Imaginez un instant : un champ paisible, un village ukrainien où les enfants jouaient encore il y a peu, soudain déchiré par une explosion. Pas une bombe classique, mais une arme à sous-munitions, un engin conçu pour semer la mort sur une vaste zone, parfois des années après son largage. Depuis février 2022, ces armes ont transformé des vies en tragédies, faisant plus de 1.200 victimes civiles en Ukraine, selon un récent rapport d’une ONG spécialisée. Ce chiffre, déjà accablant, ne serait qu’une fraction de la réalité, tant les données sont difficiles à recueillir dans un pays ravagé par la guerre. Plongeons dans ce drame humanitaire, ses implications mondiales et les défis pour éradiquer ces engins meurtriers.
Un Fléau Persistant Dans Les Conflits Modernes
Les armes à sous-munitions ne sont pas de simples explosifs. Larguées par avions ou tirées par artillerie, elles éclatent en vol pour disperser des centaines de petites bombes sur une large zone. Leur but ? Toucher un maximum de cibles, qu’il s’agisse de soldats, de véhicules ou d’infrastructures. Mais leur danger ne s’arrête pas là. Nombre de ces sous-munitions n’explosent pas immédiatement, se transformant en mines dormantes prêtes à tuer ou mutiler des civils des années plus tard.
En Ukraine, ce type d’arme a été utilisé dès les premiers jours de l’invasion russe en février 2022. Les forces russes, selon le rapport, en ont fait un usage intensif, ciblant des zones peuplées et laissant derrière elles un héritage de destruction. Mais l’Ukraine n’est pas exempte de reproches : des accusations, notamment de la part de la Russie, pointent son utilisation de ces engins, y compris sur le territoire russe. Ce conflit, où les deux parties semblent recourir à ces armes controversées, illustre la complexité et la brutalité de la guerre moderne.
L’Ukraine, Épicentre des Victimes Civiles
Depuis le début de l’invasion, l’Ukraine est le pays le plus touché par les armes à sous-munitions. En 2024, sur les 314 victimes recensées mondialement, 193 étaient ukrainiennes. La majorité des 1.200 victimes civiles enregistrées depuis 2022 l’ont été durant la première année du conflit, marquée par des bombardements massifs. Mais ces chiffres, bien que choquants, sont probablement sous-estimés. En 2024, une quarantaine d’attaques utilisant ces armes ont été signalées en Ukraine, sans qu’un bilan humain précis ne soit toujours disponible.
« Les armes à sous-munitions laissent un héritage de mort et de souffrance qui perdure bien après la fin des combats. »
Rapport annuel de l’Observatoire des armes à sous-munitions
Pourquoi ces chiffres sont-ils si imprécis ? La guerre complique la collecte de données. Les zones touchées sont souvent inaccessibles, et les explosions de sous-munitions non détonées rendent le travail des humanitaires périlleux. Ce fléau ne fait pas de distinction entre combattants et civils, transformant des champs, des écoles ou des jardins en champs de mines improvisés.
Une Convention Internationale Fragilisée
En 2008, une lueur d’espoir avait émergé avec la Convention sur les armes à sous-munitions, un traité interdisant leur production, leur stockage, leur transfert et leur utilisation. Signé par 112 pays, ce texte visait à protéger les populations civiles en éliminant ces engins. Pourtant, ni la Russie, ni l’Ukraine, ni les États-Unis ne font partie des signataires. Cette absence fragilise les efforts mondiaux pour bannir ces armes.
En 2023, la décision des États-Unis de fournir des armes à sous-munitions à l’Ukraine a provoqué une onde de choc. Sept cargaisons distinctes ont été livrées, selon l’Observatoire, alimentant le débat sur l’éthique de telles livraisons dans un conflit où les civils paient déjà un lourd tribut. Ces armes, bien que tactiquement efficaces pour frapper des cibles étendues, perpétuent un cycle de violence aux conséquences durables.
Fait marquant : La Lituanie a quitté la Convention de 2008 en mars 2024, invoquant des préoccupations de sécurité face à la Russie. Ce retrait, une première, pourrait inciter d’autres pays à suivre, menaçant les efforts de désarmement.
Un Impact Militaire et Humanitaire
Pourquoi les armées continuent-elles d’utiliser ces armes malgré leur interdiction partielle ? Leur efficacité militaire est indéniable. Elles permettent de neutraliser de vastes zones, de détruire des pistes d’aérodromes ou de ralentir l’avancée ennemie en minant le terrain. Mais à quel prix ? Les sous-munitions non explosées deviennent des pièges mortels pour les civils, en particulier les enfants, attirés par leur petite taille et leur aspect parfois inoffensif.
En 2025, des sous-munitions marquées d’inscriptions en coréen ont été découvertes en Ukraine. Si leur origine reste floue – utilisées par des forces nord-coréennes alliées à la Russie ou simplement fournies par Pyongyang – elles soulignent l’internationalisation du conflit et la complexité des chaînes d’approvisionnement en armement.
Vers un Effet Domino Mondial ?
Le retrait de la Lituanie de la Convention de 2008 a sonné l’alarme. D’autres pays baltes, comme la Pologne, la Lettonie, l’Estonie et la Finlande, envisagent de se dissocier du traité interdisant les mines antipersonnel, invoquant l’agression russe comme justification. Ce mouvement pourrait créer un précédent dangereux, fragilisant des décennies de progrès en matière de désarmement.
« Ce retrait risque de provoquer un effet domino, compromettant les efforts pour protéger les civils. »
Tamar Gabelnick, chef de l’Observatoire des armes à sous-munitions
Outre l’Ukraine, des attaques aux armes à sous-munitions ont été signalées en 2024 en Birmanie et en Syrie, deux pays non signataires du traité. Ces conflits montrent que l’usage de ces armes reste une réalité dans plusieurs régions du monde, malgré les efforts pour les stigmatiser.
Que Faire Face À Cette Menace ?
Face à ce drame, plusieurs pistes d’action émergent :
- Renforcer la Convention de 2008 : Convaincre plus de pays de rejoindre le traité et empêcher les retraits.
- Sensibiliser les populations : Informer sur les dangers des sous-munitions non explosées pour réduire les accidents.
- Améliorer le déminage : Investir dans des technologies pour neutraliser ces engins dans les zones touchées.
- Pression diplomatique : Sanctionner les pays ou acteurs utilisant ces armes en violation des normes internationales.
Ces mesures, bien que prometteuses, se heurtent à des obstacles géopolitiques. Dans un monde où les tensions régionales s’intensifient, la volonté de désarmement semble s’effriter. Pourtant, chaque vie sauvée compte, et les efforts pour protéger les civils doivent rester une priorité.
Pays | Victimes en 2024 | Signataire de la Convention |
---|---|---|
Ukraine | 193 | Non |
Birmanie | Données limitées | Non |
Syrie | Données limitées | Non |
Le drame des armes à sous-munitions en Ukraine n’est pas qu’une question militaire ou géopolitique. C’est avant tout une tragédie humaine, où chaque explosion brise des familles et des communautés. Alors que le conflit se prolonge, la nécessité d’une action mondiale concertée devient plus pressante. Mais face aux intérêts stratégiques et aux tensions internationales, la route vers un monde sans ces armes semble encore longue.