Un vent d’incertitude souffle sur l’Argentine. Dimanche dernier, les résultats des élections provinciales dans la puissante province de Buenos Aires ont envoyé un signal clair : le parti de Javier Milei, président ultralibéral, traverse une tempête politique. Avec une défaite nette face à l’opposition péroniste, le pays se retrouve à un tournant. Les marchés financiers, sensibles à ce revers, ont réagi brutalement, tandis qu’un appel à l’autocritique émerge dans les rangs du gouvernement. Que signifie cette secousse pour l’avenir de l’Argentine et du projet de Milei ?
Un revers électoral qui ébranle le pouvoir
Le scrutin de dimanche dans la province de Buenos Aires, qui représente plus d’un tiers de l’électorat argentin, a marqué un coup dur pour La Libertad Avanza, le parti de Javier Milei. L’opposition péroniste, ancrée dans ce bastion historique, a remporté 47 % des voix, contre seulement 33 % pour les candidats du président. Ce résultat, inattendu par son ampleur, a révélé un désenchantement croissant parmi les électeurs. Alors que Milei avait suscité un élan d’espoir avec ses promesses de réformes radicales, cette défaite met en lumière les défis auxquels son gouvernement est confronté.
Buenos Aires, avec son poids démographique et économique, était un test crucial à l’approche des élections législatives nationales prévues le 26 octobre. Ces dernières renouvelleront un tiers du Sénat et la moitié de la Chambre des députés, un enjeu stratégique pour Milei, dont le parti dispose d’une minorité législative. Cette faiblesse au Parlement a déjà entravé plusieurs de ses projets, comme l’illustre l’annulation récente d’un veto présidentiel sur une loi augmentant le financement du handicap.
Une onde de choc sur les marchés
Les répercussions du scrutin ne se sont pas fait attendre sur les marchés financiers. Lundi, les actions argentines cotées à Wall Street ont chuté, certaines enregistrant des pertes allant jusqu’à 15 %. À la Bourse de Buenos Aires, l’indice local a clôturé en baisse de 13 %, reflétant l’inquiétude des investisseurs. Le peso argentin, déjà fragilisé par une économie instable, a perdu 3,2 % de sa valeur face au dollar, atteignant 1 425 pesos pour un dollar, avant une légère reprise en fin de journée.
Les marchés détestent l’incertitude, et ce revers électoral envoie un signal de fragilité pour le gouvernement Milei.
Ce plongeon s’explique par la perception d’un gouvernement affaibli, incapable de rallier un soutien suffisant pour ses réformes ambitieuses. Les investisseurs, déjà méfiants face à la volatilité chronique de l’économie argentine, craignent que ce revers ne complique davantage la mise en œuvre des politiques ultralibérales de Milei, centrées sur la dérégulation et l’austérité budgétaire.
Milei inflexible, son équipe appelle à l’autocritique
Face à cette défaite, Javier Milei, qui se décrit comme un anarcho-capitaliste, a adopté une posture de défi. Dans une allocution dimanche soir, il a réaffirmé son engagement à ne pas dévier d’un « millimètre » de sa ligne politique. Au contraire, il promet d’approfondir et d’accélérer ses réformes, fidèle à sa vision d’une économie libérée des contraintes étatiques. Cette détermination contraste avec le ton plus mesuré de son chef de cabinet, Guillermo Francos.
Francos, figure clé de l’administration, a reconnu la nécessité d’une réflexion interne. « Il est temps de faire des autocritiques, d’analyser nos échecs et de comprendre pourquoi les résultats macroéconomiques n’atteignent pas la population », a-t-il déclaré à la radio. Cette prise de position suggère une fracture au sein du gouvernement, entre l’inflexibilité de Milei et une volonté de pragmatisme face aux attentes des Argentins.
Point clé : Le contraste entre la rhétorique combative de Milei et l’appel à l’introspection de Francos illustre les tensions au sein du gouvernement face à ce revers.
Des succès macroéconomiques en demi-teinte
Le gouvernement Milei peut se targuer de résultats concrets sur le front de l’inflation. Depuis janvier 2025, celle-ci a été ramenée à 17,3 % sur sept mois, contre 87 % sur la même période l’année précédente. Cette prouesse, obtenue grâce à une politique d’austérité budgétaire surnommée la « tronçonneuse », constitue un argument de poids pour Milei. Cependant, ces avancées macroéconomiques peinent à se traduire dans le quotidien des Argentins.
La population ressent surtout les effets des coupes budgétaires dans des secteurs clés comme la santé, l’éducation et les retraites. À cela s’ajoute une récession économique, avec une contraction du PIB de 1,8 % en 2024, qui pèse sur la consommation et l’emploi. Comme le souligne le politologue Raul Timerman : « Les gens se demandent : l’inflation est sous contrôle, mais quand mon revenu va-t-il s’améliorer ? Quand verrons-nous des emplois créés ? »
Les Argentins veulent des résultats concrets, pas seulement des chiffres macroéconomiques.
Raul Timerman, politologue
Un charme qui s’effrite ?
L’ascension de Javier Milei s’est appuyée sur un discours anti-caste politique, promettant de balayer la corruption et les élites traditionnelles. Pourtant, ce narratif semble perdre de son éclat. Les critiques pointent du doigt la protection accordée à sa sœur, Karina Milei, secrétaire générale de la présidence, récemment impliquée dans un scandale de pots-de-vin présumés. Bien qu’aucune inculpation n’ait été prononcée à ce jour, cette affaire ternit l’image d’un président qui se voulait irréprochable.
« Le charme est rompu », résume Raul Timerman. Cette perte de crédibilité, combinée à la frustration économique, pourrait expliquer le désaveu électoral dans une province clé comme Buenos Aires. Les électeurs, qui avaient cru en un changement radical, commencent à douter de la capacité de Milei à concrétiser ses promesses.
Vers une stratégie d’alliances ?
Face à ce revers, Milei semble opter pour une approche pragmatique, du moins en apparence. Lundi, son porte-parole, Manuel Adorni, a annoncé la création d’une table ronde de dialogue avec les gouverneurs des provinces, souvent hostiles au pouvoir central. Cette initiative suggère que le président, conscient de sa faiblesse législative, pourrait chercher à tisser des alliances tactiques pour faire avancer son agenda.
Cette stratégie marque un contraste avec son discours intransigeant. Plutôt que de modifier son cap ultralibéral, Milei semble vouloir s’appuyer sur des compromis politiques pour surmonter les obstacles. Reste à savoir si cette démarche suffira à regagner la confiance des électeurs et des marchés à l’approche des législatives.
Défi | Impact |
---|---|
Revers électoral | Perte de confiance des électeurs et affaiblissement politique |
Chute des marchés | Peso en baisse, actions en chute libre |
Austérité budgétaire | Frustration sociale face aux coupes dans les services publics |
Un test décisif à l’horizon
Les élections législatives du 26 octobre seront un moment décisif pour le gouvernement Milei. Une nouvelle défaite pourrait limiter davantage sa marge de manœuvre, rendant ses réformes encore plus difficiles à mettre en œuvre. À l’inverse, un sursaut électoral pourrait redonner du souffle à son projet ultralibéral.
Pour l’heure, le président doit naviguer entre la nécessité de maintenir son cap idéologique et celle de répondre aux attentes concrètes d’une population éprouvée par la crise. Les semaines à venir diront si Milei parviendra à transformer ce revers en opportunité ou s’il s’enfoncera dans une spirale d’instabilité.
En résumé : Le revers électoral de Milei dans la province de Buenos Aires a secoué les marchés et révélé des failles dans son projet. Entre inflexibilité et autocritique, l’Argentine retient son souffle.