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Pérou : Chauffeurs de Bus Menacés par la Violence des Gangs

À Lima, les chauffeurs de bus risquent leur vie face aux gangs. Entre extorsion et violence, leur quotidien est un combat. Comment survivent-ils ? Lisez la suite...

Imaginez-vous au volant d’un bus, dans les rues sombres de Lima, la capitale péruvienne. Chaque trajet est une épreuve, chaque arrêt une menace potentielle. Les gangs, tapis dans l’ombre, guettent, prêts à frapper si vous ne payez pas leur « protection ». C’est la réalité quotidienne de milliers de chauffeurs de bus au Pérou, où l’insécurité a transformé un métier ordinaire en une profession à haut risque. Cette situation alarmante, marquée par des violences et des extorsions, révèle une crise profonde qui secoue le pays.

Une Crise d’Insécurité Qui Ébranle le Pérou

Le Pérou, et particulièrement Lima, est en proie à une vague de criminalité sans précédent. En 2024, la capitale a recensé 102 homicides liés à l’extorsion, selon l’observatoire Indaga, rattaché au ministère de la Justice. Les chauffeurs de bus et de mototaxis sont les premières cibles de ces actes violents. Cette insécurité croissante a conduit à des mesures drastiques : le gouvernement intérimaire de José Jeri a décrété l’état d’urgence à Lima et dans sa périphérie, déployant l’armée dans les rues pour tenter de rétablir l’ordre.

Cette crise a également des répercussions politiques majeures. Le 10 octobre, la présidente Dina Boluarte a été destituée au milieu de manifestations violentes, qui ont blessé des dizaines de personnes, tant parmi les forces de l’ordre que les manifestants. Ce climat d’instabilité reflète un malaise profond, où la population vit dans la peur et où les travailleurs, comme les chauffeurs de bus, sont en première ligne.

Le Quotidien Périlleux des Chauffeurs de Bus

Marco Antonio Huaman, un chauffeur de 49 ans, incarne le calvaire de ces travailleurs. Le 23 septembre, alors qu’il faisait le plein dans un quartier pauvre de Lima, un homme armé est monté à bord de son bus et lui a tiré dans la jambe. Le message était clair : sa compagnie devait payer une rançon mensuelle aux gangs, sous peine de représailles mortelles. Allongé sur le sol, ensanglanté, Marco Antonio a cru ne jamais revoir sa famille. Cette attaque, filmée, montre l’horreur d’un métier devenu l’un des plus dangereux du pays.

« Tu vis dans la peur. Cela te provoque de l’anxiété, voire de la dépression », confie Marco Antonio, encore marqué par l’attaque.

Dans les gares routières, le silence est éloquent. Les chauffeurs, traumatisés, évitent de parler de leur situation, par peur des représailles. Les attaques surviennent souvent la nuit, parfois en présence de passagers, ajoutant une dimension d’angoisse constante. Pour beaucoup, comme Marco Antonio, reprendre le volant est impensable.

Un Système de Racket Implacable

Les gangs opèrent avec une organisation redoutable. Les compagnies de transport doivent verser des sommes mensuelles pour éviter les violences. Celles qui refusent deviennent des cibles. Depuis janvier 2024, près de 50 chauffeurs ont été assassinés à Lima et dans ses environs, selon le syndicat des transporteurs Anitra. Ce racket prospère dans un contexte de précarité, où 70 % des travailleurs péruviens évoluent dans l’économie informelle, un terrain fertile pour les groupes criminels.

Les gangs recrutent des jeunes issus de milieux modestes, prêts à commettre des actes violents pour quelques soles. Cette exploitation des plus vulnérables alimente un cercle vicieux de criminalité.

Les chauffeurs, souvent peu rémunérés, sont coincés. David, 48 ans, gagne environ 25 dollars par jour pour 14 heures de travail. Ce salaire, bien que maigre, est vital pour subvenir aux besoins de sa famille. Pourtant, chaque trajet est un pari sur sa vie. « J’ai pensé démissionner, mais j’ai besoin de cet argent », explique-t-il, la voix empreinte de résignation.

Une Société Sous Tension

La violence ne touche pas seulement les chauffeurs. L’extorsion gangrène divers secteurs, des petits commerces aux entreprises de transport. Entre janvier et septembre, la police a enregistré 20 705 plaintes pour extorsion, soit une hausse de 29 % par rapport à l’année précédente. Ce fléau, combiné à la précarité économique, plonge la population dans un sentiment d’impuissance.

Marco Antonio, toujours en convalescence dans son modeste logement de San Juan de Lurigancho, exprime un rêve partagé par beaucoup : une politique de fermeté contre le crime organisé. Il cite en exemple le Salvador, où les mesures strictes du président Nayib Bukele ont réduit la criminalité. « Ici, on te tue pour 20 soles », déplore-t-il, amer. Son souhait de monter un petit commerce est freiné par la peur des racketteurs, qui ciblent également ce secteur.

Les Répercussions Psychologiques et Sociales

Le quotidien des chauffeurs est marqué par un stress chronique. La peur de ne pas rentrer chez soi vivant pèse lourd. David raconte que sa fille de cinq ans pleure lorsqu’il part travailler, consciente du danger. Cette tension psychologique, souvent ignorée, touche des milliers de familles. Marco Antonio, lui, souffre de paranoïa depuis son agression. « Je sursaute au moindre bruit », confie-t-il.

« J’ai prié Dieu de veiller sur mes enfants si je ne m’en sortais pas », se souvient Marco Antonio, les larmes aux yeux.

Face à cette situation, beaucoup envisagent de quitter la profession, mais les alternatives sont rares. Dans un pays où l’emploi informel domine, les chauffeurs se sentent piégés. Certains rêvent d’émigrer, mais les maigres salaires rendent ce projet inaccessible.

Des Mesures Insuffisantes Face à l’Urgence

Le déploiement de l’armée dans les rues de Lima est une réponse d’urgence, mais elle ne s’attaque pas aux racines du problème. La précarité économique, l’absence de perspectives pour les jeunes et la faiblesse des institutions favorisent l’essor des gangs. Les chauffeurs, eux, continuent de naviguer dans un climat de peur, sans réelle protection.

Statistiques Clés Chiffres 2024
Homicides liés à l’extorsion à Lima 102
Chauffeurs assassinés Près de 50
Plaintes pour extorsion 20 705

Ce tableau illustre l’ampleur de la crise. Chaque chiffre cache une histoire, une famille brisée, un avenir incertain. Les chauffeurs, pris entre leur devoir et leur survie, incarnent le courage face à l’adversité.

Vers un Avenir Plus Sûr ?

La situation des chauffeurs de bus au Pérou est un cri d’alarme. Elle met en lumière les défis d’un pays confronté à la violence, à la précarité et à l’inaction. Si des mesures comme l’état d’urgence peuvent apaiser les tensions à court terme, elles ne suffisent pas. Une réforme en profondeur, combinant lutte contre la pauvreté, renforcement des institutions et politiques sécuritaires efficaces, est nécessaire pour briser ce cycle de violence.

Pour des hommes comme Marco Antonio et David, chaque jour est une lutte pour survivre. Leur histoire, bien que tragique, est aussi un témoignage de résilience. Mais jusqu’à quand pourront-ils tenir ? La réponse dépendra de la capacité du Pérou à se relever et à protéger ses citoyens.

Un appel à l’action : La sécurité des chauffeurs de bus doit devenir une priorité nationale. Sans changement, combien d’autres vies seront sacrifiées ?

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