Imaginez un père, seul face au Parlement grec, affaibli par douze jours sans nourriture, mais porté par une détermination inébranlable. Panos Ruci, 48 ans, campe sur le parvis de l’édifice emblématique d’Athènes, entouré de fleurs, de bougies et de messages en hommage aux victimes d’une tragédie qui a secoué la Grèce. Son combat ? Obtenir la vérité sur la mort de son fils Denis, emporté à 22 ans dans la pire catastrophe ferroviaire du pays, survenue le 28 février 2023. Cette quête, à la fois intime et universelle, révèle les failles d’un système et la douleur d’un peuple en quête de justice.
Une tragédie qui hante la Grèce
Le 28 février 2023, la Grèce a été plongée dans le deuil. Une collision frontale entre un train de passagers et un train de marchandises près de Tempé, dans le centre du pays, a coûté la vie à 57 personnes. Parmi elles, Denis, le fils de Panos Ruci, un jeune homme de 22 ans au sourire éclatant. L’accident, d’une violence inouïe, a mis en lumière des défaillances graves dans les systèmes de sécurité ferroviaire. Comment deux trains ont-ils pu se retrouver sur la même voie pendant plusieurs minutes sans qu’aucun signal d’alerte ne soit déclenché ? Cette question hante encore les familles des victimes et alimente une colère collective.
Depuis ce jour tragique, des centaines de milliers de Grecs sont descendus dans les rues, réclamant des réponses. La défiance envers les autorités, accusées de négligence, est palpable. Le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a qualifié l’événement de traumatisme national, mais pour beaucoup, ces mots ne suffisent pas à apaiser la douleur ni à rétablir la confiance.
La grève de la faim : un cri pour la vérité
Face au Parlement, sur la tombe du soldat inconnu, Panos Ruci a transformé son chagrin en acte de résistance. Depuis douze jours, il refuse de s’alimenter, exigeant l’exhumation du corps de son fils pour s’assurer que les restes qu’il a enterrés sont bien les siens. Sur une pancarte, il écrit : “J’exige dès maintenant l’autorisation d’exhumation par le procureur.” Sa voix, affaiblie par la faim, porte pourtant un message clair : il veut la vérité.
“Je suis très fatigué. Ce qui m’importe, c’est juste d’obtenir la vérité sur ce qui est arrivé à nos enfants.”
Panos Ruci, père en grève de la faim
Chaque jour, des citoyens, des syndicalistes et même des hommes politiques viennent lui apporter leur soutien. Des chauffeurs de taxi, des passants, des jeunes comme Vassilis, 22 ans, se rassemblent autour de lui. Ce dernier, indigné, confie : “Cette catastrophe reflète toute la situation de décrépitude dans laquelle se trouve notre pays.” Le mémorial improvisé, orné de fleurs et de bougies, devient un symbole de deuil et de révolte.
Des failles dans l’enquête
L’enquête sur l’accident, clôturée fin août 2025, laisse un goût amer. Les familles des victimes, dont Maria Karystianou, présidente de leur association, dénoncent des irrégularités. Une chape de béton coulée sur le site de la collision peu après le drame aurait fait disparaître des preuves cruciales. Pire, des analyses toxicologiques n’ont pas été réalisées pour vérifier si le train transportait des produits chimiques non déclarés. Maria Karystianou, elle aussi, demande l’exhumation du corps de sa fille, pointant l’absence de tests ADN dans le dossier.
Plus de 40 personnes, dont le chef de gare responsable de l’aiguillage et deux hauts fonctionnaires, dont un ancien ministre des Transports, ont été poursuivies. Pourtant, pour les familles, ces poursuites ne suffisent pas à établir la vérité. Pourquoi les systèmes de sécurité, obsolètes, n’ont-ils pas été modernisés ? Pourquoi l’enquête semble-t-elle avoir été bâclée ? Ces questions alimentent une méfiance profonde envers les institutions.
Un peuple uni dans la douleur
Le combat de Panos Ruci n’est pas isolé. Il incarne la douleur et la colère d’une nation. Sur le parvis du Parlement, les noms des 57 victimes, inscrits à la peinture rouge sur le sol, rappellent l’ampleur du drame. Chaque jour, des citoyens se joignent à lui, comme Petros Diplaris, vice-président de l’Association des chauffeurs de taxi de l’Attique, qui déclare : “Nous laissons de côté nos propres problèmes pour être aux côtés d’un père qui mène la bataille la plus difficile de sa vie.”
Les chiffres clés de la tragédie
- 57 victimes dans la collision ferroviaire.
- 28 février 2023 : date de l’accident à Tempé.
- 12 jours de grève de la faim pour Panos Ruci.
- 40+ personnes poursuivies dans l’enquête.
La mobilisation citoyenne dépasse le cadre du deuil. Elle reflète une frustration plus large envers un système perçu comme défaillant. Kostas Kapis, un sexagénaire, exprime cette colère : “Plus de deux ans après, nous ne savons pas exactement ce qu’il s’est passé !” Pour beaucoup, cette tragédie est le symptôme d’un mal plus profond : un manque de confiance dans les institutions publiques, des transports à l’éducation en passant par la santé.
Une lueur d’espoir ?
Face à la détermination de Panos Ruci, une première victoire a été obtenue. La procureure de Larissa a accepté, vendredi dernier, la demande d’exhumation du corps de son fils. Les autres requêtes des familles seront examinées ultérieurement. Cette décision, bien que partielle, redonne espoir à ceux qui se battent pour la vérité. Mais pour Panos, affaibli physiquement, le chemin est encore long. “Depuis deux ans et demi, je suis incapable de trouver justice…”, confie-t-il, le regard marqué par l’épuisement.
Le gouvernement, par la voix de son porte-parole Pavlos Marinakis, a exprimé sa solidarité “humaine” envers ce père en détresse, tout en rappelant qu’il ne peut interférer dans les procédures judiciaires. Une réponse qui, pour beaucoup, manque de concret.
Un combat qui dépasse les frontières
L’histoire de Panos Ruci résonne au-delà de la Grèce. Elle touche à des questions universelles : la quête de justice, le poids du deuil, la responsabilité des institutions. Cette tragédie met en lumière les conséquences dramatiques de la négligence dans les infrastructures publiques. Combien de temps faudra-t-il pour que les familles obtiennent des réponses ? Combien de drames similaires pourraient être évités avec des systèmes de sécurité modernes ?
Pour Vassilis, jeune Grec de 22 ans, cette catastrophe est un miroir de l’état du pays : “Nous ne pouvons pas avoir confiance dans les transports publics, sans parler de l’hôpital ou de l’école publics.” Son témoignage, chargé d’indignation, reflète le sentiment d’une génération qui se sent trahie par un système en déclin.
Vers une prise de conscience collective
Le combat de Panos Ruci et des familles des victimes pourrait marquer un tournant. Leur détermination à obtenir justice pousse la société grecque à s’interroger sur ses priorités. La modernisation des infrastructures, la transparence des enquêtes et la responsabilité des décideurs sont désormais au cœur du débat public. Ce mouvement, né dans la douleur, pourrait inspirer des réformes profondes.
“Cette histoire me révolte. Plus de deux ans après, nous ne savons pas exactement ce qu’il s’est passé !”
Kostas Kapis, citoyen grec
En attendant, Panos Ruci continue son combat, entouré de ceux qui partagent sa quête de vérité. Son courage, face à l’épuisement et à l’incertitude, est un puissant rappel de la force de l’amour parental et de la résilience humaine. Sur le parvis du Parlement, les bougies continuent de brûler, et les noms des victimes, inscrits en rouge, restent un cri silencieux pour la justice.
Un appel à la mémoire
Les fleurs et les bougies déposées devant le Parlement grec ne sont pas seulement un hommage aux victimes. Elles sont un symbole de la lutte pour la vérité, un rappel que chaque vie perdue mérite des réponses.
Ce drame, bien plus qu’un accident, est une plaie ouverte dans le cœur de la Grèce. Il interroge la capacité d’un pays à protéger ses citoyens et à rendre justice à ceux qui ont tout perdu. Pour Panos Ruci, pour les familles des victimes et pour tout un peuple, la quête de vérité ne s’arrêtera pas tant que les réponses ne seront pas apportées.