Imaginez-vous en train de poser une question spirituelle à Jésus ou Moïse, non pas dans une église ou une synagogue, mais via une application sur votre smartphone. Cette scène, autrefois digne d’un roman de science-fiction, est aujourd’hui une réalité. L’intelligence artificielle (IA) s’immisce dans la sphère religieuse, offrant des outils interactifs qui permettent aux croyants d’explorer leur foi d’une manière inédite. Mais cette intrusion technologique soulève des questions profondes : l’IA peut-elle réellement enrichir la spiritualité, ou risque-t-elle de la dénaturer ?
Quand l’IA Rencontre la Foi
Les applications intégrant l’IA dans le domaine religieux se multiplient à une vitesse fulgurante. Des outils comme Text With Jesus, qui permet de dialoguer avec des figures bibliques comme Marie ou les apôtres, attirent des milliers d’utilisateurs. Ces plateformes, souvent alimentées par des modèles d’IA avancés comme GPT-5, promettent une approche interactive et éducative de la religion. Mais derrière cette innovation se cache un débat animé : pour certains, ces outils sont une bénédiction éducative ; pour d’autres, ils frôlent le blasphème.
Des Applications au Service de la Spiritualité
Les applications religieuses basées sur l’IA ne se contentent pas de répondre à des questions. Elles permettent aux utilisateurs d’explorer les textes sacrés de manière dynamique. Par exemple, Text With Jesus, développée par Catloaf Software, propose des échanges avec des figures religieuses simulées. Le PDG de l’entreprise, Stéphane Peter, explique :
« C’est un nouveau moyen d’approcher les sujets religieux de manière interactive, avec une vocation éducative. »
Stéphane Peter, PDG de Catloaf Software
Ces outils s’appuient sur des algorithmes capables de suivre des instructions précises, offrant des réponses qui imitent fidèlement le ton et le style des personnages religieux. Cependant, cette capacité à « incarner » des figures sacrées pose problème. Certains utilisateurs reprochent à ces applications de manquer de transparence, les figures simulées ne reconnaissant pas toujours leur nature artificielle.
Une Réception Mitigée chez les Croyants
Si des applications comme Text With Jesus reçoivent des évaluations positives (4,7/5 sur l’App Store), elles ne font pas l’unanimité. Certains fidèles, comme Emanuela, une Italienne rencontrée à New York, estiment que la foi devrait rester une affaire humaine :
« Les gens qui croient ne devraient pas recourir à un chatbot pour parler de leur foi. C’est mieux d’échanger avec d’autres croyants. »
Emanuela, fidèle catholique
De même, le rabbin Gilah Langner souligne l’importance du lien émotionnel dans l’interprétation des textes sacrés, un aspect que l’IA peine à reproduire. Selon elle, bien que l’IA puisse fournir des réponses nuancées, elle risque d’isoler les utilisateurs en les privant d’une connexion humaine avec leur communauté.
Les chiffres clés :
- Plusieurs milliers d’abonnés payants pour Text With Jesus.
- Applications religieuses téléchargées des millions de fois.
- Note moyenne de 4,7/5 pour Text With Jesus sur l’App Store.
Des Outils pour Toutes les Religions
L’IA ne se limite pas au christianisme. Des applications comme Deen Buddy pour l’islam, AI Buddha pour le bouddhisme ou Vedas AI pour l’hindouisme offrent des interfaces similaires. Ces outils se présentent souvent comme des guides pour explorer les textes sacrés, sans prétendre incarner des divinités. Leur objectif ? Rendre la spiritualité accessible à tout moment, notamment pour ceux qui cherchent des réponses immédiates.
Nica, une Philippine de 28 ans, utilise l’IA presque quotidiennement pour analyser les écritures chrétiennes. Bien que son pasteur désapprouve, elle voit l’IA comme une « couche supplémentaire » à sa pratique spirituelle, complémentaire à sa communauté et à ses mentors.
Les Limites Éthiques de l’IA Religieuse
L’utilisation de l’IA dans la religion soulève des questions éthiques. L’exemple de Père Justin, un avatar IA créé par Catholic Answers, illustre cette problématique. Lancé en 2024, cet assistant virtuel a suscité une vague de critiques pour avoir adopté l’apparence d’un prêtre. Face à la polémique, l’organisation a rapidement renommé l’avatar « Justin », supprimant toute référence cléricale.
« Nous ne voulons pas remplacer les humains, mais simplement aider. »
Christopher Costello, responsable technologique chez Catholic Answers
Cette controverse met en lumière une tension centrale : l’IA peut-elle respecter la sensibilité spirituelle tout en offrant des outils modernes ? Pour beaucoup, la réponse réside dans un équilibre délicat entre innovation et respect des traditions.
L’Église Face à l’IA : Entre Ouverture et Prudence
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les institutions religieuses ne rejettent pas systématiquement l’IA. En 2024, le pape François a nommé un expert en IA, Demis Hassabis, membre d’un organe scientifique du Vatican, signe d’une ouverture à la technologie. De même, certains membres du clergé explorent les possibilités offertes par l’IA générative.
Un exemple marquant est celui du pasteur Jay Cooper, qui, en 2023, a confié la rédaction d’un sermon à un assistant IA. Bien que l’expérience ait attiré des curieux, notamment des amateurs de technologie, le pasteur a reconnu une limite :
« Cela manquait de cœur et d’âme par rapport à ce que nous faisons d’habitude. »
Jay Cooper, pasteur à Austin
Cette réflexion résume un sentiment partagé : l’IA peut imiter, mais elle peine à transmettre l’émotion et la profondeur d’une expérience spirituelle humaine.
| Application | Religion | Fonction principale |
|---|---|---|
| Text With Jesus | Christianisme | Dialogue avec figures bibliques |
| Deen Buddy | Islam | Exploration des textes sacrés |
| AI Buddha | Bouddhisme | Conseils basés sur les enseignements |
Vers une Spiritualité Numérique ?
L’essor de l’IA dans la religion soulève une question fondamentale : peut-elle transformer la manière dont nous vivons notre foi ? Pour certains, comme Nica, ces outils offrent une accessibilité sans précédent, permettant d’explorer la spiritualité à tout moment. Pour d’autres, ils risquent de réduire la foi à une série d’interactions mécaniques, dénuées de l’âme qui caractérise les échanges humains.
Les développeurs, conscients de ces enjeux, insistent sur le rôle complémentaire de l’IA. Elle ne vise pas à remplacer les prêtres, les imams ou les rabbins, mais à offrir un soutien éducatif. Pourtant, la méfiance persiste, alimentée par des craintes de déshumanisation ou de simplification excessive des traditions complexes.
Un Débat en Évolution
Alors que l’IA continue de s’intégrer dans tous les aspects de nos vies, son incursion dans la religion ne fait que commencer. Les débats qu’elle suscite reflètent des tensions plus larges sur le rôle de la technologie dans nos sociétés. Entre ceux qui y voient une opportunité d’éducation et ceux qui craignent une perte d’authenticité, l’avenir de la spiritualité numérique reste incertain.
Ce qui est sûr, c’est que l’IA oblige les croyants et les institutions à repenser leur rapport à la foi. Peut-elle devenir un pont vers une compréhension plus profonde des textes sacrés, ou risque-t-elle de nous éloigner de l’essence même de la spiritualité ? Une chose est certaine : cette révolution technologique ne laissera personne indifférent.
Points à retenir :
- L’IA offre des outils interactifs pour explorer les textes sacrés.
- Certains fidèles craignent une déshumanisation de la foi.
- Les institutions religieuses adoptent une approche prudente mais ouverte.
- Le débat sur l’éthique de l’IA religieuse est loin d’être clos.
