Dans un peu plus de deux mois, le 28 décembre 2025, les Guinéens se rendront aux urnes pour élire leur nouveau président. Cette annonce, faite par décret à la télévision nationale, marque un tournant décisif dans une période de transition qui traîne depuis le coup d’État de septembre 2021. Mais derrière cette promesse électorale, les tensions politiques et les restrictions des libertés jettent une ombre sur l’avenir démocratique du pays. Que signifie ce scrutin pour la Guinée, l’un des pays les plus pauvres du monde, marqué par une histoire tumultueuse de coups d’État et de régimes autoritaires ?
Un Scrutin Très Attendu pour la Fin de la Transition
Depuis le renversement du président civil Alpha Condé en 2021, la Guinée vit sous le contrôle d’une junte militaire dirigée par le général Mamadi Doumbouya. Initialement, les militaires s’étaient engagés à rendre le pouvoir aux civils avant la fin de l’année 2024. Cet engagement n’a pas été tenu, suscitant des critiques tant au niveau national qu’international. L’annonce de la date du 28 décembre pour l’élection présidentielle constitue donc une étape majeure, mais aussi une source de questionnements.
Ce scrutin est censé clore une période de transition marquée par des bouleversements politiques. La semaine dernière, un référendum sur une nouvelle Constitution a été organisé, présenté comme un préalable indispensable au retour à l’ordre constitutionnel. Avec un taux d’approbation de 89,38 % pour le « oui », selon les résultats validés par la Cour suprême, ce référendum a ouvert la voie à l’organisation de l’élection présidentielle. Toutefois, la date des élections législatives reste, à ce jour, inconnue.
Le Référendum : Un Pas Vers la Démocratie ou une Manœuvre Politique ?
Le référendum constitutionnel, largement approuvé, a suscité des débats passionnés. La nouvelle Constitution remplace la Charte de la transition, un document établi par la junte après le coup d’État. Cette charte interdisait notamment aux membres de la junte de se présenter aux élections. Or, la nouvelle Constitution lève cette interdiction, alimentant les spéculations sur une possible candidature de Mamadi Doumbouya.
« L’organisation de ce référendum permet à la junte de répondre aux pressions internationales tout en consolidant son pouvoir », selon un observateur politique.
Pour beaucoup, ce référendum n’a été qu’une façade pour donner une légitimité à la junte. L’opposition, qui avait appelé au boycott, a dénoncé une « mascarade » avec des résultats prévisibles. Malgré un taux de participation officiel non précisé, le faible score du « non » (10,62 %) semble conforter cette idée. Mais au-delà des chiffres, ce sont les implications de cette nouvelle Constitution qui inquiètent.
Mamadi Doumbouya : Candidat Malgré ses Promesses ?
À 40 ans, Mamadi Doumbouya, figure centrale de la junte, dirige la Guinée d’une main de fer. Malgré sa promesse initiale de ne pas se présenter à l’élection présidentielle, plusieurs indices laissent penser qu’il pourrait être candidat. La levée de l’interdiction pour les membres de la junte de se présenter, inscrite dans la nouvelle Constitution, renforce cette hypothèse. Cette perspective divise profondément la société guinéenne.
L’opposition accuse le général de vouloir s’accrocher au pouvoir. Les restrictions imposées par la junte, telles que la suspension de partis politiques, l’interdiction des manifestations depuis 2022 et la répression des médias, alimentent ces critiques. De nombreux leaders de l’opposition et de la société civile ont été arrêtés, condamnés ou contraints à l’exil, tandis que des cas de disparitions forcées ont été signalés.
La communauté internationale observe avec inquiétude cette dérive autoritaire, appelant à la levée des restrictions avant le scrutin.
Une Dérive Autoritaire qui Inquiète
Depuis l’arrivée au pouvoir de la junte, les libertés fondamentales ont été sévèrement restreintes. Les manifestations, interdites depuis 2022, sont systématiquement réprimées. Plusieurs médias ont été suspendus, et des voix dissidentes ont été réduites au silence. Cette situation a attiré l’attention des organisations internationales, notamment le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits humains.
« Les interdictions visant les partis d’opposition et les médias sont tout simplement inacceptables », a déclaré Volker Türk, Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme.
Cette répression s’inscrit dans un contexte plus large où la Guinée cherche à se normaliser sur la scène internationale. Les autorités souhaitent renouer avec les organisations régionales, mais les restrictions imposées compliquent ces efforts. Le scrutin du 28 décembre sera donc un test crucial pour évaluer la volonté réelle de la junte de restaurer la démocratie.
Les Enjeux du Scrutin Présidentiel
L’élection présidentielle représente un espoir pour de nombreux Guinéens, lassés par des années d’instabilité politique. Cependant, plusieurs défis se posent :
- Transparence du scrutin : Les accusations de fraude lors du référendum laissent craindre un manque de transparence pour l’élection.
- Participation de l’opposition : Avec plusieurs partis suspendus, la question de la représentativité des candidats reste en suspens.
- Climat de répression : Les restrictions des libertés pourraient décourager la participation citoyenne.
- Pressions internationales : La communauté internationale, attentive, pourrait influencer le déroulement du scrutin.
En dépit de ces obstacles, l’élection offre une opportunité de tourner la page d’une transition militaire prolongée. La population guinéenne, confrontée à une pauvreté endémique, aspire à un retour à la stabilité et à une gouvernance plus inclusive.
Un Contexte Historique de Turbulences
La Guinée, riche en ressources naturelles mais parmi les pays les plus pauvres du monde, a une histoire marquée par les coups d’État et les régimes autoritaires. Depuis son indépendance en 1958, le pays a connu plusieurs périodes d’instabilité politique, souvent accompagnées de violences. Le coup d’État de 2021, qui a renversé Alpha Condé, s’inscrit dans cette lignée, mais il a également ravivé l’espoir d’un changement pour certains Guinéens.
Cet espoir s’est toutefois vite heurté à la réalité d’une gouvernance militaire stricte. La junte a multiplié les mesures autoritaires, suscitant des critiques tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Le scrutin du 28 décembre pourrait donc être un moment charnière, soit pour un retour à la démocratie, soit pour la consolidation du pouvoir militaire.
Quel Avenir pour la Guinée ?
À l’approche de l’élection, les Guinéens se trouvent à un carrefour. D’un côté, l’espoir d’un renouveau démocratique, avec un scrutin qui pourrait redonner la parole au peuple. De l’autre, la crainte d’une élection biaisée, orchestrée pour maintenir la junte au pouvoir. La communauté internationale, les organisations régionales et les citoyens guinéens eux-mêmes auront un rôle clé à jouer pour garantir un processus électoral juste et transparent.
Enjeu | Impact |
---|---|
Transparence électorale | Garantir un scrutin crédible pour restaurer la confiance. |
Libertés publiques | Lever les restrictions pour permettre une participation inclusive. |
Rôle de la junte | Déterminer si la junte cède le pouvoir ou cherche à le conserver. |
Le 28 décembre 2025 sera une date clé pour l’avenir de la Guinée. Alors que le pays se prépare à ce scrutin historique, les regards sont tournés vers Mamadi Doumbouya et sa junte. Respecteront-ils leur engagement de restaurer la démocratie, ou chercheront-ils à prolonger leur emprise sur le pouvoir ? Une chose est sûre : les Guinéens, malgré les défis, espèrent un avenir plus stable et prospère.