Avec l’éventualité d’une Assemblée nationale divisée après les prochaines élections législatives, la question du vote du budget de l’État sans majorité claire se pose. Une vieille méthode, tombée en désuétude mais toujours légale, refait surface : les douzièmes provisoires. Cette procédure permettrait au gouvernement de faire adopter un budget, mois par mois, sans s’appuyer sur une majorité stable au Parlement. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
Les douzièmes provisoires : un héritage de la IIIe République
Remontant à la IIIe République, époque où les majorités étaient fréquemment instables et changeantes, les douzièmes provisoires étaient régulièrement utilisés pour voter le budget de l’État. Le principe est simple : plutôt que d’adopter l’ensemble du budget annuel en une fois, le gouvernement fait voter des crédits mois par mois, chaque douzième correspondant à un mois.
Chaque douzième correspondait à un mois de crédit, calculé sur la base du budget de l’année précédente divisé par douze.
Un conseiller de l’Élysée
Un recours controversé mais légal
Si les douzièmes provisoires sont tombés en désuétude avec l’avènement de la Ve République et ses majorités plus stables, rien dans la Constitution n’interdit formellement d’y recourir. Ils représentent donc une solution de dernier recours en cas de blocage politique majeur, même si leur usage serait assurément controversé et verrait probablement son bien-fondé questionné devant le Conseil constitutionnel.
- Les douzièmes provisoires permettraient de contourner temporairement l’absence de majorité
- Leur usage soulèverait à coup sûr des questions de légitimité démocratique
- Le Conseil constitutionnel serait probablement saisi pour trancher sur leur conformité
Un outil à double tranchant pour le gouvernement
Si les douzièmes provisoires peuvent apparaître comme une solution pratique pour un exécutif privé de majorité claire, ils présentent aussi des inconvénients. Outre la contestation politique et les probables recours juridiques, ils instaurent une budgétisation au mois le mois rendant difficile toute vision de long terme. De plus, devoir revoter les crédits chaque mois risquerait de paralyser en grande partie le travail parlementaire.
C’est une solution loin d’être idéale. Cela reviendrait à naviguer à vue budgétairement, sans cap clair. Un vrai casse-tête pour l’État.
Un constitutionnaliste
Une méthode qui interroge sur le fonctionnement de nos institutions
Le recours éventuel aux douzièmes provisoires en cas de majorité introuvable à l’Assemblée met en lumière les failles potentielles de notre système institutionnel. Il questionne la capacité de nos institutions, prévues pour un fait majoritaire, à s’adapter à une fragmentation plus importante du paysage politique. Cette situation inédite sous la Ve République est un vrai défi démocratique, et les douzièmes provisoires, s’ils peuvent représenter une solution temporaire, ne sont clairement pas une réponse durable et satisfaisante.
Au final, les douzièmes provisoires apparaissent comme un outil imparfait pour contourner les blocages politiques, hérité d’une époque aux mœurs politiques bien différentes d’aujourd’hui. S’ils pointent une faille de notre système institutionnel face à un paysage politique plus fragmenté, ils ne sauraient constituer une réponse satisfaisante et durable aux yeux des citoyens attachés au bon fonctionnement démocratique. La recherche d’une majorité de projets, même relative, semble une voie préférable à ce qui apparaît comme un expédient constitutionnel risqué et porteur de nombreuses incertitudes.