Dans les rues animées d’Antananarivo, une nouvelle génération se lève, portée par une colère sourde et une soif de changement. À 31 ans, Elliot Randriamandrato, figure emblématique de la Gen Z malgache, incarne cette révolte. Ce diplômé de Sciences Po Paris, aux pantalons baggy et aux Doc Martens, a su fédérer une jeunesse urbaine et connectée pour renverser un président et secouer un système politique sclérosé. Mais après cette victoire, quel avenir pour ce mouvement inédit ?
Une révolte portée par la jeunesse
Elliot Randriamandrato n’est pas un inconnu dans le paysage malgache. Issu d’une jeunesse urbaine, éduquée et frustrée par des conditions de vie précaires, il a émergé comme le porte-parole d’un mouvement qui a fait vaciller le pouvoir. En quelques semaines, les manifestations orchestrées par la Gen Z ont conduit à la chute du président Andry Rajoelina, remplacé par le colonel Michaël Randrianirina. Ce basculement, loin d’être un simple coup d’éclat, marque un tournant dans l’histoire politique de Madagascar.
Ce qui distingue ce mouvement, c’est son ADN : numérique, horizontal et ancré dans une culture jeune, marquée par des références comme le manga One Piece. Cette révolte n’a pas seulement mobilisé les foules dans la rue, elle a aussi enflammé les réseaux sociaux, jusqu’à ce que la page Facebook du mouvement, forte de 200 000 abonnés, soit piratée. Une perte numérique, mais pas un coup d’arrêt.
Les dernières semaines sont une demi-victoire, la vraie lutte commence maintenant. Notre principale revendication est le changement du système politique actuel.
Elliot Randriamandrato
Un mouvement ancré dans la culture
Le mouvement de la Gen Z malgache ne ressemble à aucun autre. Contrairement aux révoltes traditionnelles, il s’appuie sur une identité forte, nourrie par la culture urbaine et les références générationnelles. Les tatouages d’Elliot, inspirés de Dragon Ball et Warhammer, symbolisent cette fusion entre engagement politique et expression culturelle. Cette approche a permis de mobiliser une jeunesse souvent marginalisée dans les sphères du pouvoir.
Le rôle des réseaux sociaux a été crucial. Avant son piratage, la page Facebook du mouvement servait de plateforme pour organiser les manifestations et diffuser les idées. Les références au manga One Piece, avec ses thèmes de liberté et de camaraderie, ont galvanisé les jeunes. Elliot explique que l’exemple du Népal, où un soulèvement similaire a eu lieu, a inspiré cette dynamique : Le drapeau levé, les liens avec One Piece, on s’est dit : c’est bon, ras-le-bol.
Un mouvement numérique et culturel
- Organisation horizontale : Pas de leader unique, mais une coordination collective.
- Références culturelles : Les mangas comme One Piece inspirent les slogans.
- Présence digitale : Les réseaux sociaux amplifient la mobilisation.
Un passé qui forge l’engagement
L’engagement d’Elliot ne date pas d’hier. À 14 ans, il est marqué par la crise politique de 2009, lorsque des manifestations violentes secouent Madagascar. Les grenades lacrymogènes tombent dans la cour de son école, et le restaurant familial est détruit par un cocktail Molotov. 2009, on l’a vécu directement. On perd quasiment tout.
Cette période, où 36 manifestants sont tués par la garde présidentielle, laisse des cicatrices durables.
Ce traumatisme personnel devient un moteur. En 2018, alors qu’Andry Rajoelina est en campagne à Paris, Elliot, étudiant à Sciences Po, s’oppose publiquement au candidat. Une lettre ouverte qu’il rédige avec des amis déclenche une vague de cyberharcèlement : Ma photo, mon adresse, les noms de ma famille, tout était diffusé avec l’étiquette ‘ennemis de la nation’.
Malgré les menaces, il assiste à la conférence pour confronter Rajoelina, un acte de courage qui le propulse dans l’arène politique.
De la contestation à la proposition
La chute d’Andry Rajoelina marque une victoire, mais pour Elliot, le combat est loin d’être terminé. Le mouvement doit désormais passer de la contestation à la proposition, une transition complexe. On bosse à mort pour éviter d’être récupérés, que la jeunesse ne soit pas oubliée
, insiste-t-il. L’intervention des militaires, qui a permis le renversement du président, est vue comme une convergence nécessaire, mais elle suscite aussi une vigilance accrue.
Elliot se dit agréablement surpris
par l’écoute des militaires, mais il reste prudent. L’histoire malgache, marquée par des interventions militaires récurrentes, incite à la méfiance. Le défi est clair : construire un nouveau système politique qui rompe avec les cycles de crises et de récupération.
Les gens doivent le comprendre, l’un ne serait pas arrivé sans l’autre. La bascule s’est faite par la convergence des deux.
Elliot Randriamandrato
Un militant aux multiples facettes
Elliot n’est pas seulement un activiste. À travers son association Tetikasa Ala, créée en 2019, il promeut l’agro-écologie en développant des jardins-forêts pour lutter contre la dégradation des sols. Il est aussi à l’origine de Hype Mada, un média dédié à la culture urbaine malgache. Ces initiatives montrent sa volonté de construire, au-delà de la contestation.
Revenu à Madagascar en mars, il ne s’attendait pas à devenir le visage d’une révolte. Je suis venu en manif, comme tout le monde, et le lendemain, des amis m’ont proposé de m’impliquer dans l’organisation.
Cette spontanéité reflète l’élan collectif du mouvement, où chaque individu peut devenir un acteur du changement.
Engagements d’Elliot | Impact |
---|---|
Tetikasa Ala | Lutte contre la dégradation des sols via l’agro-écologie. |
Hype Mada | Promotion de la culture urbaine malgache. |
Mouvement Gen Z | Renversement du président et réforme politique. |
Les défis de l’avenir
Le mouvement de la Gen Z se trouve à un carrefour. La perte de la page Facebook a fragilisé sa visibilité numérique, mais la détermination reste intacte. Pour Elliot, l’enjeu est de transformer l’élan contestataire en propositions concrètes. Cela passe par une refonte du système politique, mais aussi par une inclusion durable de la jeunesse dans les décisions.
Les références culturelles, comme les mangas, continueront de jouer un rôle. Elles permettent de fédérer une génération qui se sent souvent ignorée. Mais le risque de récupération par des forces politiques établies plane, et la vigilance d’Elliot est partagée par ses camarades.
Les défis du mouvement
- Éviter la récupération : Préserver l’indépendance face aux influences extérieures.
- Inclusion de la jeunesse : Donner une voix durable aux jeunes dans la politique.
- Reconstruction numérique : Rebâtir une présence en ligne après le piratage.
Un symbole pour l’avenir
Elliot Randriamandrato incarne une nouvelle vague d’activisme à Madagascar. Son parcours, marqué par des épreuves personnelles et un engagement sans faille, fait de lui un symbole pour une jeunesse qui refuse de se résigner. À travers ses actions, il montre que la révolte peut être à la fois culturelle, numérique et profondément ancrée dans les réalités du pays.
Alors que Madagascar entame une nouvelle page de son histoire, la question demeure : la Gen Z parviendra-t-elle à transformer sa victoire en un changement durable ? Elliot, avec sa détermination et sa vision, est prêt à relever ce défi, mais il sait que la route sera longue.