Alors que le pays retient son souffle à l’approche des résultats des élections législatives, une inquiétude palpable gagne les grandes villes. De Paris à Lyon en passant par Rennes, les commerces se barricadent, redoutant des violences et des émeutes en marge du scrutin. Un climat anxiogène qui en dit long sur les tensions qui traversent la société française.
Des vitrines condamnées par crainte des débordements
Depuis vendredi, les images de magasins se protégeant contre d’éventuelles dégradations se multiplient. Planches de contreplaqué clouées sur les devantures, entrées murées… Les commerçants ne veulent prendre aucun risque. Ces scènes rappellent les moments de fortes tensions sociales comme le mouvement des Gilets Jaunes ou les manifestations contre la réforme des retraites.
Notre grosse inquiétude, c’est que juin 2024 soit comme juin 2023.
Thierry Véron, président de la Fédération des associations de commerçants et artisans parisiens
Un phénomène national
Si Paris est sous tension avec des quartiers particulièrement exposés comme le “triangle infernal” entre République, Bastille et Nation, la psychose gagne aussi les grandes métropoles régionales. Lyon, Grenoble, Rennes… Partout les professionnels s’organisent, échangent des informations et suivent les consignes des autorités.
- À Lyon, des magasins pris pour cible lors de récents mouvements sociaux installent des panneaux de bois pour protéger leurs vitrines.
- À Rennes, des appels au rassemblement de militants d’ultragauche dimanche soir inquiètent les commerçants du centre-ville.
- Un peu partout, les supermarchés Monoprix prennent aussi leurs précautions, sur décision des franchisés.
Un manque à gagner pour les soldes
La crainte de heurts tombe au plus mauvais moment pour les commerçants, en plein premier week-end des soldes d’été. Une période cruciale pour le chiffre d’affaires. Se barricader permet de réduire les risques de casse et de pillage, mais c’est aussi fermer boutique et renoncer aux ventes. Un cruel dilemme dans un contexte économique déjà compliqué pour beaucoup de professionnels.
Quoi qu’il arrive, on sera perdants. Si on se protège, on perd en chiffre d’affaires. Si on reste ouverts, on risque de tout perdre en dégâts.
Nathalie, gérante d’un magasin de vêtements à Paris
L’ombre des émeutes de 2023
Impossible d’occulter le traumatisme des violentes émeutes urbaines qui ont secoué le pays en juin 2023, après la mort du jeune Nahel, tué par un policier à Nanterre. Pendant plusieurs nuits, de nombreux commerces ont été pris pour cible, pillés, parfois incendiés. Des images qui restent dans toutes les mémoires et qui expliquent la psychose actuelle.
Les pouvoirs publics se veulent rassurants et promettent un dispositif de sécurité renforcé pour sécuriser le scrutin et ses lendemains. Mais beaucoup redoutent que le résultat des urnes, quel qu’il soit, ne mette le feu aux poudres. L’extrême droite et l’extrême gauche, donnés au coude à coude, pourraient ne pas accepter la défaite. De quoi craindre de nouveaux troubles.
Un climat délétère durable ?
Au-delà des législatives, c’est le climat social et politique délétère qui préoccupe. Les crises s’enchaînent, les tensions s’accumulent, le dialogue semble rompu. Que les violences soient sporadiques ou s’installent dans la durée, c’est tout un modèle de société qui vacille. Les commerçants, premières victimes de cette défiance, en sont bien conscients.
Si ça dégénère ce week-end et les suivants, ça peut durer longtemps. Nos politiques doivent se ressaisir, retrouver le sens de l’intérêt général. Sinon le pays court à sa perte.
Michel, libraire à Bordeaux
Un sombre constat partagé par de nombreux observateurs. Quels que soient les résultats de dimanche, il y a urgence à apaiser les esprits. Car derrière les planches qui défigurent les boutiques, c’est la cohésion nationale qui se fissure un peu plus. Un bien précieux qu’il faudra retrouver pour espérer des jours meilleurs.