Dimanche dernier, les Guinéens se sont rendus aux urnes pour un référendum historique. Ce vote, tant attendu par la population et la communauté internationale, portait sur l’adoption d’une nouvelle Constitution. Ce scrutin marque-t-il un tournant pour ce pays d’Afrique de l’Ouest, ou n’est-il qu’une étape de plus dans une transition politique complexe ? Plongeons dans les détails de cet événement qui pourrait redéfinir l’avenir de la Guinée.
Un Référendum aux Enjeux Majeurs
Quatre ans après le coup d’État qui a porté les militaires au pouvoir, la Guinée a franchi une étape décisive avec ce référendum. La nouvelle Constitution, approuvée par une large majorité, vise à mettre fin à la transition militaire entamée en 2021. Mais derrière ce scrutin, les tensions politiques restent vives, et les critiques fusent, notamment de la part de l’opposition qui dénonce une manœuvre pour maintenir le chef de la junte au pouvoir.
Les résultats définitifs, annoncés par la Cour suprême vendredi soir, confirment une victoire écrasante du oui avec 89,38% des voix, contre 10,62% pour le non. Ces chiffres, retransmis en direct à la télévision nationale, ont été suivis de la promulgation immédiate de la Constitution par un décret du président de la junte, Mamadi Doumbouya. Ce moment marque une avancée, mais soulève aussi des questions sur l’avenir démocratique du pays.
Un Contexte Historique Chargé
La Guinée, l’un des pays les plus pauvres au monde, a une histoire marquée par des coups d’État et des régimes autoritaires. Depuis l’indépendance, les périodes de stabilité politique ont été rares, souvent interrompues par des violences ou des prises de pouvoir militaires. En 2021, Mamadi Doumbouya, alors colonel, a renversé le président civil Alpha Condé, promettant une transition rapide vers un gouvernement civil.
Cette promesse, initialement fixée à fin 2024, a suscité l’espoir d’une normalisation politique. Pourtant, les restrictions imposées par la junte – suspensions de partis, interdiction de manifestations, arrestations d’opposants – ont jeté un voile d’incertitude sur ces engagements. Le référendum, perçu comme une réponse aux pressions internationales, pourrait-il vraiment ouvrir la voie à une démocratie durable ?
« Ce référendum est une mascarade électorale, les résultats étaient connus d’avance », a dénoncé une coalition de l’opposition.
Les Résultats : Une Victoire Écrasante
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 89,38% des votants ont approuvé la nouvelle Constitution. Ce résultat, validé par la Cour suprême, reflète-t-il une réelle adhésion populaire ou un manque d’alternatives ? Malgré l’appel au boycott lancé par plusieurs leaders de l’opposition, la participation a été notable. De nombreux électeurs ont exprimé leur désir de sortir de l’instabilité politique qui paralyse le pays.
La Cour suprême a également rejeté un recours déposé par une coalition de partis d’opposition, qui demandait l’annulation du scrutin. Ce rejet, perçu comme un nouveau revers pour les opposants, renforce la position de la junte. Mais il alimente aussi les accusations de partialité et de manipulation électorale.
Chiffres clés du référendum :
- Oui : 89,38%
- Non : 10,62%
- Annonce : Vendredi soir, par la Cour suprême
- Promulgation : Décret présidentiel immédiat
Une Transition sous Haute Surveillance
La nouvelle Constitution remplace la Charte de la transition, un document instauré par la junte après le coup d’État. Cette charte interdisait aux membres de la junte de se présenter aux élections. Or, ce point a disparu dans le nouveau texte, ouvrant ainsi la voie à une potentielle candidature de Mamadi Doumbouya à la présidence. Cette évolution suscite des inquiétudes, notamment parmi les observateurs internationaux.
Le Premier ministre, Amadou Oury Bah, a qualifié le résultat du référendum de « mandat de confiance » pour organiser des élections avant la fin de l’année. Cependant, aucune date précise n’a été annoncée, laissant planer le doute sur la volonté réelle de la junte de céder le pouvoir. Les partenaires internationaux, dont la communauté économique régionale, attendent des garanties concrètes.
Une Société Divisée
Les électeurs guinéens sont partagés. Certains soutiennent la junte, voyant en Mamadi Doumbouya un leader capable de stabiliser le pays. D’autres, lassés par des années d’instabilité, aspirent à un retour rapide à un gouvernement civil. Les témoignages recueillis montrent cette fracture : certains votants ont exprimé leur espoir d’un renouveau, tandis que d’autres craignent une consolidation du pouvoir militaire.
Depuis 2021, la junte a imposé un climat de répression. Les manifestations, interdites depuis 2022, sont sévèrement réprimées. Plusieurs partis et médias ont été suspendus, et des figures de l’opposition ont été arrêtées ou contraintes à l’exil. Ce contexte de restriction des libertés fondamentales jette une ombre sur la légitimité du référendum.
« Les interdictions visant les partis et les médias sont tout simplement inacceptables », a déclaré Volker Türk, Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme.
Les Défis à Venir
La Guinée se trouve à un carrefour. La nouvelle Constitution, bien qu’adoptée, ne garantit pas un retour immédiat à la démocratie. Les élections promises d’ici la fin de l’année seront un test crucial. La communauté internationale, qui a soutenu le processus électoral, reste vigilante face aux dérives autoritaires potentielles.
Pour les Guinéens, les enjeux sont immenses. La pauvreté, l’instabilité politique et les restrictions des libertés continuent de peser sur le quotidien. Le référendum, bien que marquant une étape, ne répond pas à toutes les attentes. La question demeure : ce scrutin ouvrira-t-il la voie à une véritable transition démocratique, ou consolidera-t-il le pouvoir de la junte ?
Défi | Description |
---|---|
Organisation des élections | Planifier des scrutins libres et transparents avant fin 2025. |
Libertés fondamentales | Lever les restrictions sur les partis, médias et manifestations. |
Confiance populaire | Restaurer la foi des citoyens en un processus démocratique. |
Un Regard vers l’Avenir
Le référendum guinéen, bien qu’historique, ne marque que le début d’un long chemin. La junte, sous la pression internationale, doit maintenant prouver sa volonté de respecter ses engagements. Les Guinéens, eux, attendent des actions concrètes pour sortir de l’impasse politique et économique. Ce scrutin, bien que validé, reste entouré de suspicions. L’avenir dira si cette nouvelle Constitution sera le socle d’une démocratie renaissante ou d’un pouvoir prolongé.
Pour l’heure, les regards se tournent vers les prochaines élections. Seront-elles le signe d’un renouveau démocratique, ou une simple formalité pour consolider le pouvoir en place ? Les mois à venir seront décisifs pour la Guinée, un pays à la croisée des chemins entre espoir et incertitude.