Comment un groupe autrefois lié à Al-Qaïda peut-il devenir un partenaire diplomatique ? La récente décision du Royaume-Uni de retirer le Hayat Tahrir al-Sham (HTS) de sa liste des organisations terroristes soulève des questions brûlantes. Ce changement marque un tournant inattendu dans la géopolitique syrienne, ouvrant la voie à une collaboration avec le nouveau gouvernement de Damas. Plongeons dans cette transformation qui redessine les relations internationales.
Un virage diplomatique audacieux
Le Royaume-Uni a officialisé une décision majeure : le HTS, qui a pris le pouvoir en Syrie après avoir renversé Bachar al-Assad, n’est plus considéré comme une organisation terroriste. Ce choix, annoncé récemment, s’aligne sur une démarche similaire des États-Unis, qui avaient levé cette désignation en juillet. Pourquoi ce revirement ? Il s’agit avant tout de pragmatisme. Le HTS, dirigé par Ahmed al-Charaa, s’impose désormais comme un acteur clé dans la reconstruction de la Syrie.
Ce n’est pas une décision anodine. Elle traduit une volonté de dialoguer avec le nouveau pouvoir syrien pour des objectifs concrets, comme l’élimination des armes chimiques héritées de l’ancien régime. Mais comment un groupe, jadis lié à des idéologies extrémistes, a-t-il pu opérer une telle métamorphose ?
Du Front Al-Nosra au HTS : une transformation calculée
Le HTS, anciennement connu sous le nom de Front Al-Nosra, était la branche syrienne d’Al-Qaïda jusqu’en 2016. Cette année-là, le groupe a officiellement rompu ses liens avec l’organisation jihadiste, cherchant à se repositionner comme une force politique légitime. Ce changement d’image n’a pas été immédiat. Il a nécessité des années de réformes internes, marquées par des efforts pour modérer son discours et ses actions.
En décembre dernier, sous la direction d’Ahmed al-Charaa, le HTS a orchestré une offensive décisive qui a mis fin au règne de Bachar al-Assad. Ce coup d’éclat a propulsé le groupe au centre de la scène politique syrienne. Mais au-delà de la victoire militaire, le HTS a surpris par sa volonté de gouverner autrement.
« Le HTS n’est plus l’organisation qu’il était. Nous voulons bâtir une Syrie stable et inclusive », a déclaré un porte-parole du groupe.
Une transition politique sous haute tension
Depuis la chute d’Assad, le HTS a entrepris des réformes audacieuses. En janvier, les nouvelles autorités ont annoncé la dissolution des factions armées, intégrant certaines, dont le HTS, dans les forces de l’ordre nationales. Ce geste vise à centraliser le pouvoir et à éviter les conflits internes. Mais la transition est loin d’être simple. La Syrie, déchirée par des années de guerre civile, reste un terrain miné par les rivalités et les défis logistiques.
Pourtant, le gouvernement intérimaire, dirigé par al-Charaa, semble déterminé à s’ouvrir au monde. Des rencontres avec des dirigeants comme Donald Trump et Emmanuel Macron témoignent de cette volonté de réintégration diplomatique. Ces discussions, souvent entourées de scepticisme, marquent un pas vers la normalisation des relations avec l’Occident.
Les étapes clés de la transition syrienne
- Décembre : Renversement de Bachar al-Assad par la coalition HTS.
- Janvier : Dissolution des factions armées, création de nouvelles forces de l’ordre.
- Juin : Reprise des relations diplomatiques avec plusieurs pays.
- Juillet : Révocation de la désignation terroriste par les États-Unis.
- Octobre : Le Royaume-Uni suit, levant l’interdiction du HTS.
Pourquoi le Royaume-Uni change de cap ?
La décision britannique s’inscrit dans une logique de realpolitik. En retirant le HTS de la liste des organisations terroristes, Londres ouvre la porte à une coopération directe avec Damas. L’objectif principal ? Travailler à l’élimination des armes chimiques du régime déchu. Ce projet, crucial pour la sécurité régionale, nécessite une collaboration étroite avec les nouvelles autorités.
De plus, le Royaume-Uni cherche à soutenir la stabilisation de la Syrie. Après plus d’une décennie de guerre civile, marquée par des millions de réfugiés et une économie en ruines, la reconstruction est une priorité. En avril, Londres avait déjà levé les sanctions contre plusieurs ministères syriens, signe d’un dégel progressif.
« La coopération avec le nouveau gouvernement syrien est essentielle pour garantir la paix et la sécurité dans la région », a souligné un responsable britannique.
Les défis d’une reconnaissance internationale
Si le HTS parvient à se distancier de son passé jihadiste, il fait face à un défi colossal : convaincre la communauté internationale de sa légitimité. De nombreux pays restent prudents, craignant que cette transformation ne soit qu’une façade. Les souvenirs des atrocités de la guerre civile, déclenchée en 2011 par la répression des manifestations prodémocratiques, pèsent encore lourd.
Pourtant, certains signaux sont encourageants. Le rétablissement des relations diplomatiques avec des puissances occidentales, comme la rencontre entre al-Charaa et David Lammy en juillet, montre une volonté d’ouverture. Mais la route est longue. La Syrie doit non seulement reconstruire ses infrastructures, mais aussi regagner la confiance de ses citoyens et de ses voisins.
Défi | Solution envisagée |
---|---|
Stabilisation politique | Dissolution des factions armées et création d’une force unifiée. |
Image internationale | Rencontres diplomatiques et réformes modérées. |
Sécurité régionale | Coopération sur les armes chimiques. |
Un précédent historique ?
La décision du Royaume-Uni n’est pas sans précédent. En 2011, Londres avait été parmi les premiers à reconnaître les groupes rebelles comme gouvernement légitime face à Assad. Ce choix, à l’époque, avait marqué un tournant dans la guerre civile syrienne. Aujourd’hui, la levée de l’interdiction du HTS s’inscrit dans une logique similaire : soutenir un changement de régime tout en cherchant à influencer l’avenir du pays.
Cette approche soulève cependant des questions éthiques. Peut-on réellement faire confiance à un groupe au passé aussi controversé ? Les réformes entreprises par le HTS suffiront-elles à garantir une gouvernance stable et inclusive ? Pour l’instant, le pari est risqué, mais il pourrait redéfinir les dynamiques régionales.
Vers une nouvelle Syrie ?
La Syrie se trouve à un carrefour historique. Le HTS, en rompant avec son passé extrémiste, tente de se réinventer comme une force de gouvernance. Les efforts pour dissoudre les factions armées, rétablir des relations diplomatiques et coopérer sur des enjeux comme les armes chimiques montrent une ambition de changement. Mais le succès de cette transition dépendra de la capacité du gouvernement intérimaire à tenir ses promesses.
Pour les Syriens, épuisés par des années de conflit, cette ouverture diplomatique pourrait être une lueur d’espoir. Mais elle s’accompagne d’une vigilance accrue. Le monde observe, et chaque pas du HTS sera scruté. La question reste entière : ce groupe peut-il réellement transformer la Syrie, ou s’agit-il d’un simple changement de façade ?
La Syrie peut-elle devenir un modèle de reconstruction post-conflit, ou les cicatrices du passé sont-elles trop profondes ?
Ce virage diplomatique, porté par des puissances comme le Royaume-Uni et les États-Unis, pourrait redessiner la carte géopolitique du Moyen-Orient. Mais il repose sur un équilibre fragile. Le HTS, désormais au pouvoir, devra prouver qu’il est capable de gouverner sans retomber dans les erreurs du passé. L’avenir de la Syrie, et peut-être de la région, en dépend.