La pluie bat son plein sur Conakry, mais ce n’est pas seulement le déluge qui rend l’atmosphère lourde dans la capitale guinéenne. À l’approche du référendum constitutionnel prévu pour le 21 septembre, la ville est sous haute surveillance. Les forces de l’ordre, déployées en masse, scrutent les carrefours et les quartiers stratégiques, tandis que l’opposition appelle à braver l’interdiction de manifester. Que se passe-t-il dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, où chaque coin de rue semble vibrer d’une tension palpable ?
Un Référendum Controversé au Cœur des Tensions
Depuis l’annonce du référendum par la junte au pouvoir, dirigée par le général Mamadi Doumbouya, la Guinée est en ébullition. Ce scrutin, censé poser les bases d’un retour à l’ordre constitutionnel, divise profondément. Les partis d’opposition et les organisations de la société civile dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une tentative de la junte de consolider son emprise sur le pouvoir. Le projet de nouvelle Constitution, dévoilé fin juin, alimente les craintes d’un verrouillage politique.
Le référendum, prévu dans quelques jours, est présenté comme une étape clé pour stabiliser le pays après des années de turbulences. Mais pour beaucoup, il soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Pourquoi cette précipitation ? Et quelles sont les véritables intentions de la junte ?
Conakry sous Haute Surveillance
Ce vendredi, les rues de Conakry étaient quadrillées par un impressionnant dispositif sécuritaire. Des véhicules de police et de gendarmerie stationnaient à des points stratégiques : carrefours, artères principales et marchés animés. Dans les banlieues, fiefs traditionnels de l’opposition, des agents armés de fusils d’assaut patrouillaient sous une pluie battante. Un véhicule blindé, équipé d’un canon à eau, trônait sur une avenue habituellement grouillante de vie, ajoutant une note d’intimidation à l’ambiance déjà tendue.
« La junte veut museler toute voix dissidente avant le référendum. Ce déploiement policier est un message clair : aucune contestation ne sera tolérée. »
Un militant de la société civile guinéenne
Ce renforcement sécuritaire n’est pas anodin. Depuis 2022, la junte interdit toute forme de manifestation. Cette mesure, combinée à des arrestations et à l’exil forcé de plusieurs figures de l’opposition, a considérablement réduit l’élan des protestations. À la mi-journée, les rues des quartiers contestataires restaient calmes, signe que la peur de la répression pèse lourdement sur les habitants.
L’Opposition dans le Viseur
Les principaux partis d’opposition, alliés à des organisations de la société civile, ont appelé à des manifestations dès ce vendredi pour dénoncer le référendum. Selon eux, ce scrutin n’est qu’une façade pour permettre au général Doumbouya de prolonger son pouvoir. Arrivé à la tête du pays en septembre 2021 après un coup d’État contre le président Alpha Condé, le chef de la junte avait promis un retour rapide à un gouvernement civil. Mais les actions de son régime racontent une autre histoire.
Depuis le putsch, de nombreux opposants ont été arrêtés, poursuivis ou contraints de quitter le pays. Cette répression systématique a affaibli les mouvements contestataires, rendant les appels à manifester de moins en moins suivis. Pourtant, l’opposition persiste, portée par la conviction que le référendum pourrait ouvrir la voie à une candidature de Doumbouya à une future présidentielle, malgré les engagements initiaux de la junte.
La charte de transition, établie après le coup d’État, interdisait explicitement aux membres de la junte et aux responsables de la transition de se présenter aux élections. Mais le projet de nouvelle Constitution pourrait changer la donne.
Une Nouvelle Constitution Ambiguë
Le projet de Constitution, rendu public en juin, est au cœur de la controverse. S’il est censé poser les jalons d’un retour à l’ordre démocratique, il reste flou sur plusieurs points cruciaux. Notamment, il n’indique pas clairement si le général Doumbouya pourra ou non se présenter à une élection présidentielle. Cette ambiguïté alimente les soupçons de l’opposition, qui y voit une manœuvre pour contourner les restrictions imposées par la charte de transition.
La campagne pour le référendum, lancée le 31 août, a exacerbé les tensions. Les partisans de la junte vantent les mérites d’une Constitution censée moderniser les institutions guinéennes, tandis que les détracteurs dénoncent un texte taillé sur mesure pour les ambitions personnelles du général. Cette fracture politique divise profondément la société guinéenne.
Un Contexte Historique Chargé
Pour comprendre l’ampleur des enjeux, il faut remonter à septembre 2021. À l’époque, le général Doumbouya renverse Alpha Condé, président en exercice depuis plus de dix ans. Ce coup d’État, accueilli par une partie de la population comme une délivrance face à un régime autoritaire, avait suscité l’espoir d’un renouveau démocratique. Mais quatre ans plus tard, les promesses de transition rapide vers un gouvernement civil semblent s’éloigner.
La Guinée, riche en ressources naturelles mais marquée par des décennies d’instabilité politique, se trouve à un carrefour. Le référendum du 21 septembre pourrait soit apaiser les tensions, soit plonger le pays dans une nouvelle période de troubles. Tout dépendra de la manière dont la junte gérera les prochaines semaines.
Les Défis d’une Mobilisation sous Pression
Organiser des manifestations dans un climat de répression n’est pas une mince affaire. Les leaders de l’opposition doivent non seulement mobiliser leurs partisans, mais aussi composer avec la peur instillée par les forces de l’ordre. Dans les quartiers populaires de Conakry, où le soutien à l’opposition est traditionnellement fort, la présence massive de policiers décourage les initiatives de protestation.
Pourtant, certains habitants refusent de baisser les bras. Dans des discussions à demi-mot, ils expriment leur frustration face à ce qu’ils perçoivent comme une trahison des idéaux de la transition. Mais la pluie, combinée à la menace de la répression, a freiné les ardeurs ce vendredi. Les prochaines heures seront cruciales pour déterminer si l’opposition parviendra à rallier les foules.
Événement | Date | Impact |
---|---|---|
Coup d’État | Septembre 2021 | Renversement d’Alpha Condé, arrivée de la junte |
Interdiction des manifestations | 2022 | Répression des opposants, exil de leaders |
Annonce du référendum | Juin 2025 | Tensions accrues, appel à manifester |
Un Avenir Incertain
À quelques jours du référendum, la Guinée retient son souffle. La junte, qui contrôle fermement les rênes du pouvoir, semble déterminée à faire passer son projet de Constitution. Mais à quel prix ? La répression des manifestations et l’intimidation des opposants pourraient exacerber les tensions, au risque de déstabiliser davantage le pays.
Pour l’opposition, le défi est de taille : comment mobiliser une population épuisée par des années de crises politiques tout en évitant une confrontation directe avec les forces de l’ordre ? La réponse à cette question pourrait déterminer l’avenir immédiat de la Guinée.
En attendant, les rues de Conakry restent sous haute tension. Sous la pluie, les habitants observent, attendent et espèrent un dénouement pacifique. Mais dans ce climat d’incertitude, une chose est sûre : le référendum du 21 septembre marquera un tournant pour la Guinée, pour le meilleur ou pour le pire.