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Maroc : Deuil et Révolte après la Mort d’un Étudiant

Un étudiant de 25 ans tué lors de violences au Maroc. Pourquoi les manifestations dégénèrent-elles ? Découvrez l’histoire d’Abdessamad et les revendications d’une jeunesse en colère...

Dans un petit village du sud du Maroc, l’air est lourd de tristesse et d’incompréhension. Abdelkabir Oubella, un père de famille, n’aurait jamais imaginé que la vidéo qu’il visionnait sur son téléphone capturait les derniers instants de son fils. Abdessamad, un étudiant en cinéma de 25 ans, a perdu la vie dans des circonstances tragiques à Lqliaâ, près d’Agadir. Ce drame, survenu lors de violences en marge de manifestations sociales, secoue le Maroc et soulève des questions brûlantes sur l’avenir du pays. Que s’est-il passé cette nuit-là ? Pourquoi la jeunesse marocaine descend-elle dans la rue ?

Un Drame qui Révèle les Tensions Sociales

La nuit du mercredi au jeudi, Lqliaâ, une localité agricole proche d’Agadir, a été le théâtre d’un affrontement dramatique. Abdessamad Oubella, un jeune passionné de cinéma, a été tué par balle, ainsi que deux autres personnes, lors d’une intervention des gendarmes. Selon les autorités, un groupe de manifestants aurait tenté de s’introduire dans une gendarmerie pour s’emparer d’armes et de munitions. Mais pour la famille d’Abdessamad, cette version des faits est difficile à accepter.

Mon frère était là-bas pour documenter les événements. Il n’a pas ramassé de pierre, il n’a pas pris part aux troubles.

Ayoub Oubella, frère d’Abdessamad

Les images de vidéosurveillance diffusées par les autorités montrent des jeunes cagoulés, armés de barres de fer et de pavés, tentant de forcer l’entrée de la gendarmerie. Les forces de l’ordre ont répondu par des gaz lacrymogènes, mais face à l’escalade, des tirs ont retenti. Abdessamad aurait été atteint à la tête, une perte qui a plongé sa famille et son village dans un profond désarroi.

Une Jeunesse en Quête de Justice

Depuis le 27 septembre, le Maroc est secoué par une vague de manifestations inédites. Initiées par un collectif baptisé GenZ 212 sur la plateforme Discord, ces mobilisations réclament des réformes urgentes dans les secteurs de la santé et de l’éducation. Le mouvement a pris de l’ampleur après un scandale tragique : la mort de huit femmes enceintes dans un hôpital public d’Agadir, admises pour des césariennes. Cet événement a cristallisé la colère d’une jeunesse qui se sent négligée par un système défaillant.

Les manifestations, bien que majoritairement pacifiques, ont parfois dégénéré en affrontements violents, comme à Lqliaâ. Le collectif GenZ 212 insiste sur son engagement pour des actions non violentes et a appelé à une mobilisation nationale dans 22 villes, entre 18h et 21h, pour faire entendre ses revendications. Mais dans les zones rurales comme Adouz Oussaoud, où vivait Abdessamad, la frustration est palpable.

Le collectif GenZ 212 a exhorté ses membres à adopter un comportement pacifique et responsable, plaidant pour une « seule voix » face aux injustices.

Un Village en Deuil

À Adouz Oussaoud, un village modeste où l’agriculture, notamment la culture des tomates, est le moteur économique, les habitants pleurent la perte d’Abdessamad. Abdelkabir, son père, un travailleur journalier de 51 ans, a enterré son fils dans un cercueil en contreplaqué, entouré par les hommes de son douar. Une fresque murale, portant l’inscription « Don’t open, dead inside », inspirée de la série The Walking Dead, reflète l’état d’esprit des villageois : un mélange de chagrin et de désespoir face à une situation qui semble sans issue.

Les habitants soutiennent les revendications pour de meilleures conditions dans la santé et l’éducation, mais condamnent les actes de vandalisme. Hassan Garir, un résident de Lqliaâ âgé de 39 ans, résume le sentiment général :

Les services de santé et d’éducation ici ne sont pas à la hauteur de la densité de la population. Une grande population a besoin de renfort dans les deux secteurs.

Hassan Garir, habitant de Lqliaâ

Pourtant, Hassan déplore les violences : « Ce qu’ont fait ces fauteurs de troubles n’a rien à voir avec le fait d’exprimer des revendications. » Cette dualité – soutien aux réformes, mais rejet des troubles – illustre la complexité des tensions actuelles.

Les Inégalités au Cœur du Problème

Le drame d’Abdessamad met en lumière les profondes inégalités qui minent le Maroc. Dans des régions comme Lqliaâ, les infrastructures de santé et d’éducation sont souvent insuffisantes pour répondre aux besoins d’une population croissante. Les habitants, majoritairement des travailleurs journaliers, vivent dans des conditions modestes, loin des centres urbains où les services sont plus accessibles.

Les secteurs de la santé et de l’éducation, piliers essentiels d’une société équitable, sont au cœur des revendications. Voici les principales demandes des manifestants :

  • Amélioration des infrastructures hospitalières, notamment dans les zones rurales.
  • Recrutement de personnel médical qualifié pour réduire les délais d’attente.
  • Modernisation du système éducatif pour garantir un accès équitable à l’enseignement.
  • Transparence dans la gestion des fonds publics alloués à ces secteurs.

Ces revendications, portées par une jeunesse connectée et organisée, traduisent un ras-le-bol face à un système perçu comme déconnecté des réalités quotidiennes.

La Voix d’une Génération

Le mouvement GenZ 212 incarne l’émergence d’une nouvelle forme de militantisme au Maroc. Contrairement aux manifestations traditionnelles, souvent encadrées par des partis ou des syndicats, ces mobilisations sont spontanées et largement relayées sur les réseaux sociaux. La plateforme Discord, utilisée pour coordonner les actions, a permis à des jeunes de tout le pays de s’unir autour d’un objectif commun : un avenir plus juste.

Mais cette spontanéité a aussi ses limites. Les débordements, comme ceux observés à Lqliaâ, risquent de discréditer le mouvement. Les images de pneus en feu et de bennes à ordures incendiées ont choqué l’opinion publique, renforçant l’appel du collectif à un retour au calme.

Revendications Impact Attendu
Réforme de la santé Réduction des décès évitables dans les hôpitaux
Réforme de l’éducation Accès équitable à un enseignement de qualité

Un Appel à la Réflexion

Le décès d’Abdessamad Oubella est plus qu’un fait divers : il est le symbole d’une société en quête de changement. Pour son père, Abdelkabir, la douleur est immense, mais il refuse de céder à la colère. « Nous sommes contre le vandalisme et l’ignorance », déclare-t-il, exprimant un désir de justice sans violence.

Les événements de Lqliaâ rappellent que les revendications légitimes peuvent être éclipsées par des actes isolés. Pourtant, la mobilisation de la jeunesse marocaine ne faiblit pas. Chaque soir, dans les rues de 22 villes, des pancartes s’élèvent, des voix s’unissent, et l’espoir d’un avenir meilleur persiste.

Alors que le Maroc se trouve à un tournant, une question demeure : comment transformer cette colère en un changement durable ? La réponse, peut-être, réside dans la capacité des jeunes à continuer de parler d’une « seule voix », comme le prône GenZ 212. Une voix qui refuse la violence, mais exige d’être entendue.

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