C’est une polémique qui en dit long sur les priorités et la détresse de l’hôpital public. En pleine crise des urgences et de fermetures de lits, le CHU de Nantes a dévoilé sa nouvelle identité visuelle, dont la création aurait coûté la coquette somme de 185 000 euros. De quoi faire bondir les syndicats, qui dénoncent une “dilapidation” et une direction “complètement en train de rêver” alors que l’établissement croule sous les dettes et les démissions.
Un logo à 185 000 euros qui passe mal
Depuis quelques semaines, un nouveau logo habille les murs et les documents du CHU de Nantes. Exit la sobre typographie bleue, place à une croix stylisée aux couleurs vives, censée symboliser une “convergence d’énergie positive”. Un travail confié pour 185 000 euros à une agence de com’ parisienne.
Problème : au même moment, l’hôpital fermait une centaine de lits par manque de personnel. “C’est scandaleux” s’insurge Christophe Quillet, délégué CFDT. “On est déjà dans le rouge, ce n’était pas le moment. J’ai honte de la direction et de cette dilapidation qui n’améliorera en rien les conditions de travail”.
Une “pilule esthétique” en travers de la gorge
Du côté de FO aussi, cette “pilule esthétique” reste en travers de la gorge. “C’est hyper maladroit, la direction se pavoise avec ce logo alors que l’hôpital implose” regrette Tony Gilbert. Le syndicaliste égraine les services en sous-effectif contraints de réduire la voilure : psychiatrie, pédiatrie, neurologie… “On a eu un pic à 350 lits fermés l’an dernier. Ce record risque d’être battu“.
La direction assume sa stratégie d’attractivité
Interpellée, la direction du CHU assume son choix et le replace dans une stratégie plus large. “La marque CHU de Nantes, c’est un travail de positionnement à long terme dans un contexte de transformation” argue-t-elle, en invoquant un enjeu d'”attractivité” pour attirer “les meilleurs soignants, praticiens et chercheurs”.
Le CHU de Nantes se doit de dire haut et fort qui il est, ce qu’il fait de bien, en quoi il se distingue.
La direction du CHU de Nantes
Un argument qui convainc peu côté syndicats. “Tout cela est pensé à l’envers : le problème n’est pas d’attirer mais de garder ceux qui craquent. Et ce n’est pas le mécénat qui va régler ça” tranche Tony Gilbert. Christophe Quillet met aussi en doute la concertation en interne. “Personne n’était au courant, on a tous découvert le logo une fois qu’il fleurissait partout”.
Le malaise persistant de l’hôpital public
Au-delà de la polémique, cet épisode révèle surtout le profond malaise de l’hôpital public, pris entre des injonctions contradictoires. D’un côté, une pression budgétaire constante l’obligeant à des choix cornéliens. De l’autre, une hémorragie de soignants épuisés et en quête de sens qu’il faut à tout prix endiguer.
Dans ce contexte, dépenser 185 000 euros dans une campagne de com peut sembler un investissement judicieux sur le long terme. Ou au contraire un vrai déni des réalités quotidiennes des hospitaliers. Une chose est sûre : malgré sa nouvelle toilette, le CHU de Nantes comme les autres gardera encore longtemps ses maux anciens.