Dans un pays où la politique est un théâtre d’émotions intenses, une nouvelle figure émerge avec force : Axel Kicillof, gouverneur de la province de Buenos Aires, qui vient de remporter une victoire électorale éclatante. À 53 ans, cet intellectuel au style décontracté, souvent vu avec une bombilla de maté à la main, incarne un espoir pour ceux qui cherchent une alternative au président ultralibéral Javier Milei. Mais qui est vraiment cet homme, et pourquoi son ascension suscite-t-elle autant d’enthousiasme ?
Un Vent Nouveau Sur La Scène Argentine
La victoire récente de la liste Fuerza Patria, portée par Axel Kicillof, lors d’une élection clé dans la province de Buenos Aires, a marqué les esprits. Avec 14 points d’avance sur le camp présidentiel, ce scrutin, perçu comme un test avant les législatives d’octobre, a révélé une dynamique nouvelle. La province, qui pèse plus d’un tiers de l’électorat argentin et représente 30 % du PIB national, est un bastion stratégique. Ce triomphe électoral a résonné comme un signal clair : une autre voie est possible.
Les supporters de Kicillof, réunis dans une ambiance électrique, n’ont pas caché leur ambition. « Axel président ! » scandaient-ils, projetant déjà cet ex-professeur d’économie à la tête du pays en 2027. Mais son parcours, marqué par une rupture avec les dogmes traditionnels du péronisme, et sa capacité à naviguer dans un paysage politique polarisé, méritent une analyse approfondie.
Un Péroniste Atypique
Axel Kicillof n’est pas un politicien classique. Né à Buenos Aires dans une famille de psychanalystes, il a grandi loin des stéréotypes du péronisme, mouvement historiquement ancré dans les classes populaires et les syndicats. Intellectuel urbain, il a étudié l’économie et s’est engagé dès son jeune âge dans le syndicalisme étudiant, montrant une fibre militante précoce. Son ancien professeur, Pablo Levin, le décrit comme un étudiant « talentueux et créatif », capable d’un dialogue riche et constructif.
« Un très bon étudiant, pas forcément studieux, mais très talentueux et créatif. »
Pablo Levin, ancien professeur de Kicillof
Son passage au gouvernement sous la présidence de Cristina Kirchner, entre 2011 et 2015, a forgé sa réputation. D’abord secrétaire d’État, puis ministre de l’Économie, Kicillof a marqué les esprits par son pragmatisme, notamment lors des négociations avec les créanciers du Club de Paris en 2014. Cependant, sa gestion de la renationalisation de la compagnie pétrolière YPF en 2012 reste controversée, avec des litiges toujours en cours devant un tribunal new-yorkais.
S’Émanciper De L’Héritage Kirchner
Longtemps dans l’ombre de Cristina Kirchner, figure emblématique du péronisme, Kicillof a su se démarquer. Après la victoire de Javier Milei en 2023, il a appelé à une refonte du mouvement, critiquant la tendance du péronisme à vivre dans la nostalgie des figures historiques comme Perón, Evita, ou les Kirchner. « Il faut composer une nouvelle chanson », a-t-il déclaré, une prise de position audacieuse qui a choqué certains puristes.
En 2025, il franchit un pas supplémentaire en lançant son propre mouvement, Droit vers l’Avenir, au sein du péronisme. Cette initiative a consolidé son image de réformateur, tout en attirant les critiques des fidèles de Cristina Kirchner, pour qui elle reste une icône intouchable. La condamnation de cette dernière à la prison à domicile et à une inéligibilité à vie en juin 2025 a toutefois libéré un espace politique pour Kicillof.
Les étapes clés de l’émancipation de Kicillof :
- 2019 : Élu gouverneur de la province de Buenos Aires.
- 2023 : Critique la nostalgie péroniste après la victoire de Milei.
- 2025 : Lance son mouvement Droit vers l’Avenir.
- 2025 : Triomphe électoral face au camp présidentiel.
Une Rivalité Avec Javier Milei
La dynamique entre Kicillof et Javier Milei est au cœur de l’actualité argentine. Le président ultralibéral, connu pour son style provocateur, n’a pas hésité à viser directement Kicillof, le qualifiant de « crétin » ou de « nain soviétique ». Ces attaques, loin d’affaiblir le gouverneur, lui ont offert une tribune nationale. Comme le note le politologue Raul Timerman :
« C’est Javier Milei qui a invité Axel Kicillof à monter sur le ring en donnant une tonalité nationale à cette élection. »
Raul Timerman, politologue
Milei, avec son discours disruptif et ses réformes économiques radicales, divise profondément. Kicillof, lui, cultive une image de proximité, apparaissant souvent en public avec sa femme, Soledad Quereilhac, professeure de littérature, et leur deux adolescents. Son style posé, presque austère selon ses proches, tranche avec l’exubérance de son rival.
Un Profil Ancré Dans L’Économie
Admirateur de l’économiste britannique John Maynard Keynes, Kicillof défend une vision pro-État, en opposition directe avec l’ultralibéralisme de Milei. Il rejette les accusations de sympathies marxistes ou trotskistes, insistant sur son pragmatisme. Sa gestion de la province de Buenos Aires, un territoire aussi vaste que l’Italie, illustre cette approche. Malgré des défis comme la pauvreté et l’insécurité, il a su marquer des points grâce à une campagne de terrain en 2019, menée à bord d’une vieille voiture, symbole de son accessibilité.
Son ministre provincial, Carlos Bianco, décrit un homme « travailleur et austère », guidé par des convictions fortes. Cette rigueur, combinée à une communication soignée, lui permet de se connecter avec un électorat lassé des excès rhétoriques de Milei.
Un Tremplin Vers 2027 ?
La victoire de Kicillof en 2025 est qualifiée de « bâton de maréchal » par certains observateurs, un jalon décisif dans sa carrière. Cependant, la route vers la présidentielle de 2027 reste semée d’embûches. La province de Buenos Aires, bien que cruciale, ne représente pas l’ensemble du pays, et le péronisme devra séduire au-delà de son fief historique.
Forces de Kicillof | Défis à relever |
---|---|
Image de proximité et style posé | Convaincre au-delà de Buenos Aires |
Soutien d’une nouvelle génération péroniste | Surmonter les divisions internes |
Expérience économique reconnue | Gérer l’héritage controversé de YPF |
Après son succès, Kicillof a appelé à un « dialogue respectueux » avec le président, tout en le pressant de « gouverner pour le peuple ». Cette posture, à la fois conciliante et ferme, montre sa volonté de se positionner comme un leader rassembleur. Mais il reste prudent, évitant toute référence directe à 2027 : « Ce n’est pas le sujet aujourd’hui », a-t-il déclaré.
Un Style Qui Séduit
Ce qui distingue Kicillof, c’est sa capacité à allier rigueur intellectuelle et proximité populaire. Souvent vu en train de partager un maté avec ses concitoyens, il cultive une image authentique, loin des élites déconnectées. Cette approche, couplée à son discours économique ancré dans une vision keynésienne, pourrait séduire un électorat en quête de stabilité dans une Argentine en crise.
Son passé de syndicaliste étudiant et sa campagne de 2019, menée avec simplicité, renforcent cette image. En 2019, sa vieille voiture cabossée était devenue un symbole de son rejet des artifices. Aujourd’hui, cette authenticité continue de porter ses fruits, comme en témoigne l’enthousiasme de ses partisans.
Les Enjeux De L’Avenir
Si Kicillof veut transformer son succès provincial en une victoire nationale, il devra relever plusieurs défis. Tout d’abord, unifier un péronisme fracturé, encore marqué par l’héritage des Kirchner. Ensuite, proposer une vision économique qui réponde aux aspirations d’un pays confronté à l’inflation, à la pauvreté et à l’insécurité. Enfin, il devra se démarquer face à un Milei dont le style, bien que clivant, conserve une base fidèle.
Pourtant, les atouts de Kicillof sont indéniables. Sa victoire de 2025 a montré qu’il pouvait mobiliser un électorat important. Son discours, qui combine pragmatisme économique et proximité humaine, pourrait séduire au-delà des frontières de Buenos Aires. Reste à savoir si ce vent nouveau suffira à redessiner l’avenir de l’Argentine.
Pourquoi Kicillof pourrait changer la donne :
- Un style accessible qui tranche avec l’élitisme.
- Une vision économique keynésienne face à l’ultralibéralisme.
- Une capacité à mobiliser un électorat jeune et diversifié.
En attendant, Axel Kicillof continue de tracer sa route, bombilla à la main, entre les défis d’une province complexe et les ambitions nationales. Son ascension, fulgurante mais mesurée, fait de lui une figure à suivre de près dans le paysage politique argentin. L’avenir dira s’il saura transformer cet élan en une véritable alternative pour 2027.