L’industrie alimentaire est en ébullition depuis l’autorisation des nouveaux médicaments anti-obésité aux États-Unis il y a trois ans. Et le leader mondial Nestlé vient de franchir un pas de plus dans cette direction en lançant une gamme de produits spécifiquement destinés aux utilisateurs de ces traitements coupe-faim. Baptisée « Vital Pursuit », elle propose notamment des pizzas surgelées allégées en taille et enrichies en protéines. Mais cette initiative soulève des questions : va-t-on vers une médicalisation à outrance de notre alimentation ?
Quand les pilules dictent le contenu de nos assiettes
Avec l’arrivée fracassante sur le marché de médicaments anti-obésité comme le Wegovy, un nombre croissant de consommateurs se tournent vers ces solutions pour perdre du poids. Un filon que Nestlé a bien l’intention d’exploiter en adaptant ses recettes pour répondre aux besoins nutritionnels spécifiques de ces utilisateurs.
Ainsi, les 12 références de la gamme « Vital Pursuit » se veulent riches en protéines et fibres, avec des portions réduites et l’ajout de nutriments clés pour compenser d’éventuelles carences. Pizza, pâtes, bols de légumineuses… L’objectif est de proposer des options pratiques et alléchantes, même avec un appétit diminué par les effets des médicaments.
Nous voulons accompagner les consommateurs à chaque étape de leur parcours vers une meilleure santé, en leur offrant des aliments savoureux qui répondent à leurs besoins évolutifs.
– Greg Behar, CEO de Nestlé Health Science
Le marché prometteur des aliments fonctionnels
Au-delà de l’enjeu de santé publique, l’obésité représente surtout un marché juteux pour les géants de l’agro-alimentaire comme Nestlé. Avec 650 millions d’adultes obèses dans le monde selon l’OMS, le potentiel est énorme pour ces produits conçus sur-mesure.
Le segment des aliments fonctionnels, entre santé et plaisir, est d’ailleurs en plein essor. Il devrait peser plus de 275 milliards de dollars en 2025 d’après les projections. De quoi aiguiser l’appétit des industriels, qui multiplient les investissements et innovations pour se positionner sur ce créneau porteur.
Vers une médicalisation de l’alimentation ?
Mais cette course à « l’ultra-personnalisation » de notre nourriture n’est pas sans soulever des inquiétudes. Sommes-nous en train d’assister à une médicalisation excessive de notre alimentation, où chaque bouchée serait minutieusement calculée en fonction de notre profil médical ?
Certes, proposer des options plus saines aux personnes souffrant d’obésité est louable. Mais la frontière est parfois mince entre le marketing et la réelle valeur ajoutée nutritionnelle de ces produits estampillés « spécial médicaments amincissants ».
Il ne faudrait pas que manger devienne un acte anxiogène, constamment sous influence pharmaceutique. L’équilibre alimentaire doit d’abord rester une question de bon sens et de plaisir.
– Dr Arnaud Cocaul, nutritionniste
Rester vigilant face au marketing de la minceur
Si les initiatives comme celle de Nestlé peuvent avoir leur place dans l’accompagnement des personnes obèses, il convient donc de garder un œil critique. Derrière les promesses, le risque est de voir se multiplier les produits marketés « coupe-faim » sans réel bénéfice, voire délétères pour une relation saine à la nourriture.
À l’heure où l’on prône le retour au naturel et à l’authenticité dans nos assiettes, cette tendance à la pilule qui dicte le contenu de nos placards interroge. Méfions-nous d’une médicalisation contre-productive de l’alimentation. Manger devrait rester avant tout un plaisir à partager, au-delà des questions de poids.