En coulisses, à l’approche du second tour des élections législatives, une bataille technologique fait rage. Les partis politiques rivalisent de stratégies pour cibler et convaincre les électeurs, avec un allié de taille : les données personnelles. SMS, emails, porte-à-porte… Tous les moyens sont bons pour toucher la cible.
Les data scientists, nouveaux stratèges des campagnes
Dans les QG de campagne, les “data scientists” sont devenus des pièces maîtresses. Leur mission : analyser des masses de données pour dresser le portrait-robot de l’électeur et prédire son vote. Grâce à des algorithmes de plus en plus pointus, ils identifient les citoyens les plus réceptifs aux messages de leur candidat.
Stéphane Boisson, cofondateur de Poligma, un spécialiste des cartographies électorales, témoigne de l’effervescence :
J’ai reçu des coups de fil quelques minutes après l’annonce surprise de la dissolution de l’Assemblée nationale. Des futurs candidats voulaient s’assurer d’avoir toutes les cartes en main pour faire de la communication ciblée.
Stéphane Boisson, Poligma
Une prospection électorale multi-canal
Armés de ces précieuses données, les équipes de campagne déploient un ciblage électoral multi-canal :
- Les SMS et emails personnalisés pour délivrer le bon message à la bonne personne
- Le porte-à-porte dans les quartiers identifiés comme des réservoirs de voix
- Les réseaux sociaux pour diffuser des publicités adaptées aux centres d’intérêt des utilisateurs
Cette communication sur-mesure soulève des questions sur le respect de la vie privée des électeurs. Les partis assurent se conformer au RGPD et aux règles de la CNIL. Mais le cadre reste flou et la tentation d’exploiter toujours plus de données est grande.
Le risque d’une démocratie sous influence
Au-delà des aspects légaux, c’est la nature même de notre démocratie qui est en jeu. Avec un ciblage toujours plus fin, le risque est de voir émerger une opinion publique façonnée par des algorithmes. Les électeurs, enfermés dans des bulles de filtre, ne seraient plus exposés qu’aux idées qui confortent leurs convictions.
Face à ces dérives potentielles, des garde-fous sont nécessaires. Il est urgent d’ouvrir un débat public sur l’usage des données personnelles en politique. Car si la technologie peut être un formidable outil de mobilisation, elle ne doit pas se substituer au libre arbitre des citoyens.
À l’heure où les Français s’apprêtent à faire un choix crucial pour l’avenir du pays, il est essentiel de s’interroger sur les coulisses de cette campagne hors norme. Derrière les professions de foi et les meetings, se joue une bataille technologique dont l’issue pourrait bien peser sur les résultats du scrutin. Aux électeurs d’en prendre conscience, pour mieux se réapproprier le débat démocratique.