Imaginez vivre dans un pays où votre identité peut vous condamner à des années de prison, de torture, voire à la mort. Au Turkménistan, un État d’Asie centrale parmi les plus fermés au monde, les personnes LGBT+ et séropositives affrontent une répression d’une violence inouïe. À travers les récits d’Arslan, David et Emir, trois hommes ayant fui ce régime autoritaire, un tableau sombre se dessine : viols en détention, tortures ignorées, et une société où la peur étouffe toute différence. Leur courage éclaire une réalité cachée, dans un pays où l’autocratie s’habille de traditions folkloriques pour justifier l’injustifiable.
Un Régime Opaque, une Répression Implacable
Le Turkménistan, riche de ses immenses réserves de gaz naturel, est dirigé d’une main de fer par la famille Berdymoukhamedov depuis deux décennies. Sous ce régime, aucun média indépendant ni organisation non gouvernementale ne peut exister. Les informations sur les violations des droits humains sont rares, mais les témoignages d’exilés, corroborés par des ONG comme Amnesty International, révèlent une persécution systématique des personnes LGBT+ et des opposants politiques. Les autorités, retranchées dans leur silence, ne répondent à ces accusations que lors de réunions internationales, invoquant des valeurs traditionnelles pour justifier la pénalisation de l’homosexualité.
Ce culte des traditions, mêlé d’un nationalisme exaltant le folklore turkmène, sert de façade à un pouvoir autoritaire. L’ancien président Gourbangouly Berdymoukhamedov, un ex-dentiste autoproclamé poète, et son fils Serdar, actuel dirigeant, incarnent cette idéologie. Leur régime glorifie des symboles comme le cheval akhal-teke ou le chien alabaï, tout en écrasant toute forme de dissidence ou de différence.
Arslan : Survivre aux Viols en Prison
Arslan, 29 ans, a grandi dans la pauvreté à Türkmenabat, une ville frontalière de l’Ouzbékistan. À 18 ans, il découvre à Achkhabad, la capitale aux bâtiments de marbre blanc, une communauté gay discrète. Mais en 2017, une rafle brise son fragile équilibre. Arrêté pour sodomie, un crime passible de prison au Turkménistan, il est condamné à deux ans de détention après un procès à huis clos. En colonie pénitentiaire, il endure des violences inimaginables.
« C’était abominable », confie Arslan à propos des viols répétés qu’il a subis en prison. « Le directeur a ri quand je lui ai parlé des abus, disant que j’étais là pour ça. »
Son calvaire ne s’arrête pas là. Dans son baraquement, où s’entassent des dizaines de détenus, dont beaucoup condamnés pour leur orientation sexuelle, Arslan assiste à la propagation du VIH, sans intervention des autorités. Après une tentative de suicide, il est gracié en 2018, mais la stigmatisation le poursuit. Insulté dans la rue, interné à deux reprises en hôpital psychiatrique pour « guérir » son homosexualité, il décide de fuir.
La fuite d’Arslan illustre un défi majeur : obtenir un passeport. Dans un pays où la corruption gangrène toutes les institutions, il doit payer 300 dollars, une somme exorbitante, pour s’échapper.
David : Les Cris que Personne n’Entend
David Omarov, également âgé de 29 ans, porte un autre fardeau : il est séropositif depuis l’adolescence. Dans un pays où la prévention du VIH est quasi inexistante, il vit dans la peur constante d’être découvert. En 2019, il est arrêté lors d’une vague de répression à Achkhabad. Torturé pour dénoncer d’autres personnes LGBT+, il subit des violences physiques et psychologiques.
« Le pire, c’est que personne n’entend tes cris », murmure David, encore marqué par les sévices endurés.
David dénonce ce qu’il appelle un fascisme folklorique, un régime qui cache sa brutalité derrière une glorification des traditions. Après sa libération, il fuit en Pologne en 2020, où il obtient l’asile. Aujourd’hui, il milite pour les droits LGBT+ à travers son projet, L’arc-en-ciel invisible du Turkménistan, malgré les menaces de mort et les représailles contre sa famille restée au pays.
Emir : Pris au Piège de la Séropositivité
Emir, 31 ans, a toujours su qu’il était différent. À Türkmenabat, son goût pour les vêtements colorés et les manucures attire les moqueries homophobes. En 2018, il obtient un visa pour étudier en Russie, mais son parcours le mène dans un territoire européen non reconnu. En 2024, il découvre sa séropositivité, un verdict qui le prive de son emploi et le menace d’expulsion vers le Turkménistan.
La législation turkmène permet d’emprisonner les personnes séropositives pour exposition au VIH, rendant leur accès aux traitements quasi impossible. Emir vit dans l’angoisse de développer le sida, avec un accès intermittent aux antiviraux grâce à des associations.
Défis des Personnes LGBT+ au Turkménistan | Conséquences |
---|---|
Pénalisation de l’homosexualité | Arrestations, procès à huis clos, peines de prison |
Stigmatisation des séropositifs | Privation de traitements, internements psychiatriques |
Corruption systémique | Fuite coûteuse, accès limité aux documents officiels |
Une Société Sous Surveillance
Le Turkménistan est un pays où la liberté individuelle est étouffée. Avec un unique fournisseur d’accès à Internet, coûteux et étroitement surveillé, contourner la censure nécessite des outils comme les VPN. Pourtant, même ces solutions sont instables, rendant la communication avec le monde extérieur ardue. Les organisations comme EQUAL PostOst jouent un rôle crucial en aidant les exilés à organiser leur fuite.
La corruption, classant le pays parmi les plus véreux selon Transparency International, imprègne chaque aspect de la vie. Obtenir un passeport ou échapper à la répression exige des pots-de-vin, inaccessibles pour beaucoup. Cette réalité économique, couplée à la répression, pousse des milliers de Turkmènes à fuir, malgré les obstacles.
Le Silence Autour du VIH
La gestion du VIH au Turkménistan est un autre scandale. Les autorités, obsédées par l’image d’un pays « sain », refusent de reconnaître l’ampleur de la crise. Les médecins dissimulent les diagnostics, et les traitements sont rares. Dans les prisons, la propagation du virus est ignorée, aggravant la situation des détenus séropositifs.
« Lorsque des hommes gays demandent un traitement contre le VIH, ils risquent d’être dénoncés à la police », explique Anne Sunder-Plassmann, de l’ONG IPHR.
Cette absence de prise en charge médicale renforce la stigmatisation. Les personnes séropositives, comme Emir, vivent dans la peur constante d’être arrêtées ou abandonnées à une mort lente.
Un Combat pour la Dignité
Malgré l’horreur, Arslan, David et Emir incarnent une résilience remarquable. Leur exil, souvent au prix de sacrifices immenses, est un acte de survie. David, en Pologne, continue de militer pour donner de l’espoir à ceux restés au Turkménistan. Son message est clair :
« Tu n’es pas une erreur. Tu mérites d’être aimé. »
Leur combat met en lumière une vérité universelle : les droits humains ne peuvent être réduits à des « valeurs traditionnelles ». Dans un monde où le Turkménistan reste fermé, leurs voix, bien que rares, percent l’opacité d’un régime qui prospère dans le silence.
Points clés à retenir :
- La pénalisation de l’homosexualité entraîne arrestations et tortures.
- Les personnes séropositives sont privées de soins et stigmatisées.
- La corruption et la surveillance rendent la fuite presque impossible.
- Les exilés, comme David, militent pour un avenir meilleur.
Le Turkménistan, derrière ses façades de marbre et son folklore, cache une réalité brutale. Les témoignages d’Arslan, David et Emir ne sont que la pointe de l’iceberg. Combien d’autres souffrent en silence ? Leur courage nous rappelle que la lutte pour la dignité humaine transcende les frontières, même celles d’un État aussi secret.