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L’ancien président du CRIF appelle à voter RN face à LFI

Stupeur : l'ancien dirigeant du CRIF Richard Prasquier préfère désormais voter RN plutôt que LFI. Un revirement de position radical de la part de cette figure de la lutte contre l'antisémitisme, qui reflète les tensions politiques actuelles. Mais ce changement de cap est-il bien raisonné ?

C’est une petite bombe dans le paysage politique français. Richard Prasquier, éminent cardiologue et ancien président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France (CRIF) de 2007 à 2013, vient de déclarer publiquement qu’il voterait pour le Rassemblement National (RN) plutôt que pour la France Insoumise (LFI) en cas de duel. Une prise de position fracassante de la part de ce pilier de la lutte contre l’antisémitisme, qui reflète les interrogations d’une partie de la communauté juive face à la montée de LFI.

Le spectre de l’antisémitisme, un choix cornélien

Richard Prasquier le concède : toute sa vie, il a considéré le Front National, devenu Rassemblement National, comme un parti infréquentable en raison de ses relents antisémites. Les sorties négationnistes et les dérapages de Jean-Marie Le Pen sont encore dans toutes les mémoires. Pourtant, l’ancien président du CRIF estime aujourd’hui que le discours a changé sous l’impulsion de Marine Le Pen.

Devant le danger représenté par LFI, le temps était peut-être venu de regarder différemment le Rassemblement national.

– Richard Prasquier

Un revirement spectaculaire motivé par ce qu’il perçoit comme une menace grandissante : l’influence croissante de la France Insoumise et de son leader Jean-Luc Mélenchon. Richard Prasquier pointe du doigt les prises de position pro-palestiniennes de LFI, qu’il assimile à un soutien au terrorisme islamiste. Une vision partagée par certains membres de la communauté juive, échaudés par le discours jugé parfois ambigu de la gauche radicale sur le conflit israélo-palestinien.

Le “en même temps” du RN sur l’antisémitisme

Pour justifier son soutien au RN, Richard Prasquier met en avant l’évolution du discours de Marine Le Pen ces dernières années. Il cite notamment un article récent du Figaro, où la présidente du RN s’exprime “de façon impeccable sur la collaboration, l’antisémitisme et la Shoah”. L’empathie affichée par les dirigeants RN envers Israël après les attentats du 7 octobre est aussi soulignée.

Cependant, l’ancien président du CRIF concède quelques “accrocs”, comme lorsque Jordan Bardella affirme un peu vite que Jean-Marie Le Pen n’est pas antisémite avant de se corriger. Des propos qui font douter de la sincérité et de la solidité de ce revirement idéologique. Richard Prasquier se réfère d’ailleurs au livre “La Main du Diable” sorti il y a cinq ans, qui concluait que le discours du RN contre l’antisémitisme n’était qu’une façade.

Entre RN et LFI, un choix par défaut ?

Cette prise de position de Richard Prasquier est symptomatique du malaise d’une frange de l’électorat juif, prise en étau entre deux partis aux positionnements jugés problématiques sur la question de l’antisémitisme. D’un côté un RN qui peine à se défaire de son lourd passif malgré les efforts de “dédiabolisation” de Marine Le Pen. De l’autre, une France Insoumise accusée de complaisance envers l’islamisme radical et l’antisionisme.

Face à ce dilemme, la position de Richard Prasquier apparaît presque comme un choix par défaut, motivé davantage par le rejet viscéral de LFI que par une adhésion pleine et entière au projet du RN. Un “vote utile” en quelque sorte, pour faire barrage à ce qui est perçu comme le danger le plus immédiat.

Un électrochoc pour la classe politique ?

Au-delà de son caractère polémique, la sortie de l’ancien président du CRIF doit interpeller l’ensemble de la classe politique. Elle révèle les failles béantes dans la lutte contre l’antisémitisme et dans la représentation des préoccupations de la communauté juive. Un antisémitisme qui se niche encore trop souvent dans les non-dits et les ambiguïtés des discours, à l’extrême-droite comme à l’extrême-gauche.

Pour les partis traditionnels, c’est un signal d’alarme. S’ils ne veulent pas voir une partie de l’électorat juif basculer par dépit dans les bras des extrêmes, il est urgent de clarifier et de durcir le ton face à toutes les formes d’antisémitisme, sans exception ni complaisance. Un travail de fond indispensable pour restaurer la confiance et éviter une dangereuse fragmentation communautaire du vote.

La déclaration choc de Richard Prasquier est donc bien plus qu’une simple prise de position individuelle. C’est un véritable pavé dans la mare, qui oblige chacun à regarder en face les failles de notre démocratie dans la défense des valeurs républicaines. Un électrochoc salutaire, pour peu qu’il soit suivi d’une réaction à la hauteur de l’enjeu. Car au-delà des clivages partisans, c’est bien la cohésion de notre société qui est en jeu.

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