, espérant que demain apportera plus que des files et des promesses non tenues.
Cette crise révèle les fragilités d’un système dépendant de routes vulnérables et d’énergies fossiles. Elle pose aussi la question de la durabilité : comment un pays peut-il se développer quand ses artères vitales sont menacées en permanence ?
Les solutions à long terme passent nécessairement par une diversification des sources d’énergie et un renforcement de la sécurité routière. En attendant, les habitants continuent de pousser leurs motos, de charger leurs téléphones chez les voisins chanceux, de marchander chaque litre au marché noir.
La nuit tombe sur Bamako, et avec elle, les générateurs s’éteignent un à un. Dans l’obscurité, les silhouettes des véhicules en attente se fondent dans le décor urbain. Demain, la file sera peut-être plus courte. Ou plus longue. Personne ne sait. Mais la vie, obstinément, continue.
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