Imaginez un instant : une femme de 55 ans, penchée sur ses oliviers, cueillant avec soin les fruits de son labeur, soudain attaquée par un homme masqué armé d’un bâton. Cette scène, capturée récemment dans une vidéo virale, n’est pas une fiction, mais une réalité brutale en Cisjordanie occupée. Alors que la récolte des olives, moment clé du calendrier palestinien, devrait être une célébration, elle se transforme en un terrain de violences croissantes. Pourquoi cette tradition ancestrale est-elle aujourd’hui menacée, et quelles en sont les conséquences pour les agriculteurs et la région ?
Une Récolte Sous Tension en Cisjordanie
La Cisjordanie, territoire occupé depuis 1967, est depuis longtemps un espace de tensions. Cette année, la période de la récolte des olives, qui mobilise des milliers de Palestiniens, est particulièrement marquée par une recrudescence des violences des colons. À Turmus Ayya, près de Ramallah, une agricultrice, Oum Saleh Abou Aliya, a été violemment attaquée alors qu’elle cueillait ses olives. L’agresseur, masqué, n’a pas hésité à frapper alors qu’elle était à terre, sous les yeux d’un volontaire étranger venu pour protéger les agriculteurs. Ce type d’incident, loin d’être isolé, reflète une montée inquiétante des hostilités.
Les témoignages locaux décrivent une attaque soudaine, impliquant une centaine de colons, selon Yasser Alkam, un employé municipal présent sur place. « Tout le monde s’enfuyait », raconte-t-il, ajoutant qu’un volontaire suédois a été gravement blessé, avec un bras et une jambe fracturés. Ces actes ne sont pas seulement des agressions isolées : ils s’inscrivent dans un contexte plus large de multiplication des colonies et d’une menace d’annexion croissante.
Des Colonies au Cœur du Conflit
Les colonies israéliennes, illégales selon le droit international, se multiplient à un rythme alarmant en Cisjordanie. Plus de 500 000 colons y vivent aujourd’hui, souvent dans des implantations fortifiées, parfois à quelques mètres des terres palestiniennes. À Turmus Ayya, un drapeau israélien flotte déjà sur un embryon de colonie, signalant une expansion territoriale qui empiète directement sur les terres agricoles. Ces avant-postes, souvent illégaux même selon les autorités israéliennes, deviennent des points de friction majeurs.
« C’est la pire saison depuis 60 ans », déplore Rizeq Salimia, ministre palestinien de l’Agriculture.
Les agriculteurs, comme Naël al-Qouq, expliquent leur impuissance face à ces violences. « Riposter ne ferait qu’attiser la violence, parfois soutenue par l’armée », confie-t-il. Lors de l’incident de Turmus Ayya, l’armée israélienne est intervenue, mais a utilisé des gaz lacrymogènes contre la foule, sans empêcher les dégradations. Deux voitures ont été incendiées, et des actes de vandalisme ont ciblé les oliviers, colonne vertébrale de l’économie locale.
Un Impact Dévastateur sur l’Oléiculture
La Cisjordanie compte plus de huit millions d’oliviers, un symbole culturel et économique pour ses trois millions d’habitants. L’huile d’olive, l’une des principales exportations de la région, est au cœur de l’identité palestinienne. Pourtant, la récolte 2025 est doublement menacée : par les violences, mais aussi par des conditions climatiques défavorables. Les agriculteurs, déjà confrontés à des restrictions d’accès à leurs terres, voient leurs moyens de subsistance s’effriter.
Les chiffres clés de la crise :
- 27 villages touchés par des attaques liées à la récolte en une semaine (OCHA).
- Plus de 500 000 colons vivent en Cisjordanie.
- 8 millions d’oliviers, poumon économique de la région.
À al-Moughayer, Abdoul Latif Abou Aliya, 55 ans, a vu son oliveraie d’un hectare rasée par l’armée israélienne, après une altercation impliquant un colon blessé. « Il ne me reste que les oliviers de mon jardin », se lamente-t-il. À proximité, des caravanes signalent l’installation d’un nouvel avant-poste, renforçant le sentiment d’une dépossession progressive.
Une Impunité Décriée
Les organisations de défense des droits humains, comme le Bureau des droits de l’homme de l’ONU, dénoncent une impunité alarmante pour les responsables de ces violences. Ajith Sunghay, responsable de l’ONU dans les territoires palestiniens, qualifie ces attaques de « graves » et appelle à une action internationale. Selon l’OCHA, entre le 7 et le 13 octobre, les incidents ont inclus des agressions physiques, des vols de récoltes et des destructions d’oliviers, causant blessures et dégâts matériels.
Face à cette situation, les autorités israéliennes affirment prendre des mesures. Le chef de la police en Cisjordanie, Moshe Pinchi, a ordonné la recherche de l’agresseur d’Oum Saleh. Pourtant, les agriculteurs et les ONG restent sceptiques, pointant du doigt une justice rarement appliquée aux colons impliqués dans ces actes.
Un Appel à l’Action Internationale
Le ministre palestinien de l’Agriculture a lancé un appel urgent à la communauté internationale pour protéger les agriculteurs. Cette requête fait écho à une mobilisation croissante des bénévoles étrangers, présents pour dissuader les attaques, mais souvent eux-mêmes ciblés. La récolte des olives, autrefois moment de convivialité réunissant ruraux et citadins, devient un symbole de résistance face à l’adversité.
« Les oliviers sont notre histoire, notre survie. Les détruire, c’est attaquer notre âme », confie un agriculteur local.
La communauté internationale, bien que sensibilisée, peine à imposer des mesures concrètes. Les sanctions contre les colons violents ou les politiques d’expansion des colonies restent limitées, laissant les agriculteurs dans une position de vulnérabilité croissante.
Vers un Avenir Incertain
La récolte des olives, bien plus qu’une activité économique, est un pilier de la culture palestinienne. Chaque arbre arraché, chaque agriculteur attaqué, est une blessure infligée à l’identité collective. Alors que les tensions s’intensifient, la question demeure : comment préserver cette tradition face à une violence croissante et à une occupation qui s’étend ?
Que peut-on retenir ?
- La récolte des olives 2025 est marquée par une vague de violences sans précédent.
- Les colonies illégales exacerbent les tensions et menacent les terres agricoles.
- L’impunité des agresseurs alimente un cercle vicieux de violence.
- La communauté internationale est appelée à intervenir pour protéger les agriculteurs.
En Cisjordanie, la récolte des olives n’est plus seulement une question d’agriculture, mais un enjeu de survie, de dignité et de résistance. Chaque olive cueillie, malgré les menaces, est un acte de défi. Mais jusqu’à quand les agriculteurs pourront-ils tenir face à cette tempête ?








