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Madagascar : Révolte Étudiante Face à la Crasse

Dans les dortoirs d'Antananarivo, la crasse et les malfaçons alimentent la colère des étudiants. Leur révolte, portée par la Gen Z, secoue Madagascar. Que vont-ils obtenir ?

Dans un couloir sombre d’un bâtiment universitaire d’Antananarivo, une flaque d’eau stagnante trahit les promesses d’une infrastructure moderne. À peine deux ans après son inauguration, la cité universitaire, censée incarner l’avenir de la jeunesse malgache, est déjà rongée par la négligence. Pourquoi les étudiants, portés par l’élan de la Gen Z, se soulèvent-ils face à ces conditions indignes ? Leur révolte, vibrante et déterminée, éclaire un malaise plus profond dans un pays où les jeunes se sentent oubliés.

Une jeunesse malgache abandonnée

À Madagascar, la capitale Antananarivo abrite une jeunesse éduquée, ambitieuse, mais confrontée à des conditions de vie qui frisent l’indécence. Les dortoirs universitaires, comme celui d’Ankatso, illustrent ce paradoxe. Construits récemment, ces bâtiments promettaient un cadre propice aux études. Pourtant, les fissures dans les murs, les toilettes inutilisables et les flaques d’eaux usées racontent une tout autre histoire. Les étudiants, souvent issus de régions éloignées, n’ont d’autre choix que de s’adapter à cet environnement dégradé.

Ulric, un étudiant en master d’énergies renouvelables, incarne cette résilience. À 24 ans, il partage un dortoir exigu où l’eau croupie menace d’envahir la pièce dès la saison des pluies. « C’est cette situation qui nourrit notre révolte », confie-t-il, le regard déterminé. Sa voix, comme celle de nombreux autres, porte l’écho d’une génération qui refuse de se taire face à l’indifférence des autorités.

Des infrastructures à l’abandon

Le bâtiment inauguré en 2023 à Ankatso, censé être un symbole de progrès, est déjà marqué par des malfaçons criantes. Les murs se fissurent, l’eau s’infiltre, et les équipements sanitaires sont hors service. Dans les toilettes communes, la chasse d’eau ne fonctionne pas, obligeant les étudiants à transporter des seaux d’eau depuis la cour. Les douches, quant à elles, sont si rares qu’une seule est partagée par huit personnes. Cette réalité, loin des standards d’une université moderne, alimente la frustration.

« Pendant la saison des pluies, les eaux usées montent jusqu’à mi-mollet », explique Ulric, pointant du doigt une canalisation à ciel ouvert.

À quelques mètres, un autre bâtiment, plus ancien, est dans un état encore plus désastreux. Construit il y a une décennie, il héberge bien plus d’étudiants que sa capacité initiale. Les cuisines collectives, dépourvues d’eau courante et d’électricité, servent désormais de garage à scooters. Les salles de bains, où seul un filet d’eau s’écoule des robinets, sont impraticables. L’absence d’entretien professionnel, combinée aux coupures d’eau fréquentes, a transformé ces lieux en espaces insalubres.

Dans ces couloirs, l’odeur d’urine est omniprésente, et les toilettes, laissées à l’abandon, sont devenues un symbole de l’indifférence des autorités.

La débrouille comme mode de vie

Face à ces conditions, les étudiants d’Antananarivo font preuve d’une ingéniosité remarquable. Dans les dortoirs surpeuplés, où six personnes s’entassent dans des espaces prévus pour quatre, les matelas s’étalent au sol. Les pannes électriques, comme un tableau ayant pris feu, sont réparées à la va-vite. Dans les cages d’escalier, des fils tendus servent à sécher le linge. Même un étudiant s’improvise coiffeur, proposant des coupes à prix dérisoire dans un coin du couloir, face à un miroir brisé.

Ezechiel, 26 ans, étudiant en master à l’école normale supérieure, résume cette réalité : « Les jeunes Malgaches savent s’adapter à tout. » Mais cette résilience, souvent admirée, devient une excuse pour l’inaction des autorités. « Pourquoi nous aider si on arrive à survivre ? » ironise-t-il. Cette débrouille, bien que créative, ne peut masquer l’urgence d’une réforme des infrastructures universitaires.

Une révolte portée par la Gen Z

La colère des étudiants ne date pas d’aujourd’hui. Ankatso, théâtre des manifestations de 1972 qui avaient renversé le premier président malgache, reste un foyer de contestation. Aujourd’hui, c’est la Gen Z, connectée et consciente de ses droits, qui prend la parole. Leur mouvement, amplifié par les réseaux sociaux, dénonce non seulement les conditions de vie, mais aussi une élite déconnectée, dont les enfants étudient à l’étranger, loin des réalités locales.

« Les dirigeants envoient leurs enfants à Bordeaux ou à Harvard, pendant qu’on vit dans la crasse », s’indigne Ulric.

Les promesses du président malgache, qui s’est engagé à « regarder de près » la situation des étudiants et à construire une nouvelle cité universitaire, peinent à convaincre. Pour Ulric, rénover les bâtiments existants serait plus judicieux. « On n’a pas fini ce qu’on a dans l’assiette, et on réclame déjà la marmite », cite-t-il, reprenant un proverbe malgache avec une pointe d’ironie.

Un cri pour la dignité

La révolte des étudiants d’Antananarivo dépasse la simple question des infrastructures. Elle incarne un combat pour la dignité et la reconnaissance d’une jeunesse qui refuse d’être ignorée. Dans un pays où l’accès à l’éducation supérieure est déjà un privilège, les conditions de vie dans les dortoirs universitaires ajoutent une couche d’injustice. Les étudiants, souvent issus de milieux modestes, rêvent d’un avenir où leur diplôme leur ouvrira des portes, mais ils se heurtent à un système qui semble les abandonner.

  • Manque d’entretien : Aucune maintenance professionnelle des bâtiments.
  • Surpopulation : Dortoirs conçus pour quatre, occupés par six ou plus.
  • Insalubrité : Toilettes impraticables et eaux usées stagnantes.
  • Adaptabilité : Les étudiants s’organisent pour survivre dans ces conditions.

Pour Iandoharilala, doctorant à l’école polytechnique, la situation est intolérable. « On vit littéralement dans la merde », lâche-t-il, montrant des toilettes envahies par une odeur irrespirable. Cette phrase crue résume le sentiment d’abandon qui anime les étudiants. Leur combat, relayé par des manifestations et des prises de parole, est un appel à un changement systémique.

Vers un avenir incertain

La révolte des étudiants d’Antananarivo pourrait-elle déboucher sur des réformes concrètes ? Les promesses des autorités, souvent perçues comme des paroles en l’air, devront se traduire en actions tangibles pour regagner la confiance de la jeunesse. La construction d’une nouvelle cité universitaire, si elle voit le jour, ne suffira pas sans un engagement à entretenir et à gérer efficacement les infrastructures existantes.

En attendant, les étudiants continuent de se battre, entre débrouille et indignation. Leur résilience, bien que remarquable, ne devrait pas être une excuse pour l’inaction. À Ankatso, le rap français résonne dans la cour, les seaux d’eau s’entassent, et les jeunes Malgaches rêvent d’un avenir où leur dignité sera enfin respectée. Leur révolte, loin d’être un simple cri de colère, est un signal d’alarme pour un pays à la croisée des chemins.

La jeunesse malgache, entre débrouille et révolte, porte l’espoir d’un changement. Mais jusqu’où leur voix sera-t-elle entendue ?

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