Dans une Côte d’Ivoire où l’effervescence politique atteint son apogée, un nom résonne avec force : Alassane Ouattara. À Daloa, ville stratégique du centre-ouest du pays, le président a donné le coup d’envoi de sa campagne pour un quatrième mandat, avec un objectif clair : un coup K.O, une victoire dès le premier tour de l’élection prévue le 25 octobre 2025. Mais derrière les foules en liesse et les slogans enflammés, des tensions émergent, notamment à Abidjan, où des manifestations ont été réprimées. Quels sont les enjeux de cette élection et que révèle-t-elle du paysage politique ivoirien ?
Un Lancement de Campagne sous le Signe de l’Unité
Le choix de Daloa pour lancer la campagne n’est pas anodin. Deuxième région la plus peuplée après Abidjan, cette ville incarne un carrefour culturel et économique, au cœur de la zone cacaoyère, poumon économique de la Côte d’Ivoire. Sous un soleil éclatant, puis sous une pluie battante, des milliers de partisans, vêtus de t-shirts orange aux couleurs du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), se sont réunis pour acclamer leur leader. Les cris de « ADO est fort, ADO toujours » – surnom d’Alassane Dramane Ouattara – ont résonné dans le stade de la ville.
Pour beaucoup, cette ferveur reflète l’adhésion au bilan du président, au pouvoir depuis 2011. Les jeunes, qui représentent 75 % de la population ivoirienne, louent particulièrement les avancées en matière d’infrastructures. « Il a construit une université ici, des écoles. Je suis tellement heureux de le voir pour la première fois ! », confie Jean-Marc, étudiant de 18 ans, dans une ambiance électrique.
Un Bilan Plébiscité : Infrastructures et Stabilité
Depuis son arrivée au pouvoir, Alassane Ouattara a misé sur le développement des infrastructures pour asseoir sa légitimité. Routes modernes, écoles, universités, et une sécurité retrouvée après les crises des années 2000 : ces réalisations sont au cœur de son discours de campagne. À Daloa, les militants ne tarissent pas d’éloges. « Les routes qu’il a construites ont changé notre quotidien. La sécurité est revenue. On veut continuer sur cette lancée », affirme Kelly, une habitante d’une trentaine d’années.
« Il faut gagner au premier tour pour une continuité rapide et avancer. On a commencé un développement depuis 15 ans, on ne veut pas s’arrêter. »
Issiaka Koné, député de Bouaflé
Ce sentiment est partagé par une large partie de la jeunesse, séduite par la stabilité économique et les opportunités créées. La Côte d’Ivoire, première productrice mondiale de cacao, a vu le prix d’achat aux planteurs atteindre un record de 4,26 euros le kilo en octobre 2025, une mesure saluée par les agriculteurs. « Avec ce prix, on vit mieux. Ouattara a tout fait pour nous », déclare Albert, planteur de 54 ans, venu soutenir son président.
Daloa, un Choix Stratégique
Le choix de Daloa pour lancer la campagne illustre une stratégie politique bien rodée. Autrefois bastion de Laurent Gbagbo, rival historique d’Ouattara, la région du Haut-Sassandra a basculé dans le camp présidentiel. « C’est l’une de nos places fortes aujourd’hui », explique un ministre local. Toutes les mairies de la région sont désormais aux mains du RHDP, signe d’un ancrage politique solide. Ce basculement témoigne de l’influence croissante d’Ouattara dans des zones autrefois acquises à l’opposition.
La ville, carrefour de la diversité ivoirienne, symbolise également l’unité nationale, un thème central de la campagne du président. En mobilisant ici, Ouattara envoie un message clair : il veut rassembler au-delà des clivages ethniques et régionaux. Les rencontres prévues avec les chefs traditionnels dans d’autres régions du pays renforceront cette image d’un leader fédérateur.
Une Opposition Affaiblie
Face à Ouattara, l’opposition apparaît fragilisée. Les deux figures majeures, Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, ont été écartées par des décisions judiciaires, laissant le champ libre au président sortant. Quatre candidats se présentent, mais aucun ne bénéficie du soutien d’un parti politique puissant. Parmi eux, Jean-Louis Billon, ancien ministre du Commerce, et Simone Ehivet Gbagbo, ex-épouse de Laurent Gbagbo, tentent de mobiliser, mais leur impact semble limité face à la machine électorale du RHDP.
À Abidjan, des tensions ont éclaté lors d’une manifestation interdite contre un possible quatrième mandat. Plus de 200 personnes ont été interpelées, et les forces de l’ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Cet épisode révèle les fractures persistantes au sein de la société ivoirienne, où une partie de la population conteste la candidature d’Ouattara, jugée anticonstitutionnelle par certains.
Les Défis d’un Quatrième Mandat
Si la victoire au premier tour semble à portée pour Ouattara, elle ne va pas sans défis. L’âge du président, 83 ans, suscite des débats, bien que ses partisans mettent en avant son expérience. « C’est un atout, pas un frein », assure Khadija, une jeune militante de Daloa. Pourtant, la question de la succession reste en suspens, dans un pays où la jeunesse aspire à davantage de renouvellement politique.
En outre, les tensions à Abidjan rappellent que le consensus autour d’Ouattara est loin d’être total. Les partis d’opposition, bien que désorganisés pour cette élection, pourraient se restructurer à l’avenir. La gestion des frustrations sociales, notamment chez les jeunes urbains, sera cruciale pour maintenir la stabilité.
Les forces d’Ouattara en 2025 :
- Une majorité écrasante dans les régions et communes
- Un bilan économique et infrastructurel plébiscité
- Une opposition fragmentée et sans leader fort
Le Cacao, un Atout Économique et Politique
La Côte d’Ivoire, leader mondial du cacao, tire une grande partie de ses revenus de cette ressource. La décision d’augmenter le prix d’achat aux planteurs à un niveau record renforce l’image d’un président proche des agriculteurs. À Daloa, cœur de la zone cacaoyère, cette mesure a galvanisé les soutiens. « On est dans la joie grâce à ce prix », témoigne Albert, planteur local.
Cette stratégie économique s’accompagne d’une communication habile. En liant la prospérité des planteurs à sa gouvernance, Ouattara consolide son emprise sur les régions rurales, essentielles pour remporter l’élection. Toutefois, des voix critiques soulignent que cette hausse pourrait ne pas suffire à répondre aux attentes croissantes des jeunes générations, en quête d’emplois diversifiés.
Une Campagne Tournée vers l’Avenir
Pour la suite de sa campagne, Ouattara prévoit de sillonner les grandes régions du pays, avec des rencontres ciblées auprès des femmes et des jeunes à Abidjan. Le nord, bastion historique du président, ne figure pas au programme, signe de la confiance du RHDP dans cette région. Chaque étape sera l’occasion de marteler le message d’une continuité dans le développement.
Les observateurs s’accordent à dire que l’absence d’une opposition forte rend le scénario du coup K.O plausible. Cependant, la capacité d’Ouattara à maintenir l’unité nationale et à répondre aux aspirations de la jeunesse déterminera l’avenir de son mandat. Dans un pays où les souvenirs des crises passées restent vifs, la stabilité reste un enjeu majeur.
| Atouts d’Ouattara | Défis à relever |
|---|---|
| Bilan infrastructurel solide | Tensions sociales à Abidjan |
| Soutien des régions cacaoyères | Question de la succession |
| Opposition affaiblie | Aspirations de la jeunesse |
En somme, la campagne d’Alassane Ouattara s’appuie sur un bilan solide et une stratégie bien huilée, mais elle n’est pas exempte de défis. Entre l’enthousiasme des militants de Daloa et les tensions d’Abidjan, l’élection de 2025 sera un tournant pour la Côte d’Ivoire. Parviendra-t-il à réaliser son coup K.O ? L’avenir du pays en dépend.
