Dimanche, des millions de Guinéens se rendront aux urnes pour voter sur un projet de nouvelle Constitution, un moment décisif pour un pays en quête de stabilité après des années de bouleversements politiques. Ce référendum, qui suscite espoirs et controverses, pourrait redéfinir l’avenir de la Guinée. Mais entre les promesses d’un renouveau démocratique et les appels au boycott de l’opposition, quelles sont les véritables implications de ce scrutin ?
Un référendum pour façonner l’avenir de la Guinée
Depuis le coup d’État de 2021 qui a renversé l’ancien président Alpha Condé, la Guinée traverse une période de transition sous la direction du général Mamadi Doumbouya. Ce référendum, prévu pour ouvrir la voie à des élections présidentielle et législatives d’ici fin 2025, est présenté comme une étape clé vers le retour à l’ordre constitutionnel. Le texte proposé promet des réformes ambitieuses, telles que l’introduction de candidatures indépendantes et le droit à la pétition, répondant selon les autorités à des revendications de longue date.
Le Premier ministre, Amadou Oury Bah, nommé en février 2024, défend avec ferveur ce projet. Dans une interview récente, il a souligné que cette Constitution incarne une aspiration collective à dépasser les divisions ethniques et politiques pour s’engager dans une logique de développement. Mais ce discours optimiste est-il partagé par l’ensemble des Guinéens ?
Les promesses d’une Constitution réformatrice
Le projet de nouvelle Constitution est présenté comme un outil de modernisation et d’unification. Parmi les mesures phares, on note :
- Candidatures indépendantes : Une ouverture à des candidatures hors des partis traditionnels, visant à diversifier la représentation politique.
- Droit à la pétition : Un mécanisme permettant aux citoyens de faire entendre leur voix directement.
- Renforcement de l’unité nationale : Des dispositions visant à réduire les tensions ethniques et favoriser une gouvernance inclusive.
Pour le Premier ministre, ces réformes traduisent une volonté de rupture avec un passé marqué par les clivages. Il insiste sur une dynamique de changement, un slogan qui résonne dans un pays où la jeunesse aspire à un avenir plus stable et prospère. Pourtant, ces promesses suffiront-elles à convaincre une population divisée ?
« La Guinée aspire à une dynamique de changement, de rassemblement qui mettra de côté les clivages. »
Amadou Oury Bah, Premier ministre
L’opposition face à un scrutin contesté
Malgré l’enthousiasme des autorités, l’opposition appelle au boycott du référendum, dénonçant une dérive autoritaire. Depuis l’arrivée au pouvoir des militaires, plusieurs partis politiques et médias ont été suspendus, et les manifestations, interdites depuis 2022, sont sévèrement réprimées. Des figures de l’opposition ont été arrêtées, condamnées ou contraintes à l’exil, alimentant les accusations de musellement des voix dissidentes.
Le Premier ministre rejette ces critiques, qualifiant les opposants de déstabilisateurs. Selon lui, la suspension de trois partis en août dernier relève d’un simple « assainissement de l’espace politique ». Mais pour beaucoup, ces mesures traduisent une volonté de contrôler le débat public et de marginaliser toute critique.
Mesures contestées | Impact |
---|---|
Suspension de partis | Réduction de la pluralité politique |
Interdiction des manifestations | Limitation de la liberté d’expression |
Arrestations d’opposants | Climat de peur parmi les dissidents |
Les disparitions forcées : une ombre sur la transition
Un des aspects les plus troublants de la situation actuelle est le phénomène des disparitions forcées. Plusieurs opposants au régime militaire ont été enlevés ces dernières années, et leur sort reste inconnu. Interrogé sur ce sujet, le Premier ministre ne nie pas ces cas, exprimant l’espoir que les disparus soient « en vie et en bonne santé ». Cependant, l’absence de progrès dans les enquêtes alimente les inquiétudes sur la transparence des autorités.
Ce climat de suspicion pèse lourd sur le référendum. Pour beaucoup, la légitimité du scrutin est compromise par ces violations des droits humains. Comment un processus démocratique peut-il prospérer dans un contexte où les voix dissidentes sont réduites au silence ?
Vers des élections en 2025 : un calendrier incertain
Le général Doumbouya a promis que 2025 serait une année électorale décisive pour achever la transition. Son Premier ministre confirme que des élections auront lieu, sans préciser de date. Cette ambiguïté alimente les spéculations sur les intentions du chef de la junte. Sera-t-il candidat à la présidentielle, malgré l’engagement initial des militaires de rendre le pouvoir aux civils ?
Dans les rues de Conakry, les affiches à l’effigie de Doumbouya et les campagnes pour le « Oui » au référendum dominent le paysage. Cette omniprésence soulève des questions sur la neutralité du scrutin. Certains observateurs notent que le projet de Constitution exclut de facto des figures historiques de l’opposition, comme Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo, qualifiés par Bah d’appartenant « au passé ».
« Tout citoyen qui remplit les critères minimaux pourra se présenter. »
Amadou Oury Bah, à propos d’une possible candidature de Mamadi Doumbouya
Un procès historique comme gage de crédibilité
Pour défendre le bilan de la junte, le Premier ministre met en avant le procès du massacre de 2009, où 156 personnes ont perdu la vie dans un stade de Conakry. Ce procès, qui a vu des militaires juger d’autres militaires, est présenté comme une preuve de l’engagement des autorités envers la justice. « Qui aurait cru qu’une transition militaire organiserait un tel procès ? » s’interroge Bah, soulignant l’importance de cet événement pour la réconciliation nationale.
Cet effort, bien que salué, ne suffit pas à apaiser les critiques. Pour beaucoup, la justice ne peut être sélective : juger les crimes du passé tout en tolérant les abus du présent envoie un message contradictoire.
Un peuple face à son destin
À l’approche du référendum, la Guinée se trouve à un carrefour. Le scrutin de dimanche pourrait marquer le début d’une nouvelle ère, ou au contraire exacerber les tensions existantes. Avec 6,7 millions d’électeurs appelés à voter, l’issue reste incertaine. Le boycott de l’opposition, les restrictions sur les libertés et les disparitions forcées jettent une ombre sur ce processus, mais l’espoir d’un renouveau démocratique persiste pour beaucoup.
Le Premier ministre appelle à l’unité et à l’adhésion au projet constitutionnel, mais la méfiance reste palpable. La Guinée parviendra-t-elle à surmonter ses divisions pour bâtir un avenir commun ? Le verdict des urnes apportera un premier élément de réponse.
Résumé des enjeux du référendum
- Objectif : Restaurer l’ordre constitutionnel d’ici fin 2025.
- Promesses : Candidatures indépendantes, droit à la pétition, unité nationale.
- Controverses : Boycott de l’opposition, restrictions des libertés, disparitions forcées.
- Perspectives : Élections prévues en 2025, incertitude sur la candidature de Doumbouya.
En attendant, les Guinéens observent, espèrent, et parfois doutent. Ce référendum, au-delà de son résultat, révélera la capacité du pays à se rassembler autour d’un projet commun, ou à s’enliser dans ses divisions. Une chose est sûre : les mois à venir seront déterminants pour l’avenir de la Guinée.