Chaque vendredi à midi, sous le ciel souvent gris de Paris, une foule se rassemble sur le parvis des droits de l’Homme, place du Trocadéro. Quelques centaines de personnes, unies par un même élan, viennent crier leur soutien aux otages retenus depuis l’attaque tragique du 7 octobre 2023. Ce rendez-vous, unique en son genre en Europe, est bien plus qu’une simple manifestation : c’est un symbole de résilience, un refus de l’oubli, un cri du cœur pour des familles plongées dans l’angoisse. Mais qu’est-ce qui pousse ces hommes et femmes, semaine après semaine, à braver la solitude et la lassitude pour brandir des pancartes et chanter des hymnes ?
Un Mouvement Né de la Douleur et de l’Espoir
Le rassemblement du Trocadéro a vu le jour quelques semaines après les événements du 7 octobre 2023, porté par une initiative conjointe d’une organisation de femmes sionistes et d’une institution représentative des communautés juives en France. Baptisé les mères de l’espoir, ce mouvement tire son nom d’un écho historique poignant : celui des Madres de Plaza de Mayo, ces mères argentines qui, sous la dictature, dénonçaient la disparition de leurs proches. À Paris, l’objectif est clair : maintenir l’attention sur les otages, dont certains croupissent encore dans des conditions inhumaines, loin des regards.
Ce rendez-vous hebdomadaire réunit entre 200 et 300 personnes, un chiffre qui peut sembler modeste mais qui témoigne d’une détermination sans faille. Comme l’exprime un participant de 74 ans, la voix chargée d’émotion : “Notre but, c’est la libération des otages. Certains sont morts, d’autres survivent dans des conditions effroyables.” Ce n’est pas une démarche politique, insistent les organisateurs, mais un acte de solidarité humaine.
“On n’est pas là pour faire de la politique, mais pour que les familles d’otages sachent qu’elles ne sont pas seules.”
Un participant de 74 ans
Un Rituel Solennel et Chargé d’Émotion
Sur le parvis, l’atmosphère est à la fois grave et fraternelle. Les pancartes brandies affichent des messages simples mais percutants : “Libérez les otages” ou “We will dance again”, une promesse d’espoir au milieu de la douleur. Chaque semaine, les participants observent un moment de silence, écoutant des textes lus en mémoire des otages. Puis, dans un élan collectif, ils entonnent les hymnes israélien et français, symboles d’unité et de résilience.
Après le rassemblement, la foule s’attarde, échangeant des nouvelles, des encouragements. “Comment vas-tu ? On ne t’a pas vu la semaine dernière !” lance une participante à une autre. Pour beaucoup, ce moment est une bouffée d’oxygène dans un quotidien marqué par l’angoisse. Une femme de 88 ans, membre d’une association, confie : “Depuis le 7 octobre, je vis dans une angoisse permanente. J’ai même développé un zona.” Ces mots, lourds, traduisent un traumatisme collectif qui dépasse les frontières.
Chaque vendredi, les participants se réunissent non seulement pour les otages, mais aussi pour se soutenir mutuellement, créant une communauté soudée face à l’adversité.
Un Combat Contre l’Oubli
Pourquoi ce rassemblement persiste-t-il, deux ans après les événements ? Parce que la peur de l’oubli grandit, explique une représentante du mouvement. “Plus la crainte de l’oubli augmente, plus la mobilisation est forte”, affirme-t-elle. Ce sentiment est partagé par beaucoup, qui redoutent que le sort des otages ne devienne une simple note de bas de page dans l’actualité internationale. Ce combat pour la mémoire est d’autant plus crucial que les participants perçoivent une indifférence croissante autour d’eux.
Un homme de 73 ans, Isaac, résume cette mission avec clarté : “On ne fait pas ça pour faire plier le Hamas, mais pour que la France n’oublie pas.” Ce besoin de “réveiller” le pays reflète une frustration face à ce que beaucoup vivent comme un désintérêt général. Pourtant, ce rassemblement ne se limite pas à une communauté spécifique. Une femme non juive, âgée d’une soixantaine d’années, explique sa présence par un élan universel : “Le sort des otages devrait tous nous prendre aux tripes.”
“On essaie de réveiller notre pays, la France.”
Isaac, 73 ans
Une Solitude Pesante Face à l’Antisémitisme
Derrière les pancartes et les hymnes, un autre combat se dessine : celui contre la montée de l’antisémitisme. En France, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 646 actes antisémites ont été recensés au premier semestre 2025, dans la continuité d’une flambée observée depuis octobre 2023. Pour beaucoup, le rassemblement du Trocadéro est aussi une réponse à cette haine, un moyen d’affirmer une présence et une dignité face à l’adversité.
Une participante de 62 ans, tenant une photo d’otage et une fleur jaune, symbole de soutien, confie son désarroi : “On a l’impression que c’est un problème qui n’intéresse que les juifs de France.” Ce sentiment de solitude est partagé par d’autres, qui s’interrogent sur leur place dans la société française. “À quel moment faudra-t-il partir ?” se demande Isaac, reflétant une question qui hante de nombreuses familles.
Contexte | Impact |
---|---|
Montée de l’antisémitisme | 646 actes recensés en France en 2025 |
Rassemblement Trocadéro | 200 à 300 participants chaque vendredi |
Un Espoir Fragile mais Tenace
Face à un contexte géopolitique complexe, notamment après la proposition d’un plan de paix par les États-Unis, les participants restent prudents. “Le Hamas veut la guerre”, estime une femme de 62 ans, sceptique quant à une issue rapide. Pourtant, l’espoir persiste. Un participant promet : “Je viendrai jusqu’à la libération du dernier otage. Peut-être qu’un jour, on dansera à nouveau.” Cette phrase, empreinte d’une foi fragile mais inébranlable, résume l’esprit du Trocadéro.
Le rassemblement, par sa régularité et sa simplicité, incarne une forme de résistance douce. Il ne s’agit pas seulement de demander la libération des otages, mais de rappeler que l’humanité, la solidarité et la mémoire doivent prévaloir, même dans les moments les plus sombres.
Les mères de l’espoir : un mouvement qui refuse l’oubli et porte la voix des otages, semaine après semaine.
Ce rendez-vous du vendredi, au cœur de Paris, est bien plus qu’une manifestation. C’est un espace où l’angoisse se transforme en action, où la solitude trouve un écho dans la communauté, et où l’espoir, malgré tout, refuse de s’éteindre. Pour ces participants, chaque pancarte brandie, chaque hymne chanté, est une promesse : celle de ne jamais oublier.