Pourquoi un ancien Premier ministre britannique, dont le nom reste associé à l’une des guerres les plus controversées du XXIe siècle, revient-il sur la scène diplomatique du Moyen-Orient ? Tony Blair, figure charismatique mais clivante, fait parler de lui avec son implication dans le plan ambitieux de Donald Trump pour mettre fin au conflit à Gaza. Ce retour soulève autant d’espoirs que de méfiance, dans une région où son passé en Irak continue de peser lourd. Plongeons dans cette initiative audacieuse, ses enjeux, et les réactions qu’elle suscite.
Tony Blair, un retour inattendu à Gaza
Le plan dévoilé récemment par l’administration Trump pour apaiser les tensions à Gaza place Tony Blair au cœur d’un comité de la paix chargé de superviser un gouvernement transitoire dans le territoire palestinien. À 72 ans, l’ancien dirigeant travailliste britannique, qui a marqué l’histoire politique du Royaume-Uni entre 1997 et 2007, n’est pas un novice dans la région. Mais son retour dans un rôle aussi stratégique surprend, tant son bilan au Moyen-Orient reste controversé.
Selon une experte interrogée, Blair a joué un rôle déterminant dans l’élaboration de ce projet. En août dernier, il s’est rendu à la Maison Blanche aux côtés de Jared Kushner, gendre de Trump, pour présenter une feuille de route visant à stopper les violences dans la bande de Gaza. Ce plan, qui ambitionne de redessiner l’avenir du territoire, repose sur une gouvernance transitoire et un effort de reconstruction. Mais pourquoi Blair, et pourquoi maintenant ?
Un homme de réseaux et d’expérience
Blair n’arrive pas les mains vides. Après avoir quitté le 10 Downing Street, il a occupé, jusqu’en 2015, le poste d’envoyé spécial du Quartet pour le Moyen-Orient, un groupe réunissant l’Union européenne, la Russie, les Nations unies et les États-Unis. Sa mission ? Faciliter les négociations de paix et soutenir le développement économique et institutionnel palestinien. Malgré des efforts, ce mandat n’a pas abouti à des avancées significatives, le processus de paix étant alors dans l’impasse.
Il a toujours gardé une place dans son cœur pour ce projet inachevé visant à apaiser ce conflit.
Ancien Premier ministre israélien, Ehud Barak
Blair bénéficie d’un atout majeur : son réseau. Il entretient des relations privilégiées avec les dirigeants des pays du Golfe, un facteur clé pour obtenir leur soutien dans ce plan. Sa capacité à mobiliser des acteurs régionaux et internationaux pourrait, en théorie, faire avancer les choses. Mais son passé continue de planer comme une ombre.
L’ombre de l’Irak : un passé qui divise
Pour beaucoup, le nom de Tony Blair reste indissociable de la guerre en Irak de 2003. Sa décision d’engager le Royaume-Uni aux côtés des États-Unis dans ce conflit, justifié par la prétendue présence d’armes de destruction massive, a profondément marqué les esprits. Ces armes n’ont jamais été trouvées, et l’invasion a déclenché des années de chaos. Au Royaume-Uni, des millions de manifestants ont dénoncé ce qu’ils percevaient comme un mensonge d’État.
Dans la région, cette réputation le suit. Un responsable palestinien, Moustafa Barghouti, a qualifié l’idée de confier un rôle à Blair d’absolument horrible. Pour lui, faire appel à une figure étrangère, surtout avec un tel passif, pour gérer les affaires palestiniennes est inacceptable. À Gaza, Hani Saad, un habitant de 41 ans vivant dans un camp de déplacés, partage cette méfiance :
Blair est connu pour mentir et ne servir qu’Israël et ses propres intérêts.
Hani Saad, habitant de Gaza
Pourtant, Blair n’a jamais présenté d’excuses publiques. En 2023, il défendait encore son action en Irak, affirmant que l’élimination de Saddam Hussein avait ouvert la voie à une tentative de démocratisation, malgré les conséquences désastreuses.
Un espoir de reconstruction pour Gaza ?
Si les critiques fusent, certains à Gaza voient en Blair une opportunité. Hiam Wafi, une habitante de Khan Younès, estime que son expérience et ses connexions internationales pourraient faciliter la reconstruction du territoire, dévasté par des années de conflit. Reconstruction et soutien international sont des mots qui résonnent dans un territoire où les besoins humanitaires sont immenses.
Le plan Trump envisage un gouvernement transitoire pour stabiliser Gaza, suivi d’un effort massif de reconstruction. Blair, avec son passé de médiateur et ses relations dans le Golfe, pourrait mobiliser des fonds et un soutien politique. Mais les défis sont colossaux :
- Stabilisation politique : Créer un gouvernement transitoire accepté par toutes les parties.
- Reconstruction : Restaurer les infrastructures détruites dans un territoire en ruines.
- Confiance : Surmonter la méfiance des habitants et des acteurs régionaux envers Blair.
- Coopération régionale : Convaincre les pays voisins de s’impliquer dans le processus.
Ces objectifs, bien que louables, semblent presque utopiques dans un contexte où les tensions restent vives et où la crédibilité de Blair est remise en question.
Une réputation en jeu
Le retour de Blair suscite des réactions tranchées, y compris au sein des instances internationales. Francesca Albanese, rapporteure des Nations unies pour les territoires palestiniens occupés, n’a pas mâché ses mots :
Tony Blair ? Pas question. Ne touchez pas à la Palestine.
Francesca Albanese, rapporteure de l’ONU
Elle va jusqu’à évoquer la Cour pénale internationale, reflétant l’opinion de ceux qui estiment que Blair devrait répondre de ses actions en Irak. Ce sentiment est partagé par de nombreux détracteurs, pour qui son implication dans un conflit aussi sensible que celui de Gaza est une provocation.
Un bilan contrasté mais un homme influent
Pourtant, il serait injuste de réduire Tony Blair à l’épisode irakien. Avant la guerre, il était l’un des Premiers ministres britanniques les plus populaires, réélu à trois reprises (1997, 2001, 2005). Son charisme et son pragmatisme ont marqué une époque d’optimisme au Royaume-Uni. En 1998, il a joué un rôle clé dans la signature des Accords du Vendredi saint, mettant fin à trois décennies de conflit en Irlande du Nord.
Ce succès diplomatique montre que Blair sait naviguer dans des situations complexes. Mais Gaza n’est pas l’Irlande du Nord. Les dynamiques du Moyen-Orient, marquées par des décennies de conflits et de méfiance, exigent une approche d’une finesse extrême. Blair peut-il relever ce défi, ou son passé risque-t-il de compromettre ses efforts ?
Les défis d’un plan ambitieux
Le plan Trump, avec Blair comme figure centrale, repose sur une vision audacieuse mais fragile. Pour réussir, il devra surmonter plusieurs obstacles :
Défis | Enjeux |
---|---|
Acceptation locale | Gagner la confiance des Palestiniens, sceptiques face à une figure associée à l’Irak. |
Coopération régionale | Impliquer les pays du Golfe et d’autres acteurs clés dans un effort collectif. |
Stabilité politique | Établir un gouvernement transitoire viable dans un contexte de divisions internes. |
Financement | Mobiliser des ressources pour reconstruire un territoire dévasté. |
Chaque défi est un test pour Blair et pour le plan dans son ensemble. La méfiance envers sa personne pourrait compromettre les efforts, même si son expérience et ses relations sont des atouts indéniables.
Vers un avenir incertain
Le retour de Tony Blair dans l’arène diplomatique du Moyen-Orient est un pari risqué. Pour certains, il incarne l’espoir d’une reconstruction et d’une stabilisation, grâce à son réseau et son expérience. Pour d’autres, son passé en Irak fait de lui une figure inacceptable, incapable de gagner la confiance des populations locales. Dans un territoire où chaque décision est scrutée, son rôle sera sous le feu des projecteurs.
Ce plan, porté par une administration controversée et un homme au passé tout aussi clivant, soulève une question essentielle : peut-on réécrire l’histoire d’un conflit aussi complexe avec des figures du passé ? L’avenir de Gaza, et peut-être celui de la région, en dépend.
Alors que les débats s’intensifient, une chose est sûre : Tony Blair devra faire preuve d’une habileté exceptionnelle pour transformer les critiques en opportunités. Le monde observe, et Gaza attend des réponses.