Pourquoi une communauté, forte de 500 000 âmes en France, se sent-elle si profondément déçue par son président ? La question taraude alors que des voix s’élèvent, amères, au sein de la communauté juive française. Les critiques pleuvent sur les récentes décisions d’Emmanuel Macron, notamment l’annonce d’une reconnaissance imminente d’un État palestinien, perçue comme un coup dur par beaucoup. Cette fracture, qui s’est creusée au fil des ans, repose sur des attentes brisées et des gestes jugés insuffisants face à une montée inquiétante de l’antisémitisme.
Une Confiance Ébranlée par des Choix Controversés
Le lien entre Emmanuel Macron et la communauté juive française semblait pourtant prometteur à ses débuts. En 2018, il marque les esprits en devenant le premier président à assister à une cérémonie de vœux pour Roch Hachana à la Grande synagogue de Paris. Ce geste, empreint de symbolisme, avait alors suscité un élan d’espoir. Mais aujourd’hui, cet élan s’est mué en désillusion, alimentée par des décisions perçues comme des trahisons.
Parmi les griefs, l’absence de Macron à la marche contre l’antisémitisme de novembre 2023 reste un point de rupture majeur. Alors que des milliers de personnes défilaient pour dénoncer la recrudescence des actes antisémites, le président, estimant qu’un chef d’État ne devait pas participer à une manifestation, brille par son absence. Ce choix, bien que justifié par certains comme une posture institutionnelle, a profondément marqué les esprits.
« Il y a eu un rendez-vous raté majeur avec le président de la République lors de cette absence à la marche, qui a laissé beaucoup plus de traces qu’on pouvait imaginer. »
Yonathan Arfi, président du Crif
Une Reconnaissance Controversée de l’État Palestinien
L’annonce de la reconnaissance d’un État palestinien, prévue pour le 22 septembre 2025, coïncidant avec Roch Hachana, a jeté de l’huile sur le feu. Pour beaucoup, ce calendrier est perçu comme une maladresse, voire une provocation. « Ce n’est pas Macron qui a choisi la date, mais ça tombe mal », déplore Sarah Aizenman, membre du collectif Nous Vivrons. Cette décision, selon elle, risque d’exacerber les tensions dans un contexte où l’antisémitisme connaît une flambée alarmante.
Un sondage récent révèle que seuls 29 % des Français soutiennent une reconnaissance immédiate et sans conditions d’un État palestinien. Pour la communauté juive, cette annonce soulève des questions brûlantes : sur quel territoire cet État serait-il établi ? Avec quel gouvernement ? Et pourquoi cette reconnaissance intervient-elle sans attendre la libération des otages retenus par le Hamas ?
Chiffre clé : Selon un sondage Ifop, seulement 29 % des Français sont favorables à une reconnaissance immédiate d’un État palestinien sans conditions.
Un Sentiment de Trahison chez les Électeurs
Pour beaucoup, le sentiment de trahison est d’autant plus fort que les attentes étaient élevées. Isaac, 73 ans, qui avait voté pour Macron, exprime son désarroi : « Sur quel territoire, avec quel gouvernement ? Macron n’attend même pas la libération des otages comme il l’avait dit. » Ce sentiment est partagé par d’autres, qui reprochent au président un manque d’action concrète pour la sécurité des Juifs en France.
En octobre 2024, les critiques se sont intensifiées lorsque Macron a appelé à l’arrêt des livraisons d’armes à Israël, accusant ce dernier de « semer la barbarie ». Ces propos, jugés abrupts par certains, ont amplifié la fracture. Même les gestes symboliques, comme l’hommage rendu en février 2024 aux victimes françaises des attaques du 7 octobre, sont perçus comme tardifs et insuffisants.
L’Antisémitisme, une Menace Croissante
La montée des actes antisémites en France, particulièrement ces deux dernières années, alimente l’inquiétude. Selon les chiffres officiels, les incidents antisémites ont bondi, mettant la communauté juive sous pression. Dans ce contexte, les mesures annoncées par Macron, comme la circulaire demandée au ministre de la Justice pour renforcer la réponse judiciaire face à l’antisémitisme, peinent à rassurer.
Pourtant, le président ne cesse de réaffirmer son engagement. Dans un message publié sur les réseaux sociaux, il a assuré la communauté juive de la « mobilisation » du pays contre l’antisémitisme. Mais pour beaucoup, ces déclarations sonnent creux, surtout lorsque juxtaposées à la reconnaissance d’un État palestinien, perçue comme un facteur pouvant aggraver les tensions.
Problématique | Perception de la communauté juive |
---|---|
Absence à la marche contre l’antisémitisme | Rupture de confiance, sentiment d’abandon |
Reconnaissance de la Palestine | Provocation, crainte d’une hausse de l’antisémitisme |
Réponse à l’antisémitisme | Mesures jugées insuffisantes et tardives |
Des Gestes Positifs, mais Insuffisants
Il serait injuste de dire que Macron n’a rien fait pour la communauté juive. L’entrée de Simone Veil au Panthéon en 2018, figure emblématique rescapée de la Shoah, avait été saluée comme un geste fort. De même, sa présence à la Grande synagogue de Paris pour Roch Hachana avait marqué les esprits. Mais ces actions, bien qu’appréciées à l’époque, semblent aujourd’hui éclipsées par les controverses.
En février 2024, l’hommage aux victimes du 7 octobre, organisé dans la cour des Invalides, était un autre pas dans la bonne direction. Pourtant, pour beaucoup, cet hommage est arrivé trop tard, presque comme une tentative de rattrapage après des mois de silence perçu. « Il avait montré beaucoup d’émotion à l’époque, mais aujourd’hui, on a l’impression qu’il n’est pas affecté », confie Nicole, 67 ans, qui manifeste régulièrement pour les otages.
Un Dialogue en Cours, mais des Tensions Persistantes
Récemment, des représentants de la communauté juive ont été reçus par Macron pour exprimer leur colère et leurs inquiétudes. Ces échanges, bien que nécessaires, n’ont pas encore apaisé les tensions. Les demandes sont claires : conditionner la reconnaissance d’un État palestinien à la libération des otages et au démantèlement du Hamas. Pour l’heure, ces conditions ne semblent pas prises en compte, renforçant le sentiment d’incompréhension.
Le choix de la date du 22 septembre, coïncidant avec Roch Hachana, ajoute une couche de frustration. « Tout le monde sera en famille et recevra la notification sur son téléphone à 21h30 », regrette Sarah Aizenman. Ce timing, perçu comme maladroit, risque de raviver les tensions au sein d’une communauté déjà sur le qui-vive.
Vers une Réconciliation Possible ?
Face à cette crise de confiance, la question demeure : comment rétablir un dialogue constructif ? Pour la communauté juive, la sécurité reste une priorité absolue. La flambée des actes antisémites, combinée à des décisions politiques controversées, alimente un sentiment d’insécurité. Les mesures annoncées, comme le renforcement de la réponse judiciaire, sont un pas, mais elles doivent être suivies d’actions concrètes et visibles.
En parallèle, la reconnaissance d’un État palestinien, si elle doit avoir lieu, devra être accompagnée de garanties claires pour ne pas exacerber les tensions. Une communication plus sensible et un calendrier mieux choisi pourraient apaiser les esprits. Mais pour l’instant, la fracture reste béante, et la communauté juive attend des gestes forts pour renouer avec la confiance.
Pour résumer :
- La communauté juive française exprime une profonde déception face aux décisions de Macron.
- L’absence à la marche contre l’antisémitisme de 2023 a marqué une rupture de confiance.
- La reconnaissance d’un État palestinien, prévue pour septembre 2025, suscite des inquiétudes.
- Les mesures contre l’antisémitisme sont jugées insuffisantes par beaucoup.
La situation actuelle met en lumière un défi majeur pour Macron : regagner la confiance d’une communauté qui se sent négligée. Alors que l’antisémitisme continue de croître, les prochains mois seront cruciaux pour démontrer un engagement sincère. La balle est dans le camp du président, mais le temps presse.