Imaginez un lever de soleil dans le désert du Néguev, où le silence est brisé par des sanglots étouffés et le murmure de prières. Deux ans après l’attaque brutale qui a transformé le festival Nova en un lieu de deuil, des dizaines de personnes se réunissent pour honorer la mémoire des 370 victimes. Ce rassemblement, empreint de douleur et de souvenirs, nous rappelle la fragilité de la vie et l’impact durable d’un traumatisme collectif. Comment une communauté peut-elle se reconstruire après une telle tragédie ?
Un Lieu de Mémoire dans le Désert
Le site du festival Nova, autrefois vibrant de musique électronique et de rires, est aujourd’hui un mémorial à ciel ouvert. Les portraits des victimes, figés dans des moments de joie – mariages, vacances, selfies rayonnants – ornent des tiges métalliques plantées dans le sol, semblables à des stèles. Des anémones rouges, symboles de vie dans le désert, fleurissent au pied de ces hommages, accompagnées de dessins d’enfants et de drapeaux israéliens. Ce lieu, marqué par la tragédie, est devenu un espace où le temps semble suspendu.
Chaque visiteur apporte avec lui une histoire, un souvenir, une perte. Certains, comme Orit Baron, viennent régulièrement pour entretenir les mémoriaux de leurs proches. D’autres, comme Alon Musnikov, cherchent à faire vivre les noms des disparus, refusant que leur mémoire s’efface. Ce lieu n’est pas seulement un cimetière symbolique ; c’est un espace où la douleur personnelle rencontre la mémoire collective.
Un Matin de Silence et de Souvenirs
Le 7 octobre 2025, à 6h29 précises, l’heure exacte où l’attaque a commencé deux ans plus tôt, le site s’est figé dans une minute de silence. Des jeunes, présents dès l’aube, ont éteint leur musique électronique pour rendre hommage aux disparus. Parmi eux, Alon, 28 ans, étudiant en droit, porte le poids d’une perte incommensurable. « Nous sommes partis à dix, nous sommes revenus à sept », confie-t-il, la voix lourde. Ses amis Yevgeni, Lior et Sean n’ont pas survécu. Leur absence pèse encore, comme si le drame s’était déroulé la veille.
« Nous vivons avec ce traumatisme tous les jours. C’est comme si ça s’était passé hier. »
Alon Musnikov, survivant du festival Nova
Pour Alon, partager les noms de ses amis est une mission. Il veut que le monde entier sache qui ils étaient, que leur vie ne soit pas réduite à un chiffre dans une statistique. Ce besoin de mémoire est partagé par beaucoup, dans un pays où les cicatrices du 7 octobre 2023 restent à vif.
Des Vies Brisées, des Histoires Racontées
Orit Baron, 57 ans, est l’une des nombreuses mères endeuillées venues rendre hommage. Sa fille, Yuval, 25 ans, a été tuée aux côtés de son fiancé, Moshé. Leur histoire, celle d’un couple sur le point de se marier, est gravée dans le cœur d’Orit. Elle a abandonné son travail pour se consacrer à la mémoire de Yuval, nettoyant son mémorial, arrangeant les fleurs, et racontant son histoire à quiconque veut l’entendre.
« C’est important que les gens apprennent la vérité de première main », explique-t-elle, un pendentif orné du portrait de Yuval et Moshé autour du cou. Pour elle, ce lieu est plus qu’un mémorial : c’est un espace où elle se sent proche de sa fille, malgré le grondement des explosions au loin, venant de la bande de Gaza voisine. « La première fois, j’avais peur. Maintenant, je n’entends plus les bruits », confie-t-elle.
Un lieu de recueillement : Le site du festival Nova, marqué par des tiges métalliques et des anémones, est devenu un symbole de résilience et de mémoire collective.
La Douleur au Quotidien
Pour beaucoup, le traumatisme du 7 octobre 2023 est une blessure qui ne cicatrise pas. Karen Shaarabany, qui a perdu sa fille Sivan, 21 ans, vit avec le souvenir précis des derniers messages de sa fille. À 6h45, Sivan écrivait « tout va bien ». À 8h10, elle décrivait, terrifiée, les tirs des assaillants. Sivan et trois de ses amies n’ont pas survécu. Une seule est revenue vivante.
« Ce qui s’est passé ici est impardonnable. »
Karen Shaarabany, mère de Sivan
Karen, comme d’autres, trouve un étrange réconfort dans les échos de la guerre qui persistent. « Tant que ce n’est pas terminé, je ne veux pas de calme », dit-elle, en référence au conflit en cours à Gaza. Pour elle, la destruction promise du Hamas est une condition nécessaire à la paix, bien que celle-ci semble encore lointaine.
Un Conflit qui Persiste
Le festival Nova n’était pas seulement un événement musical ; il était un symbole de joie et de liberté. L’attaque a brisé cette insouciance, laissant derrière elle des familles dévastées et une nation en quête de réponses. À quelques kilomètres du site, les bruits de tirs d’artillerie rappellent que le conflit avec Gaza est loin d’être résolu. Ce contraste entre le silence du recueillement et les échos de la guerre crée une atmosphère pesante, où le passé et le présent se mêlent.
Les familles des victimes, comme celles d’Orit et de Karen, continuent de chercher un sens à leur perte. Certaines, comme Orit, se consacrent à préserver la mémoire des disparus. D’autres, comme Karen, expriment une colère contenue face à l’injustice de ce qui s’est passé. Ensemble, elles forment une communauté unie par le chagrin, mais aussi par la détermination à ne pas oublier.
Un Mémorial Vivant
Le site du festival Nova est plus qu’un lieu de deuil ; c’est un espace où les vivants dialoguent avec les disparus. Les gestes simples – allumer une bougie, embrasser une photo, déposer une fleur – sont autant d’actes de résistance contre l’oubli. Chaque mémorial, soigneusement entretenu, raconte une histoire unique, celle d’une vie interrompue trop tôt.
Les anémones rouges, qui poussent dans ce désert aride, symbolisent à la fois la fragilité et la résilience. Elles rappellent que, même dans les moments les plus sombres, la vie trouve un moyen de persister. Pour les familles, ces fleurs sont un hommage à ceux qui ne danseront plus, mais dont le souvenir continue d’éclairer leurs vies.
Victime | Âge | Histoire |
---|---|---|
Yuval Baron | 25 ans | Fiancée à Moshé, elle venait d’acheter sa robe de mariée. |
Sivan Shaarabany | 21 ans | Tuée avec trois amies lors de l’attaque, une seule a survécu. |
Vers un Avenir Incertain
Deux ans après le drame, les questions demeurent. Comment guérir d’une telle tragédie ? Comment honorer les victimes tout en cherchant la paix ? Pour les familles, ces interrogations sont quotidiennes. Le site du festival Nova, avec ses portraits et ses fleurs, est un rappel constant de ce qui a été perdu, mais aussi de la force de ceux qui restent.
Les témoignages d’Alon, Orit et Karen montrent que le deuil est un processus complexe, mêlé de douleur, de colère et d’espoir. Ils refusent de laisser leurs proches être oubliés, transformant leur chagrin en un acte de mémoire collective. Dans ce désert du Néguev, où les anémones fleurissent malgré tout, ils trouvent un moyen de continuer, un pas à la fois.
En conclusion, le site du festival Nova incarne à la fois la tragédie et la résilience. C’est un lieu où les larmes coulent encore, mais où les souvenirs restent vivants. À travers les gestes simples des familles, la mémoire des victimes perdure, défiant le temps et les bruits de la guerre.