Dans les rues de Tbilissi, une foule déterminée brandit des drapeaux européens sous un ciel crépusculaire. Depuis un an, la Géorgie vit au rythme d’une contestation sans relâche, née d’élections législatives controversées en octobre 2024. Malgré la répression, les arrestations et les lois controversées, l’élan populaire ne faiblit pas. Ce pays du Caucase, coincé entre influences russes et aspirations européennes, est-il à l’aube d’un tournant historique ?
Une Crise Politique Enracinée
La crise géorgienne a éclaté après les élections législatives du 26 octobre 2024, marquées par la victoire du parti au pouvoir, Rêve géorgien. Ce scrutin, dénoncé comme frauduleux par l’opposition, a déclenché une vague de manifestations dans la capitale. Les Géorgiens, attachés à leur rêve d’intégration européenne, accusent le gouvernement de dérive autoritaire et d’alignement avec Moscou. Cette fracture politique a transformé Tbilissi en un théâtre de résistance.
Le parti au pouvoir, dirigé par le milliardaire Bidzina Ivanichvili, est au cœur des tensions. Fondé en 2012, il revendique une volonté de stabilité nationale, mais ses détracteurs y voient une façade pour consolider un pouvoir autoritaire. La suspension du processus d’adhésion à l’Union européenne fin 2024 a exacerbé les frustrations, cristallisant le mécontentement populaire.
Une Mobilisation Qui Persiste
Chaque jour, des milliers de Géorgiens se rassemblent devant le Parlement à Tbilissi. Parmi eux, Davit Tchkheidze, un ancien diplomate de 43 ans, incarne l’espoir d’un changement. « Le mécontentement populaire ne cesse de croître », affirme-t-il, convaincu que la mobilisation reste un miroir de la société géorgienne. Étudiants, professeurs, activistes : tous se réunissent pour défendre une vision pro-européenne.
« Le fait que la protestation se concentre devant le Parlement est un symbole de résistance, la preuve que les Géorgiens ne se laissent pas faire. »
Davit Tchkheidze, manifestant à Tbilissi
Les manifestations, bien que moins massives qu’au lendemain des élections, conservent une énergie palpable. Environ 5 000 personnes participent quotidiennement, selon les organisateurs, formant un mouvement diversifié mais uni par un objectif commun : renverser un pouvoir perçu comme oppressif.
La Répression : Une Réponse Musclée
Face à cette contestation, le gouvernement a opté pour la fermeté. Arrestations de leaders d’opposition, attaques contre les ONG et les médias indépendants, usage de gaz lacrymogène et de canons à eau : la répression s’est intensifiée. Lors d’une tentative d’intrusion dans le palais présidentiel début octobre 2025, 45 personnes ont été arrêtées, et le Premier ministre a promis des poursuites contre les responsables.
Cette réponse musclée a divisé les manifestants. Pour certains, comme Ana Jorjoliani, professeure d’université, l’assaut du palais a nui à la légitimité du mouvement. « Je soutiens une révolution pacifique », déclare-t-elle, soulignant l’importance de rester non-violent pour conserver le soutien populaire.
« L’assaut du palais présidentiel a porté un coup à la légitimité et au caractère pacifique de la manifestation. »
Gota Chanturia, manifestant engagé
Gota Chanturia, un jeune activiste, déplore que cet épisode ait offert au gouvernement une « arme idéale pour la propagande ». Le pouvoir accuse en effet l’opposition de vouloir déstabiliser le pays, alimentant un récit qui justifie la répression.
Une Loi Controversée au Cœur du Conflit
Un des catalyseurs majeurs de la crise est la loi sur les agents étrangers, adoptée par le gouvernement. Inspirée de législations similaires en Russie, elle oblige les organisations recevant des fonds étrangers à s’enregistrer comme « agents de l’étranger ». Cette mesure, perçue comme une tentative de museler la société civile, a été vivement critiquée par l’Union européenne, qui y voit une entrave aux valeurs démocratiques.
Pour les manifestants, cette loi symbolise un virage autoritaire et un rapprochement avec la Russie, au détriment des aspirations européennes du pays. La suspension de l’adhésion à l’UE, décidée par Bruxelles fin 2024, a renforcé cette perception, transformant les drapeaux européens en emblèmes de résistance.
Les Conséquences de la Loi sur les Agents Étrangers
- Restriction des libertés : Les ONG et médias indépendants sous pression.
- Réaction internationale : Suspension du processus d’adhésion à l’UE.
- Mobilisation populaire : Une vague de manifestations pro-européennes.
Un Pays à la Croisée des Chemins
La Géorgie, nichée dans le Caucase, est depuis longtemps tiraillée entre l’influence russe et ses ambitions européennes. Ce positionnement géopolitique complexe alimente les tensions actuelles. Le gouvernement, accusé de s’aligner sur Moscou, rejette ces critiques et dénonce une ingérence occidentale visant à déstabiliser le pays.
Pour Davit Tchkheidze, cette crise est le reflet d’une lutte plus large pour l’identité nationale. « La Géorgie s’est fortement orientée vers l’autoritarisme, s’éloignant de sa trajectoire européenne », déplore-t-il. Il voit dans les manifestations un symbole de résistance, une preuve que le peuple géorgien refuse de céder.
Le Rôle des Sanctions Internationales
Face à la répression, la communauté internationale a réagi. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont imposé des sanctions contre des responsables géorgiens impliqués dans la répression des manifestations. L’Union européenne, de son côté, a restreint l’accès aux visas pour certains officiels et menace de suspendre les exemptions de visa pour l’ensemble des citoyens géorgiens.
Lasha Tchkhartishvili, défenseur des droits humains, insiste sur l’importance de ces mesures. « Nous avons absolument besoin du soutien des pays occidentaux », affirme-t-il, plaidant pour des sanctions massives comme levier pour affaiblir le régime.
« Des sanctions massives seront la condition préalable essentielle pour donner à la manifestation la force de secouer le régime. »
Lasha Tchkhartishvili, activiste des droits humains
Pays/Organisation | Mesures prises |
---|---|
États-Unis | Sanctions contre des responsables géorgiens |
Royaume-Uni | Sanctions ciblées sur des officiels |
Union européenne | Restriction de visas, menace de suspension d’exemptions |
Vers une Révolution Pacifique ?
Malgré les défis, les manifestants restent optimistes. La présence quotidienne devant le Parlement, les drapeaux européens et les slogans pro-démocratie témoignent d’une résilience remarquable. Pour beaucoup, la question n’est pas de savoir si une étincelle enflammera le pays, mais quand elle se produira.
Les élections locales d’octobre 2025 ont ravivé la mobilisation, avec des dizaines de milliers de personnes dans les rues. Cependant, le boycott partiel de l’opposition et les débordements lors des manifestations ont compliqué la dynamique. Le mouvement doit désormais naviguer entre unité et discipline pour maintenir sa légitimité.
Les Défis d’une Résistance Unifiée
La division au sein du mouvement de contestation est un obstacle majeur. Si certains, comme Ana Jorjoliani, prônent une approche strictement pacifique, d’autres estiment que des actions plus audacieuses sont nécessaires. Cette tension interne, couplée à la répression gouvernementale, met la résistance à l’épreuve.
Pourtant, les manifestants partagent un objectif commun : une Géorgie démocratique, tournée vers l’Europe. Ce rêve, porté par des générations différentes, continue de galvaniser les foules, malgré les arrestations et les intimidations.
Pourquoi la Résistance Persiste
- Aspiration européenne : Une volonté d’intégration à l’UE.
- Rejet de l’autoritarisme : Opposition à la dérive du gouvernement.
- Soutien international : Sanctions et pressions occidentales.
Un Avenir Incertain
La Géorgie se trouve à un carrefour. Entre la répression d’un pouvoir accusé de s’aligner sur la Russie et la détermination d’un peuple aspirant à l’Europe, l’avenir reste incertain. Les sanctions internationales, bien que significatives, suffiront-elles à faire plier le régime ?
Pour Lasha Tchkhartishvili, la réponse réside dans un soutien accru de l’Occident. Pour Davit Tchkheidze, c’est la persévérance des Géorgiens qui fera la différence. Une chose est sûre : la flamme de la résistance, allumée il y a un an, continue de brûler à Tbilissi.
Alors que les drapeaux européens flottent devant le Parlement, la Géorgie attend son moment. Une étincelle, un événement inattendu, pourrait tout changer. Dans ce pays montagneux, la lutte pour la démocratie est loin d’être terminée.