Le 1er juillet dernier, la ministre de la Culture Rachida Dati a remis les insignes de Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres à la chanteuse Camélia Jordana lors d’une cérémonie au ministère. Un geste fort, alors que l’artiste a été au cœur de plusieurs polémiques ces dernières années en raison de ses prises de position sur des sujets sensibles comme le racisme et les violences policières. Retour sur un parcours artistique et un engagement qui ne laissent pas indifférent.
Camélia Jordana, une voix qui porte
Révélée en 2009 par l’émission Nouvelle Star, Camélia Jordana s’est rapidement imposée dans le paysage musical français. Avec sa voix chaude et puissante, elle navigue avec aisance entre la soul, le jazz et la pop, délivrant des textes engagés qui abordent des thèmes de société. Plusieurs de ses titres, comme Non non non ou Moi c’est, dénoncent le racisme et les discriminations.
Mais c’est surtout en dehors de la scène que l’artiste fait parler d’elle. Dans plusieurs interviews et tribunes, elle dénonce un racisme systémique en France, notamment à l’encontre des populations issues de l’immigration. Des propos qui lui valent d’être taxée par certains de tenir un discours “raciste anti-blancs”.
Des prises de position clivantes
En 2020, nouvelle polémique. Invitée sur le plateau d’On n’est pas couché, Camélia Jordana déclare se sentir en insécurité face à la police :
«Il y a des milliers de personnes qui ne se sentent pas en sécurité face à un flic, et j’en fais partie. […] Quand j’ai les cheveux frisés, je ne me sens pas en sécurité face à la police en France. Vraiment. Vraiment.»
– Camélia Jordana, On n’est pas couché, 23 mai 2020
Des propos vivement condamnés par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Christophe Castaner, mais aussi par des syndicats policiers qui portent plainte pour diffamation. Face au tollé, la chanteuse précise sa pensée dans une tribune publiée dans Libération, tout en maintenant ses déclarations.
Quand l’art questionne la société
En la décorant de l’ordre des Arts et des Lettres, qui récompense «les personnes qui se sont distinguées par leurs créations dans le domaine artistique ou littéraire ou par la contribution qu’elles ont apportée au rayonnement des arts et des lettres en France et dans le monde», Rachida Dati envoie un message fort.
Cette distinction vient saluer l’ensemble de la carrière et de l’œuvre de Camélia Jordana, au-delà des controverses. Elle réaffirme le rôle des artistes, et plus largement de l’art, dans le débat public et le questionnement de la société. Un rôle essentiel, quand bien même il créerait des remous et susciterait des oppositions.
Au-delà du symbole, des questions en suspens
Pour autant, cette récompense ne clôt pas le débat. Les propos de Camélia Jordana sur le racisme et les violences policières, s’ils ont le mérite de mettre en lumière des problématiques réelles, ont aussi pu être perçus comme excessifs ou caricaturaux.
Surtout, ils interrogent sur la légitimité des personnalités publiques, notamment issues du monde du spectacle, à s’emparer de sujets aussi complexes et clivants. Où se situe la frontière entre l’engagement citoyen et l’instrumentalisation médiatique ? Comment assurer un dialogue serein et constructif sur ces questions cruciales ?
Des questions que cette distinction ne manquera pas de raviver. Mais en honorant Camélia Jordana malgré les polémiques, Rachida Dati envoie un signal important : celui du refus de la censure et du soutien à la liberté d’expression des artistes. Une liberté fondamentale, aussi inconfortable soit-elle parfois, car elle est la garantie d’une société ouverte et démocratique.
