Un véritable tremblement de terre. Voilà comment qualifier les résultats du premier tour des élections législatives 2024, qui se sont tenues ce dimanche 30 juin. Avec près de 33,5% des voix selon les estimations, le Rassemblement National réalise une percée historique et se positionne en première force politique du pays. Talonnée par la gauche unie sous la bannière du Nouveau Front Populaire (NFP), qui rassemble 28,5% des suffrages. Quant à la majorité présidentielle, c’est la débâcle : avec à peine 22,1% des voix, elle accuse un lourd revers et se retrouve distancée comme jamais.
Un paysage politique chamboulé
Le choc est d’autant plus rude qu’Emmanuel Macron avait lui-même provoqué ces élections au lendemain de la déroute de son camp aux Européennes. Pari très risqué, qui se solde par un échec cinglant. La macronie implose, tandis que le RN et la gauche confirment leur dynamique et assoient leur domination. Une recomposition express et spectaculaire du paysage politique, sur fond de participation record (66%).
Le RN aux portes du pouvoir
Surfant sur les peurs et le rejet des élites, le RN a réussi son pari. En tête dans la majorité des circonscriptions, il est en position de décrocher des dizaines, voire des centaines de sièges. De quoi nourrir l’espoir d’imposer une cohabitation à Emmanuel Macron, voire de le pousser à la démission. Scénario noir pour le chef de l’État, qui paie au prix fort son impopularité et ses errements.
Le peuple a parlé, Macron doit partir ! Il est temps de rendre le pouvoir aux patriotes.
– Jordan Bardella, président du RN
La gauche en embuscade
Dopée par son leader charismatique Jean-Luc Mélenchon, la NUPES entend bien jouer les premiers rôles. Avec près de 29% des voix, elle talonne le RN et compte bien imposer son agenda social et écologique. Une poussée qui menace d’étouffer un peu plus le camp présidentiel. Lequel devra sans doute se résoudre à choisir son camp au second tour.
Nos idées sont majoritaires dans le pays, nous sommes prêts à gouverner et à engager la bifurcation écologique et sociale.
– Jean-Luc Mélenchon, leader du NFP
La majorité acculée
Avec à peine 22,1% des suffrages, la macronie dégringole à un étiage inédit sous la Ve République pour une majorité sortante au premier tour. Un camouflet pour un président déjà affaibli, menacé de perdre le contrôle de l’Assemblée. Et contraint de trouver des alliés s’il veut éviter une cohabitation périlleuse et continuer à gouverner.
Amateurisme, arrogance… Macron paie cash sa déconnexion et son mépris des Français.
– Xavier Bertrand, président des Républicains
Le spectre de l’ingouvernabilité
Avec un RN puissant, une gauche revigorée et une majorité laminée, tous les ingrédients sont réunis pour une crise politique majeure. À moins d’une improbable alliance des “républicains des deux rives”, comment gouverner avec un tel morcellement ? Et avec quelle légitimité, alors qu’une large majorité d’électeurs a voté contre le pouvoir en place ?
- L’hypothèse d’une dissolution sera-t-elle de nouveau brandie par l’exécutif pour tenter de retrouver une majorité ?
- Le RN et la gauche parviendront-ils à s’entendre, au moins ponctuellement, pour imposer leurs vues, au risque de tensions extrêmes ?
- Une grande coalition, sur fond d’union nationale face aux périls économiques et géopolitiques, verra-t-elle le jour ?
Autant de questions qui promettent une intense fièvre politique dans les semaines et mois à venir. Si l’issue des législatives n’est pas encore totalement scellée, une chose est sûre : c’est un véritable big bang politique qui vient de se produire. Il va falloir recomposer, bricoler, naviguer à vue. Bienvenue dans le nouveau monde !
Quelle position pour Renaissance ?
Prise en étau entre le RN et la gauche, la formation macroniste se trouve face un dilemme cornélien. Difficile en effet d’imaginer un front commun avec le RN, son ennemi héréditaire, sauf à se renier. Quant à une alliance avec la NUPES, même ponctuelle, elle apparaît bien hypothétique vu les divergences. Emmanuel Macron a beau appeler les oppositions à la “responsabilité”, sa main tendue risque fort de rester sans réponse.
Notre famille politique est la seule à défendre les valeurs républicaines et européennes. Pas question de pactiser avec les extrêmes.
– Élisabeth Borne, Première ministre
Reste l’appel au “front républicain” anti-RN, très aléatoire au vu de la radicalisation du débat. Beaucoup à gauche rejettent toute idée de consigne pour faire barrage au RN, assimilé à un épouvantail agité par un pouvoir aux abois. Côté LR, l’heure est au chacun pour soi, les candidats étant libres de leurs alliances.
Un second tour sous haute tension
Bref, les cartes sont plus que jamais rebattues avant le second tour du 8 juillet, avec de multiples inconnues. Tout juste sait-on que les duels opposeront principalement RN et NFP, Renaissance se contentant de la portion congrue. Une chose est sûre : le suspense promet d’être insoutenable et les marchandages intenses dans l’entre-deux-tours. La France retient son souffle.