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Législatives Argentine : Un Tournant Crucial Pour Milei

L’Argentine vote pour des législatives décisives. Javier Milei jouera-t-il son avenir politique ? Inflation en baisse, mais à quel prix pour la société ?

Dimanche dernier, l’Argentine a vibré au rythme d’un scrutin décisif. Les élections législatives de mi-mandat, un moment charnière pour le président ultralibéral Javier Milei, ont captivé l’attention, non seulement des Argentins, mais aussi du monde entier. Pourquoi un tel engouement ? Ces élections détermineront si Milei, cet économiste audacieux qui secoue la scène politique depuis 2023, pourra poursuivre ses réformes ambitieuses dans une économie toujours chancelante. Avec une popularité en berne et des critiques acerbes, le scrutin est un test grandeur nature pour son avenir.

Un Scrutin Sous Haute Tension

Les Argentins se sont rendus aux urnes dans un climat de polarisation extrême. Le président, autoproclamé anarcho-capitaliste, a bouleversé les codes politiques traditionnels lors de son élection en 2023. Aujourd’hui, il mise sur ce scrutin pour renforcer sa faible représentation au Parlement, où son parti, La Libertad Avanza, ne détient qu’une fraction des sièges. Ces élections, qui renouvellent la moitié des députés et un tiers des sénateurs, pourraient redessiner la carte du pouvoir législatif.

Mais au-delà des frontières argentines, le scrutin a une portée internationale. Une aide financière massive, dépassant les 40 milliards de dollars, promise par l’administration Trump, est en jeu. Cette perfusion, cruciale pour une économie en proie à des turbulences, est toutefois conditionnée. Un avertissement clair a été lancé : sans victoire significative, ce soutien pourrait être revu à la baisse. Une pression supplémentaire pour Milei, déjà confronté à une société fracturée.

Une Économie Stabilisée, Mais à Quel Prix ?

Javier Milei peut se targuer d’un exploit rare : l’inflation, qui culminait à plus de 200 % il y a deux ans, est retombée à 31,8 % en rythme annuel. Un succès indéniable, salué par certains électeurs comme Victorio, un retraité de 70 ans rencontré après son vote :

Ce gouvernement essaie de sortir le pays du trou où l’ont mis les précédents.

Victorio, retraité argentin

Cet équilibre budgétaire, inédit depuis 14 ans, est le fruit d’un ajustement drastique, qualifié par Milei lui-même de « plus grand de l’histoire ». Mais ce tour de force a un revers. La politique d’austérité a entraîné la suppression de plus de 200 000 emplois, un sous-financement des secteurs de la santé et de l’éducation, et une contraction de l’activité économique de 1,8 % en 2024. La reprise, timidement amorcée en 2025, semble s’essouffler.

Pour beaucoup, comme Mariana Menendez, une travailleuse du secteur de la santé mentale, ces coupes budgétaires sont dévastatrices :

Ils sont en train d’anéantir la classe moyenne. J’ai vu 200 emplois disparaître dans mon hôpital, des programmes d’aide à l’enfance supprimés. C’est gravissime.

Mariana Menendez, 54 ans

Ce mécontentement reflète une fracture sociale croissante. Si Milei a su séduire une partie de la population par son discours anti-establishment, sa popularité, oscillant entre 36 et 38 %, est au plus bas. Les Argentins, épuisés par deux ans de restrictions, ressentent davantage les privations que les bénéfices de la stabilisation économique.

Un Parlement Fragmenté

Le Parlement argentin, sans majorité absolue, est un champ de bataille politique. Milei, connu pour ses prises de position tranchées, n’a pas hésité à qualifier les parlementaires de « nid à rats » ou de « dégénérés ». Cette rhétorique incendiaire, si elle galvanise ses partisans, lui a aliéné une partie des élus, rendant les négociations ardues. Jusqu’à présent, il a souvent gouverné par décrets ou accords ponctuels, mais cette stratégie montre ses limites.

Les sondages prédisent une progression de La Libertad Avanza, qui pourrait passer de 15 % des députés et 10 % des sénateurs à un tiers des sièges. Un seuil stratégique, selon Milei, pour imposer des vetos et faire avancer ses réformes. Parmi ses priorités : une refonte fiscale, une flexibilisation du marché du travail et une réforme du système de protection sociale. Des projets ambitieux, mais qui nécessitent un soutien parlementaire qu’il n’a pas encore sécurisé.

Les enjeux clés du scrutin :

  • Renforcer la base parlementaire de Milei pour ses réformes.
  • Sécuriser l’aide financière internationale, cruciale pour l’économie.
  • Réconcilier une société divisée par les mesures d’austérité.

Un Manque de Finesse Politique

Si Milei excelle en économie, son style politique, jugé abrupt, est souvent critiqué. « Il manque de finesse, il devrait écouter ceux qui s’y connaissent en politique », confiait Victorio après avoir voté. Cette opinion est partagée par d’autres, comme Adriana Cotoneo, une retraitée de 69 ans, qui soutient Milei par rejet du péronisme mais déplore son attitude :

J’espère qu’il va faire attention à ses manières. Parfois, il devrait mettre son ego de côté.

Adriana Cotoneo, retraitée

Pour la politologue Lara Goyburu, l’avenir de Milei dépend de sa capacité à adopter un ton plus pragmatique. « Il devra retrouver la capacité de négociation qui lui a permis de faire passer des textes en début de mandat », analyse-t-elle. Un Parlement moins polarisé, comme le souhaite le sénateur centriste Martín Lousteau, pourrait faciliter ce virage.

Le Peso Sous Pression

Sur les marchés financiers, l’incertitude plane. Le peso, jugé surévalué, a été soutenu à plusieurs reprises en octobre par des interventions du Trésor américain pour éviter une chute brutale. Cette fragilité ravive une crainte viscérale chez les Argentins : une dévaluation post-électorale. Le ministre de l’Économie, Luis Caputo, a tenté de rassurer : « Lundi sera un jour comme les autres, le programme économique ne changera pas. »

Mais les analystes, comme Mauricio Monge d’Oxford Economics, doutent de la viabilité de cette austérité à long terme. « La confiance dans la capacité de Milei à poursuivre des ajustements s’estompe », note-t-il. Une dépréciation du peso pourrait aggraver la crise sociale, déjà marquée par une classe moyenne en souffrance et des coupes dans les services publics.

Une Société à Deux Vitesses

Le scrutin met en lumière une Argentine fracturée. D’un côté, les partisans de Milei saluent sa détermination à briser un système qu’ils jugent corrompu. De l’autre, une large frange de la population, touchée par les restrictions, s’inquiète pour son avenir. Les coupes dans les programmes sociaux, comme ceux destinés à l’enfance ou aux victimes de violences intrafamiliales, ont suscité une indignation croissante.

Impact des réformes Conséquences
Réduction de l’inflation De 200 % à 31,8 % en deux ans
Austérité budgétaire Perte de 200 000 emplois
Coupes dans les services publics Sous-financement de la santé et de l’éducation

Face à ces défis, Milei reste fidèle à sa ligne. Lors de son vote à Buenos Aires, il a été accueilli par des cris d’encouragement : « Allez Javier ! » Mais derrière cet enthousiasme, le président sait que son avenir dépend de sa capacité à rallier un Parlement divisé et à répondre aux attentes d’une population lassée par les sacrifices.

Vers un Virage Pragmatique ?

Quel que soit le résultat du scrutin, Milei devra naviguer avec prudence. Une progression de son parti pourrait lui donner les moyens de poursuivre ses réformes, mais sans majorité claire, il devra apprendre à dialoguer. Les observateurs s’accordent : un changement d’approche, moins conflictuel, sera indispensable pour éviter un blocage législatif.

En attendant les résultats, l’Argentine retient son souffle. Ce scrutin, bien plus qu’un simple renouvellement parlementaire, est un verdict sur la vision de Milei. Réussira-t-il à concilier ses ambitions économiques avec les attentes d’une société fracturée ? L’avenir du peso, des réformes, et peut-être du pays tout entier, est en jeu.

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