Le cinéma français est ébranlé par une déferlante d’accusations de violences sexuelles visant deux de ses réalisateurs emblématiques, Benoît Jacquot et Jacques Doillon. Figures de proue de la Nouvelle Vague, héritiers proclamés des grands noms comme Truffaut ou Godard, ils sont aujourd’hui rattrapés par le mouvement #MeToo et ses révélations fracassantes.
L’actrice Judith Godrèche dénonce des viols
C’est un témoignage qui fait l’effet d’une bombe. Invitée sur France Inter, la comédienne Judith Godrèche, 51 ans, a accusé Benoît Jacquot et Jacques Doillon de l’avoir violée lorsqu’elle était mineure. Elle évoque une relation d’emprise avec Jacquot, de 25 ans son aîné, débutée à l’âge de 14 ans. Quant à Doillon, elle l’accuse d’abus sexuels lors du tournage de La fille de 15 ans en 1989, alors qu’elle n’avait que 16 ans.
Je suis tombée sous l’emprise d’un homme de 40 ans, qui m’a séduite et manipulée. Cette histoire a duré des années. J’ai mis du temps à comprendre que j’étais une victime.
– Judith Godrèche
Jacquot et Doillon en garde à vue
Suite à la plainte déposée par l’actrice, les deux réalisateurs ont été placés en garde à vue lundi 1er juillet. Ils sont entendus par la Brigade de protection des mineurs pour «viols sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité» et «agressions sexuelles». Des faits qui remontent aux années 80 et 90 mais qui ne seraient pas prescrits.
Benoît Jacquot et Jacques Doillon nient catégoriquement les accusations portées contre eux. Par la voix de leurs avocates, ils ont fait savoir qu’ils contestaient fermement la version de Judith Godrèche et ont demandé à être entendus au plus vite pour s’expliquer.
Le milieu du cinéma sous le choc
Cette affaire ébranle tout le cinéma français. Benoît Jacquot comme Jacques Doillon sont des réalisateurs reconnus, multi-récompensés, qui ont révélé de nombreuses actrices. Leur univers est peuplé de très jeunes femmes, filmées avec un regard souvent dérangeant, entre fascination et domination.
D’autres comédiennes ont témoigné de méthodes de travail problématiques, d’un climat malsain, voire de harcèlement, sur les tournages de Jacquot. Julia Roy et Isild Le Besco évoquent des violences verbales et physiques. Le tout sur fond de révolution sexuelle post-68 et de rapport de forces déséquilibré entre réalisateurs puissants et jeunes actrices vulnérables.
Vers un grand déballage ?
Cette affaire Jacquot/Doillon pourrait n’être que la partie émergée de l’iceberg. D’autres grands noms du cinéma français sont sur la sellette depuis quelques mois. On pense à Gérard Depardieu, accusé de viols par plusieurs femmes, à Luc Besson, soupçonné d’agressions sexuelles, ou encore à Christophe Ruggia, condamné pour atteinte sexuelle sur mineure.
Comme à Hollywood avec l’affaire Weinstein, le cinéma tricolore semble à son tour rattrapé par ses vieux démons. Entre abus de pouvoir, emprise et climat d’impunité, le monde du 7ème art vacille sur ses bases.
Je pense qu’on n’a vu que le début du scandale. Il va y avoir un grand déballage, et c’est tant mieux. Il est temps que le milieu du cinéma fasse son examen de conscience.
– Une actrice sous couvert d’anonymat
L’affaire Jacquot/Doillon pourrait donc ouvrir la boîte de Pandore et encourager d’autres victimes à sortir du silence. De quoi provoquer une véritable onde de choc dans le cinéma français, à l’image de la vague #MeToo aux États-Unis.
Reste à savoir quelles suites judiciaires seront données à ces accusations. La justice doit maintenant démêler le vrai du faux dans des affaires anciennes et complexes, où la parole des victimes se confronte souvent à celle d’hommes de pouvoir.
Une chose est sûre : le cinéma français ne ressortira pas indemne de ces révélations. C’est toute une culture, faite de domination masculine et de brouillage des limites, qui est remise en cause. Une prise de conscience douloureuse mais salutaire, pour que le 7ème art se réinvente dans le respect de tous et toutes.