Chaque matin, avant que le soleil ne se lève sur Houston, une femme de 62 ans envoie un message d’espoir et d’alerte à des milliers de personnes. « Faites attention ! Que chacun rentre bien à la maison ! » Ces mots, publiés sur un réseau social, ne sont pas un simple vœu. Ils sont un cri de ralliement, une bouée de sauvetage pour une communauté vivant dans l’ombre de la peur, celle des descentes brutales de la police de l’immigration. À Houston, au Texas, des activistes comme Martina Grifaldo se mobilisent pour protéger les migrants des politiques migratoires strictes de l’administration Trump. Leur combat, aussi risqué qu’inspirant, révèle une réalité complexe où la solidarité défie la terreur.
Un Combat Matinal pour la Sécurité des Migrants
Dans la quatrième ville la plus peuplée des États-Unis, l’aube n’est pas seulement synonyme de nouveaux départs. Pour beaucoup, elle marque le début d’une journée sous haute tension, où chaque sortie peut être risquée. Martina Grifaldo, une Américaine d’origine mexicaine, dirige une organisation nommée Alianza Latina Internacional. Avec son acolyte Francisco Mendoza, elle sillonne les rues de Houston dès 5h30, scrutant les lieux où la police de l’immigration, surnommée ICE (Immigration and Customs Enforcement), est susceptible d’opérer. Leur mission ? Prévenir leur communauté des raids qui ciblent les migrants, souvent sans distinction de statut ou d’antécédents.
Leur outil principal est une page Facebook suivie par plus de 171 000 personnes. Chaque matin, après un message de salutation, Martina pose une question simple mais vitale : « Comment sont les routes ? » Accompagnée d’un emoji de glaçon et d’un policier, cette question est un code. Elle invite les abonnés à signaler en temps réel la présence d’agents d’ICE, souvent reconnaissables à leurs gilets militaires et leurs masques. Ces alertes, enrichies de photos et vidéos envoyées par la communauté, permettent aux migrants d’éviter les zones à risque.
La Peur au Quotidien : Les Raids d’ICE sous Trump
Depuis le retour de Donald Trump au pouvoir en janvier 2025, les opérations d’ICE se sont intensifiées. Les autorités fédérales ciblent non seulement les migrants sans papiers, mais aussi, dans certains cas, des résidents légaux ou même des citoyens américains d’apparence latino-américaine. Cette vague de répression, marquée par des arrestations parfois violentes, a semé la terreur dans les communautés latines du Texas. Les réseaux sociaux regorgent d’images montrant des agents masqués arrêtant des individus sans mandat apparent, alimentant un climat de méfiance.
« Chaque fois qu’on voit comment ils traitent notre peuple, on se sent terrorisés, car ça pourrait nous arriver à tout moment. »
Francisco Mendoza, activiste d’Alianza Latina Internacional
Les organisations de défense des droits humains, comme Human Rights Watch, dénoncent ces pratiques. Selon elles, la majorité des personnes arrêtées n’ont aucun passé criminel, contrairement aux déclarations de l’administration Trump, qui qualifie souvent les migrants de « criminels » ou d’ »illégaux ». Ces ONG accusent ICE de procéder à des contrôles au faciès, ciblant des lieux fréquentés par les Latinos, comme les restaurants ou les chantiers. Cette stratégie, perçue comme une chasse indiscriminée, exacerbe les tensions dans des villes comme Houston, où les communautés d’origine latino-américaine sont nombreuses.
Une Communauté Mobilisée : Le Rôle des Réseaux Sociaux
Face à cette menace, la réponse communautaire est impressionnante. La page Facebook gérée par Martina et Francisco est devenue un outil de résistance. Les abonnés envoient des vidéos filmées discrètement, montrant des agents d’ICE en action. Ces images, parfois choquantes, documentent des arrestations brutales ou des scènes où des individus sont arrêtés sans explication claire. Martina et Francisco, eux, partagent ces informations en direct, transformant leur camionnette en poste de commandement mobile.
Leur méthode est simple mais efficace. En patrouillant, ils surveillent les zones sensibles : parkings de supermarchés, arrêts de bus, ou encore les abords des restaurants où travaillent de nombreux migrants. Lorsqu’ils repèrent un véhicule abandonné, ils savent qu’il peut appartenir à une personne arrêtée. Ces découvertes, souvent déchirantes, renforcent leur détermination à poursuivre leur mission.
Les alertes publiées par Martina et Francisco ne sont pas seulement des avertissements. Elles sont un symbole de résistance, un moyen pour une communauté vulnérable de reprendre le contrôle face à l’incertitude.
Des Héros du Quotidien : Les Visages de la Solidarité
Martina Grifaldo, notaire de profession, et Francisco Mendoza, plombier d’origine mexicaine, ne sont pas des activistes à plein temps. Ils consacrent leur temps libre à cette cause, motivés par un profond sens de la justice. Leur travail est risqué : en s’exposant ainsi, ils pourraient eux-mêmes devenir des cibles. Pourtant, leur engagement inspire. Lors d’une de leurs patrouilles, des employés d’un restaurant local les ont invités à partager un repas, un geste de gratitude pour leur courage.
Parmi ceux qui bénéficient de leur aide, il y a Elizabeth, une Salvadorienne de 35 ans. Arrivée aux États-Unis il y a dix ans avec son fils et sa mère, elle lutte pour régulariser sa situation. Pour elle, Martina et Francisco sont des héros. « Ils prennent des risques pour nous », confie-t-elle, émue, en leur servant des encas. Elizabeth vit dans la crainte constante d’être séparée de sa mère malade. Grâce aux alertes de la page Facebook, elle peut organiser ses journées pour éviter les zones dangereuses.
« Je leur tire mon chapeau, car ils prennent des risques pour nous. Grâce à eux, on reste informés. »
Elizabeth, migrante salvadorienne
Les Enjeux plus Larges : Une Crise Humanitaire
Les actions de Martina et Francisco s’inscrivent dans un contexte plus large de crise humanitaire. Les politiques migratoires de l’administration Trump, centrées sur des déportations massives, ont des conséquences profondes. Les centres de rétention, où sont détenus les migrants arrêtés, sont souvent critiqués pour leurs conditions inhumaines. En juillet 2025, un rapport accablant a révélé des traitements « dégradants » dans ces centres, en violation des normes internationales des droits humains.
Ces politiques ne touchent pas seulement les migrants sans papiers. Elles affectent aussi les résidents légaux et les citoyens américains d’origine latine, qui vivent dans la peur d’être arrêtés à cause de leur apparence. Cette réalité a conduit à un repli communautaire : certains évitent les lieux publics, les écoles, ou même les hôpitaux, de peur d’être ciblés.
Une Résistance qui ne Faiblit Pas
Chaque soir, Martina conclut ses patrouilles par un message d’espoir : « C’est difficile, mais il faut bien se reposer. Demain est un autre jour où on continuera à résister. » Ces mots résonnent comme un défi lancé à un système qui cherche à diviser. À Houston, la solidarité communautaire est une arme puissante. Les migrants, soutenus par des activistes comme Martina et Francisco, refusent de se laisser intimider.
Leur combat met en lumière une vérité souvent ignorée : les migrants, même sans papiers, contribuent activement à la société. Comme le souligne Francisco, beaucoup paient des impôts sans bénéficier des services publics en retour. Cette réalité contredit le discours selon lequel les migrants sont une charge pour le pays. Au contraire, ils sont des travailleurs essentiels, des parents, des voisins, qui aspirent à une vie digne.
| Impact des Raids d’ICE | Conséquences pour la Communauté |
|---|---|
| Arrestations massives | Peur généralisée, repli communautaire |
| Contrôles au faciès | Discrimination envers les Latinos, même citoyens |
| Conditions des centres de rétention | Violations des droits humains |
Un Appel à la Solidarité Mondiale
Le combat de Martina et Francisco dépasse les frontières de Houston. Il s’inscrit dans une lutte globale pour les droits des migrants. Partout dans le monde, des communautés marginalisées se mobilisent pour défendre leur dignité face à des politiques oppressives. À Houston, leur travail montre qu’une communauté unie peut faire face à l’adversité, même dans les moments les plus sombres.
En continuant leurs patrouilles, Martina et Francisco incarnent l’espoir. Leur engagement rappelle que la résistance commence par des gestes simples : un message sur les réseaux sociaux, une patrouille matinale, ou un repas partagé avec gratitude. À travers leur action, ils prouvent que la solidarité peut triompher de la peur, et que la lutte pour la justice est un combat de tous les instants.
Leur histoire est un rappel poignant : dans un monde où les divisions sont exacerbées, la compassion et l’entraide restent des forces puissantes. À Houston, chaque matin apporte une nouvelle chance de résister, de protéger, et de construire un avenir plus juste pour tous.
