À quelques jours de l’élection présidentielle au Cameroun, une question brûle les lèvres : Paul Biya, au pouvoir depuis 43 ans, peut-il être délogé par une opposition qui, malgré ses efforts, reste profondément divisée ? À 92 ans, le président sortant, figure incontournable de la politique camerounaise, se présente une nouvelle fois face à onze candidats. Parmi eux, des figures historiques, des transfuges du régime et des opposants de longue date tentent de rallier les électeurs dans un contexte marqué par des crises sociales, économiques et politiques. Mais sans candidature unique, l’opposition peut-elle réellement faire vaciller le colosse ?
Un scrutin sous haute tension
Le 13 octobre 2025, les Camerounais se rendront aux urnes pour choisir leur prochain président. Paul Biya, qui dirige le pays depuis 1982, reste le favori, mais son âge avancé et son absence prolongée de la scène publique pendant la campagne ont alimenté les spéculations. Sa première apparition, cinq jours avant le vote, a marqué les esprits, mais n’a pas suffi à apaiser les critiques sur son bilan. En face, onze candidats se disputent les suffrages, mais l’absence d’un front uni de l’opposition fragilise leurs chances.
La campagne électorale a révélé des fractures profondes. Entre les promesses de réformes radicales et les appels à la stabilité, les candidats rivalisent d’idées pour séduire un électorat fatigué par des années de crises, notamment dans les régions anglophones. Mais qui sont ces figures qui osent défier le président sortant ? Voici un tour d’horizon des principaux acteurs.
Issa Tchiroma Bakary : le transfuge audacieux
À 79 ans, Issa Tchiroma Bakary incarne une rupture inattendue. Ancien ministre sous Paul Biya, il a claqué la porte de la majorité présidentielle en juin 2025 pour rejoindre l’opposition. À la tête du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), il a su mobiliser des foules lors de ses meetings à travers le pays. Soutenu par l’Union pour le changement 2025, une coalition de partis minoritaires, il peine cependant à fédérer l’ensemble de l’opposition.
Je demande pardon pour avoir nié l’existence d’un problème anglophone lorsque j’étais ministre.
Issa Tchiroma Bakary
Son programme ambitieux promet une transition de trois à cinq ans pour reconstruire un pays qu’il juge “détruit” par des décennies de gestion autoritaire. En campagne dans les régions anglophones, il a marqué les esprits en s’excusant publiquement pour ses positions passées, un geste rare dans le paysage politique camerounais.
Bello Bouba Maïgari : l’expérience au service du changement
À 78 ans, Bello Bouba Maïgari n’est pas un novice. Premier ministre de Paul Biya en 1982, il a occupé divers postes ministériels avant de rompre avec le régime en juin 2025. Président de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), il a rallié deux autres candidats, Ateki Seta Caxton et Akere Tabeng Muna, bien que leurs noms restent sur les bulletins de vote.
Son programme s’articule autour de réformes structurelles : un mandat présidentiel réduit à cinq ans renouvelable une fois, une loi d’amnistie pour les prisonniers d’opinion, et une refonte constitutionnelle. Ces propositions visent à répondre aux attentes d’un électorat lassé par la stagnation politique.
Les promesses clés de Bello Bouba Maïgari
- Réforme constitutionnelle pour limiter les mandats présidentiels.
- Amnistie pour les prisonniers d’opinion.
- Renforcement de la décentralisation.
Cabral Libii : la voix de la jeunesse
À 45 ans, Cabral Libii représente une nouvelle génération d’opposants. Troisième à l’élection de 2018, il dirige le Parti camerounais pour la réconciliation nationale (PCRN). Contrairement à d’autres opposants, il a choisi de participer aux législatives de 2020, obtenant cinq sièges à l’Assemblée nationale.
Ses promesses électorales s’adressent directement aux préoccupations économiques des Camerounais. Parmi elles, une sortie du Franc CFA et une augmentation du revenu minimum garanti à 140 000 francs CFA (environ 213 euros) par mois, contre 60 000 francs CFA actuellement. Ces mesures visent à séduire les jeunes et les classes populaires, durement touchées par la crise économique.
Maurice Kamto : l’absence remarquée
À 71 ans, Maurice Kamto reste une figure centrale de l’opposition, bien que sa candidature ait été rejetée par le Conseil constitutionnel. Ancien président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), il s’est présenté sous la bannière du Manidem après sa démission du MRC. Son exclusion, qu’il qualifie d’“arbitraire”, a suscité de vives critiques.
Je vous appelle à voter librement, selon votre conscience.
Maurice Kamto
Contrairement aux attentes de ses partisans, Kamto n’a pas donné de consigne de vote, laissant ses électeurs dans l’incertitude. Cette décision pourrait fragmenter davantage le vote de l’opposition, déjà divisée par des rivalités internes.
Les enjeux majeurs du scrutin
Cette élection intervient dans un contexte de crises multiples. La crise anglophone, qui secoue les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest depuis 2016, reste un défi central. Les candidats comme Tchiroma et Maïgari ont promis des solutions, mais leurs approches divergent. Alors que Tchiroma plaide pour une transition rapide, Maïgari mise sur des réformes institutionnelles.
Sur le plan économique, l’inflation et le chômage alimentent le mécontentement. La proposition de Cabral Libii de sortir du Franc CFA reflète un désir de souveraineté économique, mais soulève des questions sur sa faisabilité. Enfin, la question de la gouvernance, marquée par 43 ans de présidence Biya, domine les débats.
Candidat | Âge | Parti | Proposition phare |
---|---|---|---|
Issa Tchiroma Bakary | 79 ans | FSNC | Transition de 3 à 5 ans |
Bello Bouba Maïgari | 78 ans | UNDP | Réforme constitutionnelle |
Cabral Libii | 45 ans | PCRN | Sortie du Franc CFA |
Une opposition fragmentée : un frein au changement ?
L’incapacité de l’opposition à présenter un candidat unique est un obstacle majeur. Les tentatives de coalition, comme l’Union pour le changement 2025, n’ont pas abouti à un large consensus. Les retraits de candidats comme Ateki Seta Caxton et Akere Tabeng Muna au profit de Maïgari montrent une volonté d’union, mais ces efforts restent limités.
Les rivalités personnelles et les divergences idéologiques compliquent la tâche. Alors que certains, comme Libii, prônent des réformes économiques audacieuses, d’autres, comme Tchiroma, insistent sur une transition politique. Cette fragmentation risque de diluer le vote anti-Biya, au profit du président sortant.
Quel avenir pour le Cameroun ?
À l’approche du scrutin, l’incertitude plane. Paul Biya, fort de son expérience et de l’appareil d’État, reste un adversaire redoutable. Cependant, les propositions des candidats d’opposition – qu’il s’agisse de réformes constitutionnelles, d’amnistie ou de mesures économiques – reflètent un désir de changement profond.
Le résultat de cette élection dépendra de la capacité des électeurs à se mobiliser et de l’opposition à surmonter ses divisions. Une chose est sûre : le Cameroun se trouve à un tournant décisif, entre continuité et aspiration à un renouveau.
Les défis du Cameroun en 2025
- Résolution de la crise anglophone.
- Relance économique et lutte contre le chômage.
- Réforme de la gouvernance et démocratisation.
Le 13 octobre 2025, les Camerounais auront l’occasion de façonner l’avenir de leur pays. Mais face à un président ancré au pouvoir depuis plus de quatre décennies, l’opposition parviendra-t-elle à transformer l’essai ? La réponse se trouve dans les urnes.