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Côte d’Ivoire : Tensions avant la Présidentielle 2025

À l'approche de la présidentielle ivoirienne, les autorités durcissent le ton et interdisent les manifestations. L'opposition, en colère, riposte. Que va-t-il se passer ?

À quelques jours de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, prévue pour le 25 octobre 2025, le climat politique se tend de manière palpable. Les rues d’Abidjan, habituellement animées par les couleurs des marchés et les klaxons des taxis, résonnent aujourd’hui des échos d’une contestation étouffée. Le gouvernement a pris une mesure radicale : interdire pour deux mois toutes les manifestations et réunions politiques, sauf celles des candidats officiellement en lice. Cette décision, qui vise particulièrement les partis d’opposition, soulève des questions sur la liberté d’expression et la démocratie dans un pays où les tensions électorales ne sont jamais loin. Que se passe-t-il réellement en Côte d’Ivoire à l’approche de ce scrutin crucial ?

Une Interdiction qui Change la Donne

À huit jours du scrutin, le gouvernement ivoirien a décidé de serrer la vis. Les ministères de l’Intérieur et de la Défense ont publié un arrêté interdisant tout rassemblement ou meeting organisé par des partis ou groupements politiques, à l’exception des candidats autorisés à participer à l’élection. Cette mesure, qui fait suite à une première interdiction début octobre ciblant les manifestations contestant les décisions du Conseil constitutionnel, vise à maintenir l’ordre public dans un contexte jugé explosif. Mais pour beaucoup, elle apparaît comme une tentative de museler l’opposition, déjà fragilisée par l’exclusion de figures majeures.

Les deux principaux partis d’opposition, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et le Parti des peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), sont directement touchés. Leurs leaders, Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, ont vu leurs candidatures rejetées par le Conseil constitutionnel, une décision qui a déclenché une vague de colère parmi leurs partisans. Ces partis, réunis sous la bannière du Front Commun, dénoncent également la candidature d’Alassane Ouattara à un quatrième mandat, qu’ils jugent illégitime. Dans ce climat de défiance, l’interdiction des manifestations semble exacerber les tensions plutôt que de les apaiser.

Un Contexte de Tensions Croissantes

Les derniers jours ont été marqués par des scènes de chaos dans plusieurs villes ivoiriennes. À Abidjan, des centaines de personnes ont bravé l’interdiction pour manifester, rapidement dispersées par les forces de l’ordre. Dans d’autres localités, des routes ont été bloquées, des écoles fermées, et des affrontements sporadiques ont éclaté. Selon le procureur de la République, Oumar Braman Koné, environ 700 arrestations ont eu lieu en une semaine. Parmi elles, 26 personnes ont déjà été condamnées à trois ans de prison pour des motifs tels que les troubles à l’ordre public. Une centaine d’autres attendent leur jugement dans les prochains jours.

« Les manifestations qui ont eu lieu depuis samedi revêtent un caractère subversif et sont marquées par une violence incompatible avec les exigences de la loi. »

Sansan Kambilé, ministre de la Justice

Le ministre de la Justice, Sansan Kambilé, a justifié ces mesures en invoquant la nécessité de préserver la sécurité nationale et l’ordre public. Selon lui, les manifestations récentes ont dépassé le cadre légal, prenant une tournure subversive. Le procureur Koné a également pointé du doigt des appels à la violence découverts sur les téléphones de certains manifestants, qualifiant ces actes de potentiellement terroristes. Ces déclarations, bien que graves, suscitent des doutes parmi les observateurs, qui y voient une tentative de criminaliser la contestation.

Une Opposition sous Pression

L’opposition ivoirienne se trouve dans une position délicate. Privée de ses leaders emblématiques, elle lutte pour mobiliser ses partisans dans un cadre légal de plus en plus restreint. Le rejet des candidatures de Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam a été un coup dur pour le PDCI et le PPA-CI, qui espéraient capitaliser sur leur popularité pour défier Alassane Ouattara. Ce dernier, au pouvoir depuis 2011, reste le favori incontesté du scrutin, malgré les critiques sur sa volonté de briguer un quatrième mandat.

Face à lui, quatre candidats se présentent : Jean-Louis Billon, ancien ministre du Commerce et dissident du PDCI ; Simone Ehivet Gbagbo, ex-épouse de Laurent Gbagbo ; Ahoua Don Mello, ancien compagnon de route de Gbagbo ; et Henriette Lagou, candidate en 2015. Si ces figures apportent une certaine diversité au scrutin, leur poids politique semble insuffisant pour ébranler la domination d’Ouattara. Cette situation renforce le sentiment d’injustice parmi les opposants, qui accusent les autorités de manipuler le processus électoral.

Des Violences qui Inquiètent

Les manifestations récentes n’ont pas été sans conséquences. À Bonoua, dans le sud du pays, un homme a été tué par balle par des individus non identifiés, selon les autorités. L’opposition, quant à elle, évoque un bilan plus lourd, avec deux à trois morts recensés à travers le pays. Ces violences rappellent les tensions qui ont marqué les élections précédentes en Côte d’Ivoire, notamment en 2010, lorsque des affrontements post-électoraux avaient fait des milliers de victimes.

Des organisations internationales, comme Amnesty International, ont exprimé leur inquiétude face à ce qu’elles qualifient de répression des manifestations. Dans un communiqué, l’ONG a appelé les autorités à respecter le droit de manifester et à cesser les arrestations arbitraires. En réponse, le gouvernement ivoirien a défendu ses actions, arguant que les restrictions sont nécessaires pour éviter une escalade de la violence.

Les chiffres clés des tensions récentes :

  • 700 arrestations en une semaine.
  • 26 condamnations à trois ans de prison.
  • 105 personnes en attente de jugement.
  • 1 à 3 morts signalés lors des manifestations.

Un Scrutin sous Haute Surveillance

À l’approche du 25 octobre, tous les regards sont tournés vers la Côte d’Ivoire. Le scrutin, qui oppose Alassane Ouattara à quatre candidats moins en vue, est perçu comme un test pour la démocratie ivoirienne. Les restrictions imposées aux manifestations, combinées à l’exclusion des leaders de l’opposition, risquent de renforcer le sentiment d’injustice parmi une partie de la population. Dans un pays où les crises électorales ont souvent dégénéré en violence, la prudence est de mise.

Le gouvernement, de son côté, insiste sur la nécessité de maintenir la stabilité. Les déclarations du ministre de la Justice et du procureur traduisent une volonté ferme de contrôler la situation, quitte à recourir à des mesures autoritaires. Mais cette approche pourrait avoir l’effet inverse, en attisant la colère des opposants et en fragilisant la légitimité du futur président.

Vers une Crise Plus Large ?

La question qui se pose désormais est de savoir si ces tensions pré-électorales déboucheront sur une crise plus large. La Côte d’Ivoire, bien que sortie d’une décennie de conflits dans les années 2000, reste marquée par des fractures politiques profondes. L’exclusion de figures comme Laurent Gbagbo, ancien président acquitté par la Cour pénale internationale, et Tidjane Thiam, homme d’affaires influent, alimente les accusations de partialité du Conseil constitutionnel.

En parallèle, les violences sporadiques et les arrestations massives risquent de radicaliser une partie de l’opposition. Si le scrutin du 25 octobre se déroule dans un climat de méfiance, les résultats pourraient être contestés, plongeant le pays dans une nouvelle période d’incertitude. Pour l’heure, les autorités semblent déterminées à maintenir leur ligne dure, mais à quel prix ?

« Les autorités doivent cesser de réprimer les manifestations et respecter les droits fondamentaux. »

Amnesty International

Les prochaines semaines seront décisives. Les candidats en lice, bien que moins médiatisés, pourraient jouer un rôle clé en mobilisant les électeurs déçus par l’opposition traditionnelle. Mais face à la machine politique d’Alassane Ouattara, leurs chances semblent minces. La Côte d’Ivoire se trouve à un carrefour : celui d’une élection apaisée ou d’un nouveau cycle de tensions.

Que Peut-on Attendre du 25 Octobre ?

Le scrutin à venir s’annonce comme un moment charnière pour la Côte d’Ivoire. Les restrictions imposées par le gouvernement, bien que présentées comme des mesures de sécurité, soulèvent des interrogations sur l’état de la démocratie dans le pays. Les électeurs, eux, devront faire un choix dans un contexte où les voix dissidentes peinent à se faire entendre.

Pour résumer, voici les points clés à retenir :

  • Interdiction des manifestations pour deux mois, sauf pour les candidats officiels.
  • Rejet des candidatures de Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam par le Conseil constitutionnel.
  • 700 arrestations et 26 condamnations en une semaine.
  • Violences signalées, avec un bilan de un à trois morts.
  • Alassane Ouattara, favori, face à quatre candidats moins influents.

Alors que le compte à rebours pour l’élection s’accélère, une question demeure : la Côte d’Ivoire parviendra-t-elle à organiser un scrutin apaisé, ou les tensions actuelles sont-elles le prélude à une crise plus profonde ? Les jours à venir seront cruciaux pour l’avenir politique du pays.

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