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Kénya : Une Secte Meurtrière Frappé à Nouveau

34 corps déterrés à Binzaro, un village reculé du Kénya. Une secte meurtrière frappe encore, deux ans après Shakahola. Quel est ce réseau macabre ?

Dans un coin reculé de la côte kényane, un frisson d’horreur parcourt les habitants de Binzaro. Trente-quatre corps, récemment exhumés d’un terrain vague, ravivent un cauchemar que le pays pensait avoir laissé derrière lui. Deux ans après le massacre de Shakahola, où des centaines de fidèles d’une secte ont péri, un nouveau drame semble confirmer la persistance d’un réseau macabre. Qui sont ces victimes ? Et pourquoi ce fléau continue-t-il de hanter le Kénya ?

Un Nouveau Chapitre d’Horreur à Binzaro

À Binzaro, un hameau modeste de 140 foyers, la découverte macabre de 34 dépouilles et 102 fragments de corps a secoué la communauté. Ce village, niché dans une végétation aride où l’eau courante reste un luxe, est devenu le théâtre d’un drame aussi glaçant que celui de Shakahola en 2023. Les corps, enterrés individuellement sous une fine couche de terre et de branchages, portent les stigmates d’une violence organisée. Les hyènes, attirées par les sépultures peu profondes, ont dispersé des ossements, rendant l’identification des victimes encore plus complexe.

Victor Kaudo, un défenseur local des droits humains, ne cache pas son effroi : « Il y a tellement, tellement de tombes. » Ce militant, qui avait déjà participé aux exhumations de Shakahola, décrit une scène où la mort semble avoir été méticuleusement dissimulée. Contrairement aux fosses communes du premier massacre, les sépultures de Binzaro sont individuelles, une méthode qui, selon certains, témoigne d’une volonté de brouiller les pistes.

« Il y a tellement, tellement de tombes. »

Victor Kaudo, militant des droits humains

Shakahola : Le Précédent Meurtrier

Pour comprendre Binzaro, il faut remonter à 2023, dans la forêt de Shakahola. Là, environ 450 corps avaient été découverts, victimes d’une secte dirigée par Paul Nthenge Mackenzie, un ancien chauffeur de taxi devenu pasteur autoproclamé. Ce dernier, accusé d’avoir poussé ses adeptes à jeûner jusqu’à la mort pour « rencontrer Jésus », avait semé la terreur dans un pays où les églises évangéliques prolifèrent sans régulation. Le traumatisme national avait été immense, d’autant plus que la côte kényane, célèbre pour ses plages paradisiaques, semblait à l’abri de telles horreurs.

La pauvreté, omniprésente dans l’intérieur des terres, a joué un rôle clé. Dans des villages comme Binzaro, où les conditions de vie sont précaires, les promesses de salut spirituel attirent des âmes désespérées. Mackenzie exploitait cette vulnérabilité, manipulant ses fidèles avec des discours apocalyptiques. Deux ans plus tard, Binzaro semble indiquer que ses idées, ou celles de ses disciples, n’ont pas disparu.

Une Secte Toujours Active ?

En juillet, un fidèle a réussi à s’échapper de Binzaro, révélant l’horreur : certains de ses enfants auraient péri sous l’emprise de la secte. Cette fuite a déclenché une enquête policière, qui a conduit à la découverte des corps. Onze personnes, dont d’anciens membres de la secte de Shakahola, ont été arrêtées. Parmi elles, Sharleen Temba Anido, soupçonnée d’être l’instigatrice du massacre de Binzaro. Selon les autorités, son mari serait lui-même mort en raison de ses croyances extrêmes.

Les enquêteurs décrivent un modus operandi discret mais efficace. Les fidèles étaient transportés de nuit, par petits groupes, depuis une base à Malindi, une ville touristique de la côte. « Ceux qui entraient ne ressortaient pas », confie Robert Kiinge, officier de la direction des enquêtes criminelles. Cette organisation clandestine, combinée à l’isolement géographique de Binzaro, a permis à la secte d’agir dans l’ombre.

Fait marquant : Les corps de Binzaro étaient enterrés individuellement, contrairement aux fosses communes de Shakahola, suggérant une évolution des méthodes pour dissimuler les crimes.

Une Enquête en Suspens

Les fouilles à Binzaro ont été interrompues en août, officiellement en attente de nouveaux éléments. Mais Victor Kaudo conteste cette version, affirmant que les autorités ont identifié d’autres tombes mais manquent de place dans les morgues. Cette pause suscite l’inquiétude : combien de victimes restent à découvrir ? Et pourquoi les investigations semblent-elles ralentir ?

Les accusés, dont Sharleen Temba Anido, ont comparu devant le tribunal de Malindi. Visage fermé, Anido est poursuivie pour meurtre, radicalisation et crime organisé. Les documents judiciaires suggèrent que la secte aurait appris des erreurs de Shakahola, adoptant des techniques plus sophistiquées pour masquer ses agissements. Un avocat impliqué dans l’affaire, sous couvert d’anonymat, note : « Ils ont observé le premier procès et se sont adaptés. »

« Ils ont observé le premier procès et se sont adaptés. »

Un avocat anonyme

Pourquoi la Côte Kényane ?

La région côtière du Kénya, malgré son image de carte postale, est un terrain fertile pour ce type de dérives. Les terres inoccupées, souvent vendues par des intermédiaires peu scrupuleux, offrent un refuge idéal pour les groupes extrémistes. Les habitants de Binzaro, interrogés, affirment n’avoir rien soupçonné de l’activité sectaire à la lisière de leur village. Cette discrétion, couplée à l’isolement, permet à ces groupes de prospérer loin des regards.

Simon, un habitant de 32 ans, exprime une peur partagée : « Nous avions Shakahola Un, puis Shakahola Deux. Nous aurons Shakahola Trois. » Cette crainte d’une récurrence reflète l’incapacité du pays à enrayer le problème à la racine. Les autorités, critiquées pour leur inaction, peinent à réguler les innombrables églises évangéliques qui pullulent dans le pays.

Un Problème Systémique

Victor Kaudo pointe du doigt les responsables politiques, accusés de fermer les yeux par calcul électoral. Dans un pays majoritairement chrétien, réglementer les églises pourrait aliéner une large partie de l’électorat. « Si nous réglementons l’Église, qui va voter pour nous ? » résume-t-il avec amertume. Cette réticence, combinée à l’absence de programmes de déradicalisation, laisse le champ libre aux mouvements extrémistes.

Un enquêteur, sous couvert d’anonymat, alerte sur l’existence d’un « grand réseau » de fidèles radicalisés, toujours en communication. « Ils ont subi un lavage de cerveau », affirme-t-il, soulignant le danger d’une nouvelle vague de violences. Sans une action concertée, le cycle de mort risque de se perpétuer.

Événement Lieu Nombre de victimes Méthode
Massacre de 2023 Shakahola ~450 Fosses communes
Massacre de 2025 Binzaro 34+ fragments Sépultures individuelles

Vers une Solution ?

Face à ce fléau, les solutions semblent lointaines. La régulation des cultes, promise après Shakahola, reste lettre morte. Les programmes de déradicalisation, pourtant essentiels, brillent par leur absence. Les habitants, eux, vivent dans la peur d’un « Shakahola Trois ». Pourtant, des voix comme celle de Victor Kaudo appellent à l’action, plaidant pour une prise de conscience collective et une réforme profonde du système.

Le Kénya, tiraillé entre ses aspirations modernes et ses défis structurels, doit faire face à cette menace insidieuse. La persistance de ces sectes, alimentée par la pauvreté et l’absence de contrôle, met en lumière les fractures d’une société où la foi, parfois, devient une arme. Combien de temps faudra-t-il pour briser ce cycle ?

En résumé :

  • 34 corps découverts à Binzaro, liés à une secte héritière de Shakahola.
  • Les sépultures individuelles marquent une évolution des méthodes criminelles.
  • La pauvreté et l’absence de régulation favorisent ces dérives.
  • Les enquêtes piétinent, tandis que le risque d’un nouveau massacre plane.

Le drame de Binzaro n’est pas qu’une tragédie locale. Il interroge la capacité d’un pays à protéger ses citoyens face à des idéologies destructrices. Alors que les tombes s’accumulent, une question demeure : le Kénya saura-t-il tirer les leçons de Shakahola pour éviter un nouveau cauchemar ?

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