Imaginez un mouvement qui, malgré une guerre dévastatrice et la perte de son chef emblématique, continue de payer ses combattants, de soutenir des milliers de familles et de faire fonctionner un vaste réseau d’institutions. Au Liban, un an après un conflit meurtrier avec Israël, le Hezbollah, bien que sous pression, semble défier les attentes. Comment ce groupe, souvent qualifié de « géant blessé », parvient-il à maintenir son influence financière et sociale dans un pays en crise ? Cet article plonge dans les rouages d’un système complexe, entre résilience, pressions internationales et stratégies d’adaptation.
Un Mouvement Affaibli mais Toujours Opérationnel
Le 27 septembre 2024, un bombardement israélien a bouleversé le Hezbollah en éliminant son ancien chef, Hassan Nasrallah. Ce coup dur, ajouté à une guerre qui a ravagé des milliers d’habitations, aurait pu mettre à genoux n’importe quelle organisation. Pourtant, un an après, le mouvement libanais, soutenu par l’Iran, continue de fonctionner. Ses combattants reçoivent toujours des salaires mensuels, et son réseau d’écoles, d’hôpitaux et d’organisations communautaires reste actif. Comment est-ce possible dans un contexte de crise économique et de surveillance internationale accrue ?
Un Empire Financier sous Pression
Le Hezbollah est bien plus qu’une milice armée. Il est aussi un acteur économique majeur, souvent décrit comme l’un des plus grands employeurs du Liban. Selon des experts, le mouvement gère un réseau impressionnant d’institutions qui servent sa base, principalement la communauté chiite. Ces institutions incluent :
- Des écoles offrant une éducation à des milliers d’enfants.
- Des hôpitaux fournissant des soins à des populations souvent négligées par l’État.
- Des organisations caritatives soutenant les familles des combattants et des civils.
Malgré la guerre, ces services continuent de fonctionner. Les combattants, par exemple, perçoivent entre 500 et 700 dollars par mois, un montant bien supérieur au salaire minimum libanais. Les familles des combattants tués, souvent appelés martyrs, reçoivent des aides pour couvrir des dépenses essentielles comme le loyer. Cette résilience financière intrigue autant qu’elle inquiète les observateurs internationaux.
Le Hezbollah prospère dans une économie faible, instable et basée sur le cash.
Sami Zoughaib, chercheur au Policy Initiative
Un Système de Financement Opaque
Le financement du Hezbollah repose sur un système complexe et difficile à tracer. Selon un émissaire américain, le groupe recevrait environ 60 millions de dollars par mois, bien que la source de ces fonds reste floue. Des témoignages anonymes confirment que les paiements aux combattants et aux familles sont effectués en espèces, une pratique courante dans un pays où le système bancaire s’est effondré en 2019. Mais d’où vient cet argent ?
Plusieurs pistes sont évoquées :
- Soutien iranien : L’Iran reste le principal bailleur de fonds du Hezbollah, bien que les flux financiers soient désormais sous haute surveillance.
- Affaires locales et internationales : Le mouvement tirerait des revenus de ses activités économiques au Liban et à l’étranger, notamment en Irak.
- Réseaux caritatifs : Des fonds provenant de dons ou d’organisations affiliées, parfois sous forme de cryptomonnaies, alimenteraient ses caisses.
Ces revenus permettent au Hezbollah de maintenir son emprise, même sous la pression d’une campagne internationale visant à asphyxier ses finances. Les États-Unis, par exemple, ont sanctionné Al-Qard al-Hassan, une institution financière liée au mouvement, accusée de servir de façade pour ses opérations.
Al-Qard al-Hassan : Une Institution Clé
Al-Qard al-Hassan, souvent comparée à une banque parallèle, est un pilier du système financier du Hezbollah. Très populaire auprès des chiites libanais, elle propose des prêts en dollars contre des dépôts en or, une pratique qui a explosé après l’effondrement bancaire de 2019. Malgré les sanctions américaines et une interdiction de la Banque centrale libanaise en juillet 2025, l’institution continue d’opérer, selon des témoignages. Une cliente anonyme a raconté avoir remboursé son prêt et récupéré son or, malgré des craintes initiales.
Cette résilience est remarquable, surtout après les bombardements israéliens qui ont visé certains de ses bureaux. Mais elle illustre aussi la difficulté pour les autorités internationales de démanteler un système profondément enraciné dans la société libanaise.
Une Surveillance Internationale Renforcée
Depuis la fin de la guerre en novembre 2024, le Liban, sous la pression d’un gouvernement soutenu par la communauté internationale, a intensifié ses efforts pour contrôler les flux financiers. Les vols en provenance d’Iran, accusés d’acheminer des fonds en espèces, ont été suspendus en février 2025 après des menaces israéliennes. À l’aéroport de Beyrouth, les passagers en provenance de pays comme l’Irak subissent des fouilles renforcées.
Pourtant, le Hezbollah semble s’adapter. Selon des experts, le mouvement utilise des réseaux complexes pour contourner les restrictions :
- Transferts via des hommes d’affaires affiliés à l’étranger.
- Utilisation de cryptomonnaies pour des transactions discrètes.
- Fonds acheminés par des vols commerciaux avant leur suspension.
Ces stratégies permettent au Hezbollah de maintenir ses opérations, même dans un environnement hostile. Mais les accusations de financement par des activités illégales, comme le trafic de captagon, une amphétamine de synthèse, persistent, bien que le mouvement les rejette fermement.
Un Réseau Social Toujours Actif
Outre son rôle militaire et financier, le Hezbollah reste un acteur social incontournable. Après la guerre, le mouvement a déboursé environ un milliard de dollars pour aider 50 000 familles dont les maisons ont été détruites ou endommagées. Ces aides couvrent des besoins essentiels comme le loyer ou les réparations. Cependant, contrairement à 2006, le Hezbollah n’a pas pris en charge la reconstruction complète des habitations, laissant cette responsabilité au gouvernement libanais.
Le Hezbollah a déboursé un milliard de dollars pour soutenir les familles touchées par la guerre.
Un responsable anonyme du mouvement
Cette décision reflète peut-être une stratégie d’adaptation face aux contraintes financières, mais elle montre aussi la capacité du mouvement à mobiliser des ressources rapidement. Les écoles et hôpitaux du Hezbollah continuent également de fonctionner, renforçant son image de protecteur auprès de sa base.
Les Défis Géopolitiques
La chute de Bachar al-Assad en décembre 2024, un allié clé du Hezbollah, a porté un coup dur au mouvement. La frontière poreuse entre le Liban et la Syrie était une voie essentielle pour le transfert d’armes et d’argent liquide. Selon Joseph Daher, chercheur spécialisé, cette perte constitue « le plus grand revers » pour le Hezbollah. Pourtant, le mouvement continue de s’appuyer sur des réseaux internationaux, notamment en Irak et via des hommes d’affaires affiliés, pour maintenir ses revenus.
Le tableau suivant résume les principaux défis auxquels le Hezbollah fait face :
Défi | Impact |
---|---|
Sanctions internationales | Limitation des flux financiers, notamment via Al-Qard al-Hassan. |
Surveillance des vols | Réduction des transferts d’argent en espèces depuis l’Iran. |
Chute d’Assad | Perte d’une route clé pour les fonds et les armes. |
Une Résilience à Toute Épreuve ?
Le Hezbollah, malgré les pressions, reste un acteur incontournable au Liban. Sa capacité à payer ses combattants, à soutenir les familles et à maintenir ses institutions montre une résilience impressionnante. Mais cette résilience a un coût. Les sanctions, la surveillance accrue et la perte d’alliés stratégiques comme la Syrie fragilisent son modèle. Pour combien de temps le mouvement pourra-t-il tenir ?
Le Hezbollah s’appuie sur une combinaison unique de soutien populaire, d’ingéniosité financière et d’adaptabilité. Mais dans un Liban en crise, où l’économie reste fragile et les tensions géopolitiques omniprésentes, l’avenir du mouvement reste incertain. Une chose est sûre : son histoire est loin d’être terminée.
Que pensez-vous de cette capacité du Hezbollah à résister malgré les défis ? La communauté internationale parviendra-t-elle à démanteler son empire financier, ou le mouvement continuera-t-il à s’adapter ?