Imaginez un homme de près de deux mètres, courant d’une réunion à l’autre lors d’une conférence internationale, baskets aux pieds et costume impeccable. Cet homme, c’est Wopke Hoekstra, le commissaire européen chargé du climat, qui s’apprête à représenter l’Union européenne lors de la COP30 au Brésil. Mais alors que les projecteurs mondiaux se braquent sur lui, l’Europe semble hésiter, tiraillée entre ambitions écologiques et divisions politiques. Qui est cet homme, et comment parvient-il à naviguer dans ces eaux troubles ?
Un Parcours Atypique pour un Rôle Crucial
Wopke Hoekstra, Néerlandais de 49 ans, n’est pas un inconnu dans le monde politique. Ancien ministre des Finances puis des Affaires étrangères des Pays-Bas, il a pris les rênes du portefeuille climatique de la Commission européenne en 2023. Son ascension rapide dans la diplomatie climatique intrigue autant qu’elle divise. Si son charisme et son aisance communicative séduisent, son passé chez Shell, géant pétrolier, a suscité des critiques acerbes de la part des écologistes et de la gauche européenne.
J’ai travaillé environ trois ans chez Shell, jusqu’en 2004. Ce n’est pas la préhistoire, mais j’ai montré depuis que j’essaie de faire avancer les choses dans l’action climatique.
Wopke Hoekstra
Ces mots, prononcés lors d’un entretien, reflètent la volonté de Hoekstra de dépasser les controverses. Sa nomination, vue comme un pari risqué, s’est pourtant révélée fructueuse. Dès sa première participation à la COP28 à Dubaï, il a marqué les esprits en jouant un rôle central dans les négociations pour la sortie progressive des énergies fossiles. Son style, mêlant pragmatisme et dynamisme, a permis à l’UE de se positionner comme un acteur clé sur la scène internationale.
Un Diplomate sous Pression
À l’approche de la COP30, prévue en novembre 2025 au Brésil, les attentes autour de Hoekstra sont immenses. Pourtant, l’Europe semble freiner des quatre fers. Les négociations entre les 27 pays membres patinent, notamment sur les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2035 et 2040. Sans consensus clair, l’UE risque de se présenter à Belem sans une feuille de route ambitieuse, un scénario qui pourrait affaiblir sa crédibilité mondiale.
Hoekstra, conscient des enjeux, reste optimiste. Il insiste sur le fait que l’UE demeure l’un des acteurs les plus ambitieux en matière de transition énergétique. Mais les défis sont nombreux. Les élections européennes de 2024, marquées par une montée de l’extrême droite, ont bouleversé le paysage politique. Certaines lois environnementales, piliers du Pacte vert, sont aujourd’hui remises en cause, avec des reports ou des révisions à la baisse.
Les défis de l’UE à la COP30 :
- Absence de consensus sur les objectifs climatiques 2035-2040.
- Montée des partis conservateurs freinant les réformes écologiques.
- Nécessité de concilier compétitivité économique et ambitions vertes.
Un Équilibre Délicat entre Pragmatisme et Ambition
Issu du centre-droit, Hoekstra prône une approche qu’il qualifie d’écologie pragmatique. Pour lui, la lutte contre le changement climatique doit s’accompagner d’une attention particulière à la compétitivité économique. Cette vision, qui séduit les marchés et les industriels, ne fait toutefois pas l’unanimité. Certains observateurs estiment qu’il privilégie les négociations climatiques internationales au détriment d’autres enjeux, comme la protection de la biodiversité.
Son style, parfois perçu comme trop assuré, voire arrogant, ne passe pas inaperçu. Pourtant, il a su gagner la confiance des eurodéputés, qui apprécient sa maîtrise des dossiers et sa capacité à dialoguer avec toutes les sensibilités politiques. Cette aptitude, forgée par des années de négociations au sein des coalitions néerlandaises, est un atout précieux dans un Parlement européen fragmenté.
Les Obstacles d’une Europe Divisée
Le Pacte vert, autrefois fer de lance de l’UE, traverse une période de turbulences. Les ambitions initiales, portées par des objectifs ambitieux de réduction des émissions, se heurtent à des résistances croissantes. Les pays membres, aux priorités divergentes, peinent à s’accorder. La France, par exemple, tarde à valider la proposition de la Commission de réduire les émissions de 90 % d’ici 2040 par rapport à 1990.
Wopke Hoekstra a un peu joué la montre là où il aurait dû engager des négociations beaucoup plus rapidement avec Paris.
Neil Makaroff, expert chez Strategic Perspectives
Ce retard, critiqué par certains analystes, place l’UE dans une position délicate. À quelques semaines de la COP30, le risque est réel : arriver sans une position unifiée pourrait ternir l’image de l’Europe comme leader climatique. Hoekstra, conscient de cette urgence, a multiplié les déplacements dans les capitales européennes pour tenter d’arracher un compromis. Mais le temps presse.
Un Leadership à l’Épreuve du Temps
Malgré les obstacles, Hoekstra reste une figure incontournable. Son énergie et son engagement ont déjà porté leurs fruits, notamment lors de la COP28, où l’UE a su peser dans les discussions. Sa capacité à naviguer entre les attentes des écologistes, des industriels et des politiques conservateurs fait de lui un acteur clé. Mais pour réussir à la COP30, il devra redoubler d’efforts pour rallier les 27 et redonner du souffle à l’ambition climatique européenne.
Défi | Impact |
---|---|
Divisions européennes | Risque d’une position affaiblie à la COP30 |
Montée de l’extrême droite | Remise en cause des lois environnementales |
Retard des négociations | Manque de consensus sur les objectifs 2040 |
Vers un Avenir Vert Incertain
L’avenir de l’action climatique européenne repose en partie sur les épaules de Wopke Hoekstra. Sa vision, mêlant pragmatisme et ambition, pourrait permettre à l’UE de retrouver son élan. Mais les défis sont colossaux : concilier les intérêts divergents des États membres, répondre aux attentes des citoyens et maintenir une position de leader sur la scène internationale. À Belem, le monde aura les yeux rivés sur lui. Saura-t-il transformer les divisions en opportunité ?
En attendant, Hoekstra continue de courir, baskets aux pieds, entre les réunions et les capitales. Son style unique, son passé controversé et son ambition débordante font de lui une figure à part. Mais dans un monde où le climat ne peut attendre, il devra prouver que l’Europe peut encore parler d’une seule voix.