En Argentine, la tension politique atteint un nouveau sommet. Alors que le président ultralibéral Javier Milei prône une austérité drastique pour redresser l’économie, le Parlement vient de lui infliger un revers cinglant. En rejetant deux de ses vétos sur des financements cruciaux pour l’université publique et un hôpital pédiatrique, les législateurs envoient un message clair : la rigueur budgétaire ne passe pas sans résistance. À quelques semaines des élections législatives du 26 octobre 2025, ce bras de fer soulève une question brûlante : Milei pourra-t-il imposer sa vision dans un pays fracturé ?
Un Parlement en Rébellion Contre l’Austérité
Le Parlement argentin, composé de la Chambre des députés et du Sénat, a marqué un point décisif contre la politique d’austérité de Javier Milei. En septembre, les députés avaient déjà retoqué un veto présidentiel sur une loi revalorisant les allocations pour le handicap. Cette fois, c’est le Sénat qui a suivi, en s’opposant à deux décisions présidentielles majeures. Ces vétos concernaient des financements pour l’université publique et l’hôpital pédiatrique Garrahan, deux institutions emblématiques du pays.
Le premier texte visait à augmenter les budgets des universités publiques pour compenser l’inflation galopante qui sévit depuis 2023. Le second concernait le plus grand hôpital pédiatrique d’Argentine, situé à Buenos Aires. Ces deux mesures, jugées essentielles par les parlementaires, ont été défendues avec ferveur, au point de rassembler une foule de manifestants devant le Parlement. Étudiants, enseignants et soignants ont applaudi ce vote comme une victoire face à ce qu’ils qualifient de « définancement cruel ».
« C’est une fierté, car ça fait un an qu’on lutte contre le définancement atroce des universités », a déclaré Tomas Bossi, étudiant en psychologie.
Un Contexte Économique Explosif
L’Argentine traverse une période économique tumultueuse. Avec une monnaie sous pression et des marchés financiers nerveux, le peso argentin oscille dangereusement. En août et septembre, il a chuté à 1 515 pesos pour un dollar, avant de remonter légèrement à 1 360 suite à des annonces de soutien international, puis de rechuter à 1 450. Cette instabilité fragilise la stratégie de Milei, qui mise sur une discipline budgétaire stricte pour stabiliser l’économie.
Pourtant, un allié inattendu s’est manifesté : l’administration américaine, sous la houlette de Donald Trump, proche idéologiquement de Milei. Le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a réaffirmé son soutien, déclarant que le Trésor américain est « totalement prêt à faire le nécessaire » pour aider l’Argentine. Une rencontre entre Bessent et son homologue argentin, Luis Caputo, est prévue pour discuter des modalités de ce soutien, qui pourrait inclure un échange de devises jusqu’à 20 milliards de dollars, des facilités de crédit ou un rachat de titres de la dette argentine.
Chiffres clés de la crise économique :
- Peso argentin : 1 450 pour 1 dollar (octobre 2025).
- Inflation : Toujours galopante, affectant le pouvoir d’achat.
- Soutien américain : Jusqu’à 20 milliards de dollars envisagés.
Milei et Trump : Une Alliance Stratégique
L’annonce du soutien américain a suscité l’enthousiasme de Javier Milei, qui a comparé Scott Bessent à Lionel Messi, la légende du football argentin. Cette alliance avec Trump, qui accueillera Milei à la Maison-Blanche le 14 octobre, est un atout précieux pour le président argentin. Ce dernier cherche à renforcer sa crédibilité sur la scène internationale, alors que son économie vacille et que son parti, La Libertad Avanza (LLA), peine à s’imposer au Parlement.
Cette relation transatlantique pourrait-elle changer la donne ? Pour l’instant, elle offre à Milei un répit face aux critiques internes. Cependant, les annonces de soutien financier, bien que prometteuses, restent floues. Les modalités précises, comme un éventuel échange de devises ou un rachat de dettes, devront être clarifiées lors des discussions entre Bessent et Caputo.
Les Élections de 2025 : Un Tournant Décisif
Les législatives du 26 octobre 2025 s’annoncent comme un moment charnière pour Milei. Avec un parti minoritaire au Parlement, il doit composer avec des alliances fragiles. Son style de gouvernance, souvent perçu comme agressif, voire provocateur, a compliqué la formation de coalitions solides. Les récents revers au Parlement montrent que ses adversaires, même divisés, savent s’unir pour bloquer ses initiatives.
Le scrutin à venir renouvellera la moitié de la Chambre des députés et un tiers du Sénat. Milei espère y renforcer la présence de son parti, qui compte actuellement moins de 40 députés sur 257. Selon le politologue Gustavo Marangoni, LLA pourrait atteindre 86 sièges, un progrès significatif mais insuffisant pour obtenir une majorité. Cette projection laisse présager des négociations ardues pour la prochaine législature.
« Il n’y a aucune chance que le gouvernement conquière une majorité à la Chambre des députés, mais il pourrait obtenir un tiers de députés à lui », estime Gustavo Marangoni.
Une Société Divisée Face à l’Austérité
La politique de Milei ne fait pas l’unanimité. Si certains saluent son ambition de réduire les dépenses publiques pour assainir l’économie, d’autres dénoncent une rigueur excessive qui frappe les plus vulnérables. Les manifestations devant le Parlement, bien que modestes en nombre, témoignent d’une grogne croissante. Étudiants, enseignants et soignants se mobilisent pour défendre les institutions publiques, perçues comme des piliers de la société argentine.
L’hôpital pédiatrique Garrahan, par exemple, est un symbole national. Son sous-financement, dans un contexte d’inflation, a suscité une indignation générale. De même, les universités publiques, qui forment des générations d’Argentins, souffrent d’un manque de ressources chronique. Le vote du Parlement, en faveur de ces institutions, reflète un attachement profond à ces valeurs.
Secteur | Impact de l’austérité | Réaction parlementaire |
---|---|---|
Universités publiques | Baisse des budgets face à l’inflation | Rejet du veto pour augmenter les fonds |
Hôpital Garrahan | Sous-financement chronique | Rejet du veto pour sécuriser le budget |
Allocations handicap | Gel des revalorisations | Loi promulguée après rejet du veto |
Une Gouvernance à l’Épreuve
Le style de gouvernance de Milei, marqué par des déclarations tranchantes et un refus de compromis, a aliéné une partie des forces politiques. Son parti, La Libertad Avanza, manque de poids pour imposer ses réformes seul. Les récents revers parlementaires montrent que Milei doit revoir sa stratégie s’il veut avancer ses projets de réformes structurelles, comme la dollarisation de l’économie ou la réduction massive des dépenses publiques.
Pourtant, Milei semble adopter un ton plus conciliant ces dernières semaines. Lors d’une allocution récente, il a évoqué la nécessité de poser les bases d’une « gouvernance viable ». Cette inflexion pourrait être une tentative de rallier des alliés avant les élections. Mais la défaite électorale de son parti dans la province de Buenos Aires, lors d’un scrutin régional en septembre, a révélé ses faiblesses.
Les Marchés et l’Incertitude
Les marchés financiers, eux, scrutent chaque mouvement. La volatilité du peso et les annonces de soutien américain ont créé un climat d’incertitude. Si le soutien de Washington se concrétise, il pourrait offrir une bouffée d’oxygène à l’économie argentine. Mais pour l’instant, les investisseurs restent prudents, attendant de voir si Milei parviendra à stabiliser la situation politique et économique.
Les enquêtes d’opinion montrent un paysage électoral incertain. Dans la province de Buenos Aires, le parti de Milei, allié à la droite classique, serait en difficulté. Au niveau national, cependant, il reste compétitif, avec environ 40 % d’intentions de vote. Cette polarisation reflète les divisions profondes de la société argentine face à l’austérité.
Vers un Avenir Incertain
L’Argentine se trouve à un carrefour. D’un côté, Javier Milei mise sur une rigueur budgétaire et des alliances internationales pour redresser une économie en crise. De l’autre, le Parlement et une partie de la population défendent les institutions publiques, perçues comme essentielles à l’identité nationale. Les élections du 26 octobre seront un test décisif pour mesurer la popularité de cette politique d’austérité.
Pour Milei, le défi est clair : survivre à cette « année électorale infernale », comme il l’a lui-même qualifié. Entre pressions économiques, résistances parlementaires et attentes des marchés, la route s’annonce semée d’embûches. Reste à savoir si son pari audacieux portera ses fruits ou s’il s’enlisera dans un pays fracturé.
Enjeux des élections du 26 octobre :
- Renouvellement parlementaire : Moitié des députés, tiers du Sénat.
- Objectif de Milei : Renforcer la présence de LLA au Parlement.
- Enjeu économique : Restaurer la confiance des marchés.
Alors que l’Argentine retient son souffle, le monde observe. La capacité de Milei à naviguer entre réformes radicales et résistances internes déterminera l’avenir du pays. Une chose est sûre : les prochaines semaines seront cruciales.