Dans les rues animées de Buenos Aires, l’atmosphère est électrique. À quelques semaines d’élections législatives cruciales, un homme polarise l’Argentine : Javier Milei, président ultralibéral, a choisi une salle de spectacle emblématique pour lancer son dernier ouvrage. Sous une forte présence policière, cet événement mi-concert, mi-meeting électoral révèle les tensions d’un pays divisé. Mais quel est ce « miracle » économique dont il se vante, et pourquoi suscite-t-il autant de controverses ?
Un Lancement Sous Haute Tension
Le décor est planté dans une salle de spectacle de la capitale argentine, où des milliers de partisans, drapés de violet, la couleur du parti La Libertad Avanza, se pressent pour acclamer leur leader. Face à eux, une petite foule d’opposants de gauche scande des slogans hostiles, séparée par un cordon policier imposant. Tambours, pétards et invectives fusent, mais aucun affrontement direct n’éclate pour l’instant. Ce face-à-face illustre la fracture profonde qui traverse l’Argentine, entre ceux qui soutiennent l’austérité prônée par Milei et ceux qui en dénoncent le coût social.
Cet événement n’est pas anodin. Le choix du lieu, chargé de symbolisme, rappelle la victoire électorale de Milei en novembre 2023. Mais à l’approche des législatives, la pression est palpable. Les incidents récents, comme les jets de projectiles lors d’une sortie à Lomas de Zamora ou les heurts entre militants à Moreno, témoignent d’un climat politique explosif.
Un Livre, une Tronçonneuse, un Symbole
Le président argentin ne fait rien à moitié. Son quatorzième livre, intitulé La construction du miracle : le cas argentin, est à son image : provocateur et audacieux. Sur la couverture, Milei pose fièrement, une tronçonneuse à la main, incarnation de sa politique d’austérité budgétaire. Cet outil, devenu son emblème, symbolise sa volonté de tailler dans les dépenses publiques pour redresser l’économie.
« La tronçonneuse est plus qu’un objet : c’est une promesse de rupture avec un système en faillite. »
Avec ses 573 pages, l’ouvrage compile principalement des discours tenus par Milei en 2024, en Argentine et à l’international. Certains chapitres reprennent, sans détour, des extraits de son précédent livre, Capitalisme, socialisme et le piège néo-classique. Une démarche assumée, mais qui soulève des questions : ce « miracle » est-il vraiment nouveau, ou s’agit-il d’un recyclage de vieilles idées ?
Un Bilan Économique Contrasté
En un an, Javier Milei a transformé le paysage économique argentin. Son fait d’armes ? Avoir ramené l’inflation de plus de 200 % en rythme annuel à environ 33 %. Un exploit pour un pays habitué à des crises monétaires chroniques. Mais ce succès a un prix. Les coupes budgétaires drastiques ont plongé des millions d’Argentins dans une précarité accrue, et l’économie peine à redécoller.
Dans les rues de Buenos Aires, les critiques fusent. Une banderole aperçue près du lieu du meeting ironise : « Milei, le miracle serait que quelqu’un entre acheter quelque chose. » Cette phrase résume le désarroi des commerçants et des classes populaires, frappés par la chute du pouvoir d’achat et une activité économique en berne.
| Indicateur | Avant Milei | Aujourd’hui |
|---|---|---|
| Inflation annuelle | > 200 % | ~33 % |
| Croissance économique | Stagnante | En difficulté |
| Pouvoir d’achat | En baisse | Fortement réduit |
Ce tableau illustre le paradoxe du « miracle » de Milei : une réussite macroéconomique au détriment d’une stabilité sociale. Les marchés financiers, d’abord séduits, commencent à douter. La récente dévaluation du peso argentin et les incertitudes électorales pèsent sur la confiance.
Une Élection à Haut Risque
À trois semaines des législatives, le parti de Milei, La Libertad Avanza, est sous pression. Une cuisante défaite lors d’un scrutin régional en septembre a fragilisé sa position. Les Argentins, lassés par les sacrifices imposés, pourraient sanctionner le président. Pourtant, Milei reste fidèle à sa rhétorique : libéralisme économique à tout prix, rejet du « système » et promesses de prospérité future.
Pour galvaniser ses troupes, le président mise sur des événements spectaculaires, comme ce lancement de livre. Mais la forte présence policière témoigne des tensions sous-jacentes. Les incidents passés, comme les jets de pierres à Lomas de Zamora, montrent que la colère gronde. Les opposants reprochent à Milei de privilégier les chiffres au bien-être des citoyens.
Un Soutien International Inattendu
Face aux turbulences, Milei peut compter sur un allié de poids. Fin septembre, le Trésor américain, sous l’influence de figures proches de Donald Trump, a réaffirmé son soutien à l’Argentine, se disant prêt à intervenir financièrement si nécessaire. Ce coup de pouce, rare pour un pays en crise, reflète l’alignement idéologique entre Milei et certains cercles conservateurs outre-Atlantique.
« Nous sommes totalement prêts à faire le nécessaire pour soutenir l’Argentine. »
Représentant du Trésor américain
Cette aide extérieure pourrait stabiliser le peso et redonner un souffle à l’économie. Mais elle ne suffira pas à apaiser les tensions internes. Les Argentins, divisés, attendent des réponses concrètes : le « miracle » économique tiendra-t-il ses promesses, ou n’est-il qu’un mirage ?
Un Pays au Bord de l’Implosion ?
L’Argentine est à un tournant. D’un côté, les partisans de Milei saluent son courage face à un système économique qu’ils jugent corrompu. De l’autre, ses détracteurs dénoncent une politique qui creuse les inégalités et ignore les plus vulnérables. Le lancement de ce livre, sous haute surveillance, est plus qu’un événement littéraire : c’est un baromètre des tensions qui secouent le pays.
Les semaines à venir seront décisives. Les élections législatives pourraient redessiner le paysage politique et déterminer si Milei conserve le soutien nécessaire pour poursuivre ses réformes. En attendant, Buenos Aires reste une poudrière, où chaque apparition publique du président est un test de sa popularité.
- Inflation maîtrisée : De 200 % à 33 %, un succès indéniable.
- Coût social : Austérité et baisse du pouvoir d’achat touchent les plus pauvres.
- Tensions électorales : Les législatives, un scrutin à haut risque.
- Soutien extérieur : L’aide américaine, un bol d’air temporaire.
Ce résumé met en lumière les enjeux complexes auxquels l’Argentine fait face. Le « miracle » de Milei, s’il existe, est fragile. Entre espoirs de redressement et risques d’implosion sociale, le pays retient son souffle.
Quel Avenir pour l’Argentine ?
Javier Milei, avec son style flamboyant et ses idées radicales, incarne une rupture. Mais cette rupture suffira-t-elle à transformer l’Argentine ? Les défis sont immenses : relancer l’économie, apaiser les tensions sociales et restaurer la confiance des marchés. Le président mise sur sa tronçonneuse symbolique pour trancher dans le vif, mais à quel prix ?
Pour l’instant, l’Argentine oscille entre admiration et méfiance. Les partisans de Milei croient en un avenir prospère, libéré des chaînes de l’État. Les opposants, eux, craignent un retour à des années sombres, marquées par l’austérité et les inégalités. Une chose est sûre : le « miracle » économique reste un pari audacieux, dont l’issue reste incertaine.
Alors que les lumières de la salle de spectacle s’éteignent, les questions demeurent. Le livre de Milei, avec sa tronçonneuse en couverture, est-il le manifeste d’une révolution réussie ou le symbole d’une ambition déconnectée ? Seule l’histoire le dira.
