Dans une cour animée de Daloa, une ville de 400 000 âmes au cœur de la Côte d’Ivoire, une femme arrange soigneusement ses produits cosmétiques faits maison. Son sourire traduit une fierté retrouvée, mais son parcours n’a pas été simple. Comme des milliers d’autres, elle a tenté sa chance à l’étranger, rêvant d’une vie meilleure. Mais l’échec de ce projet migratoire l’a ramenée chez elle, où elle a dû faire face à la honte et aux attentes déçues de sa famille. Aujourd’hui, elle incarne une nouvelle vague d’espoir : celle des migrants de retour qui se réinventent grâce à l’entrepreneuriat et à la réinsertion. Comment ces « retournés » transforment-ils leur échec en succès ? Plongeons dans leurs histoires captivantes.
De l’Espoir Déchu à une Nouvelle Vie
La Côte d’Ivoire, carrefour de l’Afrique de l’Ouest, est depuis longtemps une terre de transit pour ceux qui rêvent d’Europe. Mais pour beaucoup, ce rêve s’effondre face aux réalités brutales de la migration : racisme, précarité, ou échec à atteindre la destination finale. À Daloa, ville dynamique mais encore peu industrialisée, ces migrants de retour, parfois stigmatisés comme des « maudits« , trouvent un terrain fertile pour se reconstruire. Leur parcours, marqué par la résilience, révèle des leçons universelles sur la persévérance et la réinvention.
Le Poids de l’Échec et des Attentes Familiales
Pour beaucoup, partir est un investissement collectif. Les familles se mobilisent, parfois en mettant en jeu leurs terres ou leurs économies, espérant un retour financier et une élévation sociale. Comme l’explique un sociologue local, « faire partir quelqu’un est un placement social, pas seulement économique. L’argent envoyé par un migrant change le regard de la communauté. » Mais lorsque le projet échoue, le retour est synonyme de honte. Une femme de 38 ans, revenue après douze ans en Tunisie, confie avoir évité sa famille pour ne pas affronter leur déception. Elle a préféré s’installer à Daloa pour repartir de zéro.
« Ma famille comptait sur moi, et je suis revenue sans rien. J’ai choisi Daloa pour suivre une amie et me reconstruire loin des jugements. »
Une migrante de retour à Daloa
Ce sentiment de honte est partagé par beaucoup. La pression sociale, amplifiée par les attentes d’une communauté qui valorise le succès à l’étranger, rend la réintégration difficile. Pourtant, c’est dans cette adversité que des initiatives locales prennent tout leur sens.
L’Entrepreneuriat comme Voie de Rédemption
À Daloa, les migrants de retour se tournent souvent vers l’entrepreneuriat pour se réinsérer. Une femme, aidée par une ONG italienne, a lancé un commerce de cosmétiques artisanaux. Grâce à cette activité, elle a pu déménager dans un logement plus spacieux avec son fils. « Ce business a changé ma vie », affirme-t-elle. Son histoire illustre une tendance croissante : l’entrepreneuriat offre non seulement une source de revenus, mais aussi une dignité retrouvée.
Un jeune homme dans la vingtaine, revenu après des années de galère au Maghreb, a lui aussi trouvé sa voie. Aujourd’hui à la tête d’un salon de coiffure, il ne songe plus à repartir. « Trop dangereux« , dit-il, convaincu qu’il peut réussir chez lui. Ces exemples montrent comment des initiatives locales, soutenues par des organisations internationales, permettent aux « retournés » de transformer leur échec en opportunité.
Chiffres clés :
- Depuis 2017, plus de 18 000 migrants de retour ont été accompagnés en Côte d’Ivoire.
- 92 % des migrants partis l’ont fait pour des raisons économiques.
- Plus de 85 % des « retournés » travaillent dans le secteur informel.
Le Rôle Crucial de l’Emploi Formel
Si l’entrepreneuriat est une solution, l’accès à un emploi formel reste un pilier de la réintégration. Un emploi stable offre bien plus qu’un salaire : il donne accès à un compte bancaire, une cotisation retraite, ou encore une mutuelle santé. Ces éléments, souvent perçus comme anodins, sont essentiels pour la stabilité psychologique des migrants de retour. Un sociologue explique : « Ces outils permettent de se projeter dans l’avenir et de retrouver une place dans la société. »
Pourtant, la région de Daloa, malgré une croissance économique notable, souffre d’un manque d’industrialisation. Le secteur informel domine, employant plus de 85 % des migrants de retour. Cette réalité limite les opportunités de stabilisation à long terme, rendant les programmes de réinsertion encore plus cruciaux.
Des Programmes pour Accompagner le Retour
Face à ces défis, des initiatives locales et internationales émergent. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a accompagné plus de 18 000 migrants depuis 2017, en offrant un soutien logistique et financier pour leur retour. Le gouvernement ivoirien, conscient de l’enjeu, a lancé un programme d’accompagnement à l’entrepreneuriat pour 200 ex-migrants. De son côté, une institution française a récemment ouvert un bureau à Abidjan pour encourager la réinsertion et inspirer d’autres candidats au retour volontaire.
« On ne décourage pas les gens de partir, mais on leur dit de se préparer et de choisir la voie légale. Mon expérience m’a appris l’importance d’être informé. »
Une migrante engagée dans une ONG locale
Ces programmes ne se contentent pas d’offrir des solutions économiques. Ils sensibilisent également les communautés sur les réalités de la migration. À Daloa, une ONG locale, dirigée par un ancien migrant, informe les jeunes sur les dangers des départs non préparés tout en valorisant les opportunités locales. « Le rêve est permis, mais on peut aussi réussir ici », insiste son responsable.
Les Défis Persistants
Tous n’ont pas la chance de transformer leur retour en succès. Certains, comme un mécanicien vivant avec moins de deux euros par jour, peinent à joindre les deux bouts. D’autres se tournent vers des activités illégales, comme l’orpaillage, ou envisagent de repartir, poussés par la honte ou l’absence d’opportunités. « Ce qui incite à repartir ? La honte, l’ignorance et l’inactivité », résume un acteur local.
Pour ces migrants, l’échec est un fardeau difficile à porter. Un jeune homme, collègue du mécanicien, affirme sans détour : « Ceux qui sont revenus n’ont pas eu de chance. Moi, si je peux repartir, je pars ! » Cette mentalité révèle un défi majeur : changer les perceptions sur le retour et valoriser les opportunités locales.
Défi | Solution Proposée |
---|---|
Stigmatisation des « retournés » | Sensibilisation communautaire via des ONG |
Manque d’emplois formels | Programmes d’entrepreneuriat et industrialisation |
Pression sociale et honte | Accompagnement psychologique et économique |
Vers un Avenir Plus Prometteur
La Côte d’Ivoire, avec l’une des croissances économiques les plus dynamiques d’Afrique de l’Ouest, a le potentiel de devenir un modèle pour la réinsertion des migrants. À Daloa, les histoires de succès, comme celle de la fabricante de cosmétiques ou du jeune coiffeur, prouvent que l’échec n’est pas une fatalité. Ces parcours inspirent et montrent que, même après un rêve brisé, il est possible de se reconstruire.
Pour autant, le chemin reste long. La stigmatisation, le manque d’emplois formels et les tentations de repartir exigent des solutions durables. Les initiatives actuelles, qu’elles viennent du gouvernement, d’ONG ou d’organisations internationales, posent les bases d’un avenir où les « retournés » ne seront plus des « maudits« , mais des acteurs du développement local. En valorisant leurs compétences et leur résilience, la Côte d’Ivoire peut transformer un défi en opportunité.
Et si la véritable richesse de ces migrants était leur capacité à rebondir ? À Daloa, chaque commerce ouvert, chaque histoire de réinsertion, est une preuve que l’espoir peut renaître, même après l’échec. Ces parcours, à la croisée de la détermination et du soutien communautaire, dessinent un avenir où le retour n’est plus une fin, mais un nouveau départ.