Imaginez la scène : une écrivaine française, invitée dans une librairie algérienne pour présenter son dernier ouvrage, se retrouve soudainement menottée et embarquée par la police locale. C’est précisément le scénario kafkaïen qu’a vécu Dominique Martre ce samedi après-midi à Béjaïa, dans l’est de l’Algérie. Un incident choquant qui met en lumière les tensions persistantes autour de la liberté d’expression dans le pays.
Un témoignage intime de la Kabylie censuré
Le livre en question, intitulé “La Kabylie en partage, dans l’intimité des femmes“, relate les souvenirs de l’auteure dans un village kabyle durant les années 1970. Un récit touchant qui offre une fenêtre sur le vécu des femmes dans cette région à majorité amazighe du nord de l’Algérie. Pourtant, alors que Dominique Martre commençait à peine sa présentation à la Librairie Gouraya, la police a fait irruption dans la salle.
Selon Arezki Ait-Larbi, l’éditeur de Mme Martre qui dirige la maison d’édition Koukou, toutes les personnes présentes ont été arrêtées, y compris l’auteure, son mari, lui-même et le libraire. Ils ont été conduits au commissariat avant d’être relâchés plusieurs heures plus tard, sans aucune explication sur les motifs de cette descente musclée.
Une censure récurrente des ouvrages “sensibles”
Malheureusement, cet épisode n’est pas isolé. La maison d’édition Koukou a déjà fait face à la censure ces dernières années en Algérie. En 2022, pas moins de 12 de ses livres, principalement sur des sujets politiques, ont été interdits lors du Salon International du Livre d’Alger (SILA).
On n’a pas d’explication sur le motif de cette interdiction, le livre se vend dans toutes les librairies.
– Arezki Ait-Larbi, éditeur
Et pourtant, “La Kabylie en partage” est en vente libre dans toutes les librairies du pays. Dominique Martre avait même pu le présenter sans encombre à Alger la semaine précédente. Cette arrestation arbitraire à Béjaïa apparaît donc comme totalement incompréhensible et injustifiée.
Un signal alarmant pour la liberté d’expression
Au-delà du cas personnel de Mme Martre, cet incident envoie un signal très préoccupant quant à l’état de la liberté d’expression en Algérie. Comment des auteurs, algériens ou étrangers, peuvent-ils continuer à témoigner et partager leurs expériences si leur parole est muselée de manière aussi brutale ?
Les autorités algériennes doivent des explications sur cet abus de pouvoir manifeste. Etouffer les voix qui dérangent n’a jamais permis à une société d’avancer. Au contraire, c’est par le dialogue, l’ouverture et l’échange que les peuples grandissent et se comprennent.
Espérons que Dominique Martre pourra continuer à partager son beau message de fraternité entre la France et l’Algérie, et que son histoire invitera à une profonde réflexion sur la nécessité de défendre, partout et toujours, la liberté d’expression. Car comme disait l’écrivain Voltaire : “Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire”.