Dans les rues animées de Casablanca, Tétouan et Rabat, une vague de contestation portée par la jeunesse marocaine déferle depuis neuf jours. Ces jeunes, unis sous la bannière du collectif GenZ 212, ne se contentent pas de marcher : ils crient leur ras-le-bol face à la corruption et appellent à des réformes profondes dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Ce mouvement, né sur les réseaux sociaux, incarne l’espoir d’une génération déterminée à changer l’avenir du Maroc. Mais que révèle cette mobilisation ? Et jusqu’où ira-t-elle ?
Une Génération en Colère : L’Émergence de GenZ 212
Le 27 septembre 2025 marque un tournant. Ce jour-là, des centaines de jeunes descendent dans les rues marocaines, portés par un élan spontané mais puissant. À l’origine de cette mobilisation, un collectif mystérieux, GenZ 212, qui fédère plus de 185 000 membres sur Discord. Ce groupe, qui se définit comme un rassemblement de « jeunes libres » sans affiliation politique, a su canaliser la frustration d’une génération face à un système qu’elle juge défaillant. Leur slogan ? « Le peuple veut la fin de la corruption. »
Ce n’est pas un simple cri de colère. Les revendications des manifestants sont claires : ils exigent le départ du chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, et une refonte des services publics, notamment dans la santé et l’éducation. Ces secteurs, souvent critiqués pour leur inefficacité, sont au cœur des préoccupations d’une jeunesse qui refuse de voir ses aspirations étouffées par des promesses non tenues.
Une Mobilisation Qui Gagne du Terrain
À Casablanca, dans le quartier populaire d’El Fida, les rues vibrent au son des slogans. « Akhannouch, va-t’en ! » ou encore « Le gouvernement ne t’appartient pas ! » résonnent dans les lives diffusés par la presse locale. À Tétouan, au nord du pays, des centaines de personnes se rassemblent, unies par la même ferveur. Même à Rabat, bien que la mobilisation y soit plus modeste, une centaine de manifestants se réunissent devant le Parlement, scandant « Vive le peuple » et dénonçant un gouvernement qu’ils qualifient de corrompu.
Il est primordial de réformer les secteurs de la santé et l’éducation. Nous sommes conscients que cela va prendre du temps, mais il faut commencer quelque part.
Imran, 20 ans, manifestant à Rabat
Ces rassemblements, organisés chaque soir depuis plus d’une semaine, témoignent d’une organisation remarquable. Sur les réseaux sociaux, GenZ 212 orchestre ces manifestations avec une précision presque militaire, tout en insistant sur leur caractère pacifique. Pourtant, cette mobilisation massive n’a pas été sans heurts.
Un Drame à l’Origine du Mouvement
Le catalyseur de cette révolte ? Un événement tragique survenu à la mi-septembre dans un hôpital public d’Agadir. Huit femmes enceintes, admises pour des césariennes, y perdent la vie. Cette tragédie, loin d’être un cas isolé, met en lumière les failles criantes du système de santé marocain. Pour beaucoup, elle symbolise l’incurie d’un gouvernement qui, selon les manifestants, privilégie les intérêts privés au détriment du bien public.
Ce drame a agi comme une étincelle. Sur les réseaux sociaux, les témoignages affluent, dénonçant des conditions hospitalières déplorables, des équipements obsolètes et un manque criant de personnel qualifié. Les jeunes, en particulier, se sentent trahis par un système qui semble incapable de répondre à leurs besoins les plus élémentaires.
Les réseaux sociaux, et notamment Discord, sont devenus le terrain de prédilection de cette jeunesse en quête de changement. C’est là que les idées fusent, que les slogans naissent et que les manifestations s’organisent.
Des Revendications Claires, mais un Chemin Semé d’Embuch
Les revendications de GenZ 212 ne se limitent pas à une simple dénonciation. Elles s’articulent autour de deux axes majeurs : la santé et l’éducation. Les manifestants exigent des investissements massifs dans ces secteurs, une meilleure gestion des ressources publiques et une lutte acharnée contre la corruption. Mais ces demandes, aussi légitimes soient-elles, se heurtent à une réalité complexe.
Le Maroc, comme de nombreux pays, fait face à des contraintes budgétaires. Réformer des secteurs aussi cruciaux que la santé et l’éducation demande du temps, des ressources et une volonté politique forte. Imran, jeune manifestant de 20 ans, en est conscient : « Nous savons que les changements ne viendront pas du jour au lendemain, mais il faut poser les bases maintenant. »
Malgré cet optimisme, des tensions ont émergé. Mercredi soir, des violences ont éclaté dans plusieurs petites localités. À Lqliaâ, près d’Agadir, un affrontement tragique a coûté la vie à trois personnes. Selon les autorités, ces dernières auraient tenté de s’emparer d’armes dans une brigade de gendarmerie, forçant les forces de l’ordre à intervenir. Cet incident a jeté une ombre sur le caractère pacifique revendiqué par le mouvement.
Une Réponse Gouvernementale en Demi-Teinte
Face à cette montée de la contestation, le chef du gouvernement a tenté de désamorcer la crise. Lors d’une déclaration, il a exprimé sa volonté de répondre aux revendications sociales et s’est dit ouvert au dialogue. Mais pour beaucoup de manifestants, ces promesses sonnent creux. « On veut des actes, pas des mots », peut-on lire sur les pancartes brandies dans les rues de Casablanca.
Le gouvernement se trouve dans une position délicate. D’un côté, il doit apaiser une jeunesse de plus en plus impatiente ; de l’autre, il doit gérer les tensions sociales sans céder à la pression de la rue. La question est désormais de savoir si ce dialogue annoncé aboutira à des réformes concrètes ou s’il ne sera qu’une tentative de gagner du temps.
Le Rôle des Réseaux Sociaux dans la Mobilisation
Si GenZ 212 a réussi à mobiliser des milliers de jeunes en si peu de temps, c’est en grande partie grâce aux réseaux sociaux. Discord, en particulier, est devenu une plateforme incontournable pour organiser les manifestations et diffuser les messages du collectif. Ce choix n’est pas anodin : il reflète la volonté des jeunes de s’affranchir des canaux traditionnels, souvent perçus comme contrôlés par les élites.
Mais cette dépendance aux réseaux sociaux comporte aussi des risques. L’anonymat des fondateurs de GenZ 212, par exemple, soulève des questions. Qui sont-ils ? Quels sont leurs véritables objectifs ? Si le collectif insiste sur son indépendance politique, certains observateurs s’interrogent sur la durabilité d’un mouvement sans leadership clair.
Revendications principales | Enjeux associés |
---|---|
Réforme du système de santé | Manque d’équipements, personnel insuffisant |
Amélioration de l’éducation | Inégalités d’accès, qualité inégale |
Lutte contre la corruption | Sytème politique opaque |
Une Jeunesse en Quête de Sens
Ce mouvement, au-delà des revendications immédiates, traduit une aspiration plus profonde : celle d’une jeunesse qui veut reprendre en main son avenir. Les jeunes marocains, souvent confrontés à un chômage élevé et à des perspectives limitées, ne se contentent plus d’attendre. Ils veulent être acteurs du changement, et non simples spectateurs.
Le succès de GenZ 212 réside dans sa capacité à fédérer des profils variés : étudiants, jeunes travailleurs, chômeurs. Tous partagent un sentiment commun d’injustice et une volonté de construire un Maroc plus équitable. Mais cette unité, aussi puissante soit-elle, reste fragile face aux défis qui se profilent.
Vers un Changement Durable ?
L’avenir du mouvement GenZ 212 reste incertain. Si les manifestations ont réussi à attirer l’attention sur des problématiques cruciales, elles devront s’inscrire dans la durée pour aboutir à des résultats concrets. La réponse du gouvernement, les éventuelles réformes et la capacité du collectif à maintenir sa dynamique seront déterminants.
Une chose est sûre : cette mobilisation a déjà marqué un tournant. Elle a montré que la jeunesse marocaine, loin d’être apathique, est prête à se battre pour ses idéaux. Reste à savoir si cet élan se transformera en un véritable changement de société ou s’il s’essoufflera face aux obstacles.
La voix de la jeunesse marocaine résonne. Et elle ne compte pas s’éteindre de sitôt.