Imaginez-vous réveillé un matin, votre téléphone muet, internet inaccessible, les services bancaires à l’arrêt. En Afghanistan, ce scénario n’est pas une fiction, mais une réalité imposée depuis lundi par les autorités talibanes. Cette coupure nationale des télécommunications, qualifiée de « blackout total » par les experts, marque un tournant dans la gestion des technologies par le régime. Quelles sont les raisons derrière cette décision drastique, et quelles conséquences pour un pays déjà fragilisé ?
Un pays plongé dans le silence numérique
Depuis lundi, l’Afghanistan vit une déconnexion sans précédent. Vers 17h45 heure locale, les communications se sont brutalement interrompues, laissant des millions d’Afghans sans accès à internet ni aux services téléphoniques. Cette mesure, décidée par les talibans, intervient après plusieurs semaines de restrictions progressives. Mais pourquoi couper ainsi tout un pays du monde extérieur ?
Une décision aux racines idéologiques
Les talibans justifient cette coupure par un objectif clair : prévenir le vice. Selon un responsable anonyme, cette mesure s’inscrit dans une volonté de contrôler les flux d’information et de limiter l’accès à des contenus jugés contraires à leur interprétation stricte de la loi islamique. Depuis leur retour au pouvoir en 2021, les talibans ont multiplié les restrictions, mais c’est la première fois qu’ils imposent une coupure aussi radicale.
« Cette mesure a été prise pour prévenir le vice et d’autres dispositions suivront pour répondre aux besoins en connectivité. »
Porte-parole provincial, septembre 2025
Les premières restrictions ont débuté au début du mois, avec la suppression de l’internet par fibre optique dans plusieurs provinces. Des régions comme Balkh, Badakhshan, ou encore Kandahar ont vu leur connectivité réduite à néant. Cette stratégie progressive a culminé avec l’arrêt complet des 8 000 à 9 000 pylônes de télécommunications à l’échelle nationale.
Un blackout aux conséquences multiples
Ce blackout ne touche pas seulement les particuliers. Il paralyse des secteurs entiers de la société afghane. Voici les principaux impacts :
- Secteur bancaire : Les transactions numériques, essentielles pour les échanges quotidiens, sont à l’arrêt.
- Services douaniers : Les opérations d’import-export, vitales pour l’économie, sont gravement perturbées.
- Communication personnelle : Les Afghans ne peuvent plus contacter leurs proches, renforçant l’isolement.
- Éducation et travail : Les plateformes en ligne, utilisées pour l’apprentissage ou le télétravail, sont inaccessibles.
Netblocks, une organisation spécialisée dans la cybersécurité, a mesuré une chute de la connectivité à moins de 1 % de son niveau habituel. Ce chiffre illustre l’ampleur de la déconnexion, qualifiée de « blackout total ». Les services téléphoniques, souvent dépendants des mêmes infrastructures que l’internet, sont également touchés.
Une infrastructure autrefois vantée
Il est ironique de noter que l’Afghanistan avait mis en avant, en 2024, son réseau de fibre optique de 9 350 kilomètres comme une priorité nationale. Construit en grande partie sous les gouvernements précédents, ce réseau devait connecter le pays au reste du monde et stimuler son économie. Aujourd’hui, ce même réseau est saboté par une décision politique, coupant les ponts numériques avec l’extérieur.
La coupure de la fibre optique entraîne une interruption des services mobiles et fixes, car les deux partagent souvent les mêmes infrastructures. Selon Netblocks, maintenir les services téléphoniques tout en supprimant l’accès à internet représente un défi technique complexe, nécessitant des ajustements progressifs.
Un contrôle renforcé au détriment de la population
Depuis leur retour au pouvoir, les talibans imposent une vision rigoriste de la société. Cette coupure s’inscrit dans une série de mesures visant à limiter l’accès à l’information. Les réseaux sociaux, souvent utilisés pour partager des idées ou organiser des mouvements, sont particulièrement visés. En privant la population d’internet, les autorités renforcent leur emprise sur le récit national.
Mais ce contrôle a un coût. Les entreprises, déjà fragilisées par des années de conflit, peinent à fonctionner sans outils numériques. Les jeunes, qui utilisaient internet pour s’éduquer ou se connecter au monde, se retrouvent isolés. Même les communications de base, comme un appel à un proche, deviennent impossibles.
Les défis techniques d’un blackout partiel
Les talibans semblent vouloir maintenir certains services téléphoniques tout en supprimant l’internet. Cette approche, selon les experts, est complexe à mettre en œuvre. Les infrastructures afghanes, souvent limitées, reposent sur des lignes partagées. Couper l’une affecte nécessairement l’autre.
« Couper physiquement l’accès à internet par fibre optique entraîne également l’interruption des services de téléphonie fixe et mobile. »
Netblocks, septembre 2025
Les semaines précédant le blackout total ont été marquées par des connexions lentes ou intermittentes, signe que les autorités testaient peut-être leurs capacités à isoler certains services. Dans les provinces du nord et du sud, les habitants ont signalé des perturbations croissantes, rendant l’accès à internet quasi impossible.
Un impact économique et social profond
Ce blackout ne se limite pas à une question technique. Il aggrave les défis d’un pays déjà confronté à la pauvreté et à l’isolement international. Voici un aperçu des conséquences :
Secteur | Impact |
---|---|
Économie | Arrêt des transactions numériques et des échanges commerciaux. |
Société | Isolement des communautés, rupture des liens familiaux. |
Éducation | Interruption des cours en ligne et des ressources éducatives. |
Pour un pays cherchant à sortir de décennies de conflit, cette déconnexion risque de freiner les efforts de reconstruction. Les organisations humanitaires, qui dépendent d’internet pour coordonner l’aide, sont également impactées.
Vers un avenir incertain
Combien de temps durera ce blackout ? Selon les déclarations officielles, la coupure est en place « jusqu’à nouvel ordre ». Cette incertitude pèse lourd sur les Afghans, déjà confrontés à des défis quotidiens. Certains craignent que cette mesure ne devienne permanente, transformant l’Afghanistan en un pays encore plus isolé.
Pourtant, des voix s’élèvent pour rappeler l’importance d’internet dans le monde moderne. Il ne s’agit pas seulement d’un outil de communication, mais d’un levier pour l’éducation, l’économie et l’ouverture au monde. En coupant cet accès, les talibans prennent le risque d’aggraver la marginalisation de leur pays.
Ce blackout télécoms en Afghanistan soulève des questions fondamentales : jusqu’où ira le contrôle des autorités ? Et à quel prix pour la population ? Alors que le monde observe, l’Afghanistan s’enfonce dans un silence numérique dont les répercussions pourraient être durables.